RowenaArmure : Cygne d'Euros (Est et Automne) | [RP de transition - Janvier 553] Le chant avant la mort. Le chant après la renaissance. Ven 1 Mai - 19:07 | | | Le chant s’élève et la plainte vibre entre tes lèvres comme le soleil tombe sur l’horizon. Cette nuit encore, ton corps sombre dans les limbes d’une douce torpeur, et ton esprit s’échappe, feu follet dans la nuit guidant les âmes perdues et les curieux malheureux sur les routes invisibles. Ta voix, Veena, est un murmure tragique, une ode mystique où la douleur transperce, où les larmes glissent dans un torrent silencieux. Du crépuscule à l’aube, tu chanteras la tragique histoire qui est la tienne, dans un appel à la mort que tu ne connais toujours pas, dans une symphonie de désespoir qui mange ton coeur. Et ils écoutent, ces étrangers qui croisent la route de ta voix, ensorcelés par l’enchantement de tes notes. Ils écoutent la triste histoire des Oracles du Soleil qui sont tombés et dont les ailes ont été arrachées :
En Rome la belle, l’aube s’est levée Brillante et souveraine, le grand Soleil gouvernait… » Et tes souvenirs suivent les échos de ton chant, ramenant ta mémoire à ces mois avant l’Itinérance. Ces jours où le cycle n’avait point pris fin et où la lumière d’Apollon brillait encore sur vous, ses guerriers poètes et artistes. Mais la Tour des Vents s’est effondrée, disparues dans des ruines aussi surement que votre dieu solaire a été aspiré par les machinations d’Athéna. Tu aurais dû voir la chose se produire, deviner dans les rêves qui sont tiens, mais il semble que cela, ton dieu bien aimé l’ait lui même prévu. Tu ne te souviens que trop bien des combats qui ont fait rage sur le sol sacré de votre demeure, des cris et des explosions. Toi qui n’a que peu d’aspiration pour le combat, tu as forcé les esprits à se tordre pour toi et attaquer vos ennemis, telle la gardienne que tu dois être… mais en vain. Et toute la douleur du souvenir brûle encore, lorsque ta Chlamyde aux ailes colorés s’est envolée pour te laisser nue et seule. Sa voix alors t’a appelée, poussé à fuir pour que s’accomplisse sa volonté. Tous vous avez quitté le navire, mais pour mieux vous échouer sur des rivages inconnues où certains - toi - demeuraient encore, perdus.
Aux premiers jours de l’Automne, un cycle prit fin… Mais pour mieux recommencer demain, telle la course du soleil qui dans le ciel jamais ne cesse, jamais ne se termine. Alors tu as fui oui, comme l’a ordonné le souverain Apollon, sans être pour autant débarrassée de ta propre malédiction. Rowena le corps, fille du jour éclairée par la vie. Veena l’esprit, enfant de la nuit couronnée par la mort. Elles coexistent et ainsi tu vis, cherchant ce nouveau but dans les prédictions qu’à fait le divin pour vous.
… Et renaîtra d’un nouveau jour les Eveillés, Aidés de l’art, à appeler sur eux le regard des Muses. Ton chant cesse, car sur la courbe de l’horizon déjà rayonne ses premières lueurs. Dans un souffle, l’esprit s’efface pour revenir à la chair, cachée à l’abris en attendant que s’opère le chant maudit.
——— Elle ne connaît que trop bien cette sensation de s’éveiller dans un corps qui n’est pas le sien. Mais depuis qu’elle a quitté la Tour des Vents, il semble que les douleurs sont plus présentes encore qu’avant, ancrées si profondément sous la chair. Un souffle traverse ses lèvres, plus fort que celui d’une personne endormie, et un mouvement se fait à ses côtés, comme percevant le changement du sommeil à l’éveil.
