[Janvier 553] Le dessous des cartes (Endymion)

Autour d'un verre

Voilà bien longtemps qu'il n'avait pas arpenté les rues de l'Atlantique Nord. La limite avant de quitter la cité. Chose qu'il ne voulait pas. Chose qu'il aurait certainement à faire. Pour il y avait autre chose, une discussion pour des affaires de sécurité intérieure bien sûr pour commencer mais pas que. Endymion. Général du Dragon des Mers. Voilà une personne dont on entendait parler en Atlantis et encore plus depuis son retour. Était-il a la hauteur de sa légende ? Après tout ce n'était pas un secret qu'il avait réussi à séduire la Princesse d'Atlantis... A moins que cela ne soit le contraire peut être ?

Mais pour l'heure, les soldats d'Arès. Selon les dires d'Endymion, ils n'était pas les plus aimables et les plus aptes à la discussion... Logique en un sens. Seulement, et là était la subtilité, c'est eux qui se déplaçaient pour rencontrer Orpheus. C'était donc leur initiative. Et cela soulevait quelques questions. Nul doute que le Légat saurait gérer cela, Deukalyion quant à lui le seconderait et devait préparer cette venue. Autant avoir toutes les informations de la bouche d'un de ceux les ayant rencontré.

Plus il approchait du Pilier, et plus l'ambiance devenait dérangeante. Cela commençait pas des cris lointains et étouffés. Parfois il lui semblait entendre des chants. Cela posait le décor. Endymion était quelque de sombre... Mais le Kraken pouvait-il s'étonner de cela ? Les Piliers s'appropriaient l'énergie même de leurs protecteurs et celui de l'Arctique était tout aussi sombre et peu avenant que celui de l'Atlantique Nord... Mais déjà, il arrivait non loin de l'entrée, constatant que le Général qu'il devait rencontrer était occuper à discuter avec quelqu'un. Il leva alors le bras, montrant la bouteille de vin qu'il avait récupéré pour cette rencontre, s'approchant des deux hommes.

- Eh bien Général Endymion, j'ai ramené de quoi boire ce verre pour notre entrevue. Votre ami sera de la partie ?

Plus on est de fous comme on dit... Seulement, si cela ne l'aurait pas gêné de partager un bon moment avec un des hommes d'Endymion, les sujets qu'ils allaient aborder allaient être assez privés ; Dans un premier temps en tout cas.. Et peut être dans un second aussi.

https://www.youtube.com/watch?v=3TOzkCIaXjI&list=RDMM3TOzkCIaXjI&index=1

En entendant une voix familière, je me retournais, d'abord vigilant, puis rapidement paré de mon plus franc sourire.

Oh, cher ami ! Mais quelle bonne idée ! Un peu de détente, après cette réunion... Je ne dis pas non !

J'avais prévu de préparer une petite fête privée pour Calista, mais en attendant que la journée passe, j'avais bien le temps pour m'encanailler avec... L'homme qui symbolisait la perte de mon ami le plus cher.
"L'homme" devant moi, vint se poster à mes cotés, dévoilant un visage caché dans les ombres d'une large houppelande. Bâton de marcheur en main, il daigna saluer mon invité d'une main squelettique.

Général Deukalyion, je vous présente l'Ermite. L'un de mes plus fidèles alliés. Malheureusement, il n'est pas friand des mondanités... Vous devrez vous contenter de ma compagnie.

Sur un claquement de doigt désinvolte, le spectre s'inclina avant de disparaître dans une carte, que je me hâtais de saisir. Mon regard se porta aussitôt sur la bouteille tenue par mon pair.

Du vin ? J'en bois rarement, mais ma foi... Comment refuser un tel présent ?

Je tournais alors le visage vers un coin vide, devant mon pilier. Une lueur d'autorité embrasa alors mes pupilles, donnant le signal de l'apparition d'une poignée de serviteurs fantômes. Rapides et compétents, ces derniers installèrent une table digne de ce nom, avant de la garnir de bouteilles de rhum, et bien assez de victuailles pour nourrir un équipage.
Sur un geste agacé de la main, ils s'envolèrent pour regagner la brume sombre d'où ils attendraient mes prochaines directives.

Prenez donc place... J'espère que vous l'atmosphère ne vous pèse pas trop. On s'y fait vite, croyez-moi.

Le son lointain d'un orgue et de chants marins se fit entendre, pour mon plus grand plaisir. Je désignais une chaise à mon invité, avant de lui servir une coupe de mon meilleur rhum. La discussion promettait d'être intéressante... Même si l'ombre de Nereus continuait de flotter au plus profond de mon cœur. Vite rejointe par le chant de ma sirène maléfique disparue.

L'art de recevoir

Voilà une scène bien étrange, un squelette caché sous une grande cape qui le saluait avant de disparaître, devenant une carte rattrapée au vol par le Général. A regarder cette scène, on aurait pu jurer du'Endymion discutait avec la mort elle même. Peut être était-ce le cas après tout.

- Ça tombe bien, c'est avec vous que je voulais discuter. La présence d'un invité m'aurait semblé problématique je l'avoue.

