[Août 550 - Mission] Une nouvelle chasse à l'aveugle [Thafnout - Bran]

Les rues de Rome étaient encore bondées à cette heure pourtant tardive. Et une ombre, sans être vue, se glissait, déambulait sans un mot, sans un bruit, sans un regard. Les quelques semaines qui s'étaient écoulées avaient été éprouvantes. Revenir ici était une bénédiction en soi, même si le rapace aux yeux verts se savait déjà observé par un prédateur plus grand que lui. Les quelques mots de l'ancien Augure, celui-là même qui accompagnait la Wyvern, avaient trouvé un chemin dans son esprit sinueux et ne faisaient que tourner et tourner encore dans une ritournelle qui laissait le Bran Ruz dans un état proche de la catatonie. Pour la première fois depuis son éveil il doutait du bien fondé de son retour. Apollon s'était sans doute trompé en le faisant revenir ici. Il représentait un danger, de toute évidence et il devait se méfier de sa protection divine.

Qu'il n'arborait plus, de fait. Le druide rouge s'arrêta subitement, l’œil attiré par un mouvement dans l'ombre. Le jeune garçon qu'il avait sauvé avec l'aveugle lui faisait des signes. Il approcha, se pencha dans sa direction pour qu'il lui chuchote des choses à l'oreille. Il en fit de même, stoïquement, de sa voix étrangement éteinte. Nulle mélodie dans cette dernière. Étrange. Comprenant que l'enfant était désormais un dévoué moineau, autant l'utiliser à bon escient. Bran n'avait plus qu'a attendre la venue de l'aveugle.

Comme il ne désirait pas revenir vers le Palatin, l'homme, dans ses atours sombres et moirés, alla trouver refuge non loin d'un petit bosquet où il se fondit, en silence. En communion avec la Mère des celtes. Sous un arbre assez vieux, le Corbeau Rouge s'installa, le dos bien droit, le regard clos pour espérer un peu de quiétude dans ce nouveau maelstrom.

« Quelles sont les nouvelles, Thafnout ? » s'enquit-il d'une voix blanche sans ouvrir ses prunelles à son approche. « Navré de n'avoir pu assister au Chorus. J'ai été quelques peu troublé dans mon voyage. J'ai tué le Pope Bélisaire avec un guerrier d'Arès et cela à attiré la Wyvern qui se tapissait. Lui et un homme répondant au nom de Kharan. Ancien Augure, ancien porteur de ma armure … traître chez les marinas. Ancien Général. Ancien beaucoup de choses. Tseuh. »

Fit-il, méprisant. Qu'il fasse étalage de ses sentiments était assez rare pour être souligné.

« Ne m'approche pas de trop près. Cet homme m'a fait comprendre que ma Chlamyde était maudite. Qu'elle menait vers les ténèbres. Et je le crois. Je vais finir par être un danger pour Apollon. » Une pause, un soupir. « Il m'a dit aussi ceci : Ne laisse pas la nuit tomber en Orient. Ne laisse pas l'impénitent marcher sur les pas de Dieu sans craindre son courroux... Je crois qu'il est plus qu'évident qu'il nous faut agir sans plus tarder. »

Il releva son visage encapuchonné vers lui.

« Et je pense que tu es celui qui saura m'épauler pour cela. Digne d'être à mes côtés. Peut-être capable de m'abattre sans hésiter si … »

Le Bran Ruz laissa sa phrase en suspend.