[RP de transition - Janvier 553] Le temps du deuil

Aussi furtif qu’une ombre, le jeune homme s’avance sans la moindre gêne, malgré le fort roulis. La porte s’ouvre, et il pénètre dans le saint des saints : la chambre du capitaine.
Seul le pâle éclat d’une lune paresseuse éclaire chichement les lieux, mais il semble ne pas en être incommodé. Et une fois parvenu devant le bureau d’acajou, recouvert de parchemins, et de bouteilles vides, il ouvre un tiroir pou y glisser un objet brillant.

- Besoin d’aide, peut être ?

Du petit cri qui s’échappe de sa gorge tendre, je réponds par un rictus de mauvais aloi. Et tout en souplesse, malgré la quantité d’alcool qui coule dans mes veines, je quitte les ombres généreuses, pour me rapprocher de l’intrus.

- Moi aussi, j’ai jadis trahi ma capitaine, tu sais… Mais contrairement à moi, elle n’a pas vu le coup venir.

Mes doigts saisissent son menton tremblant, comme des serres un œuf à briser. Et mes yeux émeraudes plongent dans ceux de mon second.

- Tu n’es pas assez stupide pour agir seul, Arkantos. Qui t’emploie ? Le Sénat ? Un de ces connards de O’Bannon ? Un membre de la famille royale ?

Et sans douceur, mon autre main se porte vers l’objet caché, qui se révèle être un coquillage. Ainsi donc, me voilà espionné ? Intéressant…

- Capitaine… Je… Ce n’est pas contre vous…
- Bien sûr, bien sûr… Je suppose que tu agis même pour mon bien. Si tel est le cas, sois un bon garçon, et va au bout des choses.

Et d’une brutale saccade, je projette le malheureux, mais séduisant pirate, sur mon lit défait. Je lis alors dans ses yeux un mélange de désir et de crainte mêlé. Le combo idéal pour accroitre mon ardeur naturelle. Sans lui laisser le temps de se débattre, je le retourne avant de lui ôter ses braies.
Une heure passe, avant que sa passion atteigne son paroxysme. Et alors que je le domine de ma stature, je le relève brutalement pour porter son oreille luisante de sueur à mes lèvres souriantes.

- Tout ce qui se trouve sur la Rose Sanglante m’appartient. Toi y compris… Alors dis-moi… Qui ?

Et dans un râle de jouissance, il finit par lâcher le fameux nom.
Quelques minutes plus tard, alors que je laisse l’espion alangui et somnolent sur mon matelas, je gagne mon bureau pour saisir l’une des rares bouteilles de rhum encore pleine. Et dans un même mouvement, je gagne le hublot, pour perdre un regard mélancolique sur l’immensité de la mer.
Elle ne reviendra pas.
Je le sais. Mais je refuse de l’accepter.
Pourtant, le temps du deuil semble toucher à sa fin. Car, c’est désormais un fait : l’unique capitaine à bord de ce navire, n’est autre que moi.
Et dans un soupir d’alcoolique, j’abandonne une dernière fois son nom à la mer, alors que le cri d’un dragon semble me répondre, tel un appel à ma douleur enfouie.
La vie continue donc… Mais un peu plus fade qu’avant.