« Rowena ? »
La voix est celle d’un enfant. Jeune, mais suffisamment âgé pour voir quelques douleurs dans les yeux de celle qui devant lui commence à doucement se relever. Ce n’est que fugace, et le sourire qui vient fleurir sur ses lèvres aspire les doutes et les craintes. Un instant du moins. Il ne dit rien et son père Aven entra dans la petite pièce qui s’éclairait de plus en plus par les rayons du soleil. A la main, quelques produits frais, et un sourire bienveillant sur le visage. Il savait, depuis plusieurs mois désormais :
« La nuit n’a pas été trop difficile ? »
Il y a un peu de taquinerie dans le ton, quelque chose qu’il sait avoir le droit de faire sans blesser la jeune femme. Mais le sourire de celle-ci se fane un peu et en miroir, le sien aussi. D’ordinaire, il peut en jouer. Ce soir a-t-il été si difficile ? Il se souvient pourtant, cette façon dont il s’était rencontré, attiré lui même par les chants au coeur de la nuit, cette petite lumière vagabondant parmi les arbres pour se matérialiser sous la forme d’une jeune femme mélancolique et triste. Si pure et si solitaire, mais dont la lumière apaisait et gardait loin des dangers de la nuit. Grâce à elle, il avait retrouvé sa route et grâce à lui, elle avait pu continuer la sienne. En sa compagnie. Il était lui même un itinérant, un voyageur aux airs d'étrange guérisseur. Un ami sincère au fil des mois sur les terres si lointaines et froides de celles qu’elle avait si longtemps connues. Mais demain, leur voyage reprendrait. Elle demeurait depuis trop de jours dans ce petit village tranquille, attisant trop de murmure sur les apparitions nocturne. Oui demain elle repartirait, avec Aven et son fils Edan si gentil.
« Repose toi, la neige est tombée cette nuit, il fait très froid. -Oui. »
Son murmure est si faible, alors qu’elle sent son esprit tenter de se lover dans les replis de la chair qui n’est pas la sienne. Elle sent les sceaux solaires s’accrocher, mordre son âme et l’enchainer dans la punition ancienne qui demeure. Mais elle perçoit aussi des changements, quelques choses de plus fort depuis le début de son Itinérance, la raccrochant au souvenir des ailes qui autrefois furent les siennes. La fatigue cette fois réelle vient étreindre son esprit, et tombe dans un sommeil plus léger que ce que la nuit ne pourra jamais lui offrir.
Et dans les songes, de nouvelles ailes l’habillent, d’un blanc immaculé. Elle se sent voler, libre, réchauffé dans ce qui semble pourtant une journée noir éclairée d’une lune… ou d’une nuit éclairée du soleil… elle ne saurait trop dire, mais dans les divagations des rêves, elle perçoit le chant… Son chant si triste qui appel la mort, et sur l’horizon d’un lac, elle le voit, le corps de cette belle créature qui se meurt dans un chant final. Et le rêve se termine, car la nuit dehors revient.
——— Le crépuscule à nouveau teinte le ciel. La journée s’est envolée comme si elle n’avait été qu’une poignée de seconde. A nouveau, tu te sens appelée hors de ton corps et ton chant reprend. Âme solitaire dans les bois sombres, tes pas laissent le souvenir d’une trace bleutée. Et la voix… la tienne comme celle de ce rêve résonnent en écho :
En Rome la belle, l’aube s’est levée Brillante et souveraine, le grand Soleil gouvernait… » La plainte meurt dans ta gorge en un sanglot. Et devant toi, la blancheur d’un message aux ailes blanches, le regard fier perçant droit tes barrières et ton être. Tu tombes à genoux dans un mouvement que tu ne calcules même pas, et tes larmes sont celles de la mort comme celles de l’espoir. Sa voix en toi murmure, les plumes caressent tes joues et t’entourent de la bienveillance si longtemps attendue, recherchée.
« L’Itinérance continue, mais le soleil n’est pas encore couché. Relève toi, noble et doux cygne, car demain est un jour nouveau. »
Ce jour nouveau où le voyage continue, où l’appel a été entendu. |
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