Car en effet, il allait là de questions de sécurité, de sujets propres à une discussion entre Généraux d'Atlantis. Pourtant, l'ambiance promettait autre chose. Il y avait ces murmures lointains, puis les chants et autres apparitions fantomatiques qui s'afféraient non loin d'eux.

- Ah ? Quel est votre poison alors ?

Oh. Du rhum forcément. J'en bois rarement, mais comment refuser un tel présent hein ?

Un petit sourire et déjà ils se dirigeaient vers la table pleine de boissons et victuailles. Une belle façon de recevoir un invité, quand bien même les chants des morts et autres sons lointains venaient porter une ambiance spéciale à cette entrevue. Déjà, il le servait alors que Deukalyion déposait sa bouteille sur la table. Il se sentit presque honteux un instant devant cette opulence, mais accepta avec plaisir la coupe. Trinquant avec son hôte, il prit une petite lampée. Le rhum était fort oui, mais aussi assez sucré. Il le sentit passer le long de sa gorge, réchauffant cette dernière sans manquer d'étonner l'Algos.

- Surprenant ! J'aime beaucoup. On entend bien des choses à votre sujet Endymion, mais je n'avais jamais entendu parler de votre hospitalité. Est-ce une de vos conquête des mers ? Quant à cette atmosphère, elle a l'avantage d'être pleine de vie si l'ont peut dire... Vous viendrez à mon Pilier un jour, je vous assure que l'ambiance y est bien moins.. chaleureuse.

Et pour cause. Tout semblait perdre goût près de celui de l'Arctique. Tout devenait terne et seul un martèlement lointain et sourd venait couvrir le silence. Deukalyion commençait à grappiller ça et là quelques dattes et fruits à coque.

- Alors, commençons avant que nos esprits soient trop embrumés pour avoir une discussion sérieuse. Arès et ses barbares. Qu'avez-vous à me dire sur eux ?

Un type sympathique.
Voilà ce qui ressortait d'une première observation du général du Kraken. Mais comme disait l'adage : méfions-nous de l'eau qui dort.
Après avoir englouti le contenu de mon verre, je me saisis de la bouteille portée par mon invité, pour lui faire honneur.

Ce petit cépage ne manque pas de bouquet non plus.

Tout sourire, j'en dégustais un second verre, tout en détaillant le profil de mon vis-à-vis, avant qu'il ne déclenche un rire franc de ma part.

Oh, de folles rumeurs me concernant ? Vous avez dû en entendre de belle... Mais croyez-bien que tout ce qui viendrait à vos oreilles ne serait qu'en deçà de la réalité.

Pirate débauché, pervers, dépravé, manipulateur, séducteur ou désinvolte. Pour l'époux d'une princesse de sang-pur, j'étais paré de la pire des réputations... Ce qui avait le don de m'amuser au plus haut point. Toutefois, en entendant l'invitation du Kraken, je détournais machinalement le regard pour le perdre dans l'alcool qui tournoyait dans mon verre, à demi-plein.

J'ai longtemps fréquenté les abords de votre pilier... Je serais curieux de constater de son évolution.

Décidément, les changements mettraient du temps avant que cette nostalgie agaçante ne m'abandonne. Mais je repris vite ma jovialité, avant de partager mes souvenirs.

Les Bersekers... Une bande de rustres sauvages et sans une once d'esprit diplomatique. Imaginez une bande de requins stupides. Tendez leur la main et ils tenteront de la dévorer. Leur seule utilité est de leur offrir un meilleur festin et de les pousser à nager dans sa direction.

Après avoir pris place en bout de table, je me servis une épaisse tranche de jambon sec, tout en rassemblant mes pensées.

Ton prédécesseur, Nereus, et moi étions amis. Et ce fut donc ensemble que nous participâmes à la bataille de la tour de Jamir en Août 550. Peut-être en avez-vous entendu parler. Sitôt arrivés sur place, nous avons dû affronter deux des sbires d'Arès : Kostas le centurion du Wendigo et Rhiannon de la chauve-souris vampire. Rien d'anormal, vu les circonstances...

Un duel à quatre mains intéressant, mais où Nereus avait failli. Trop jeune, trop inexpérimenté. Pour le coup, je me resservis une bonne dose de rhum, avant de tendre la bouteille à mon pair.

En octobre de la même année, je me suis rendu seul sur les terres d'Arès pour faire oublier ce différent militaire, et tenter de tisser une entende cordiale... Et ces imbéciles de Bersekers ont eu le culot de m'attaquer à vue, en surnombre. Seul l'un d'entre eux, Akir, berzerker du tigre m'a fait bon accueil, avant que ses compères ne me donnent la chasse, comme à un vulgaire lapin. Et le pire...

Là une colère froide revient des tréfonds de mes souvenirs. Un affront que je n'oublierais pas de sitôt !

J'ai accepté un défi honorable avec Kostas, pour qu'il puisse défouler sa rancune à mon égard, et qu'enfin lui et ses compères m'écoutent ! Mais par pure traîtrise, ils se sont mis à deux sur mon dos, me poussant à fuir à nouveau...

Les saveurs

Ainsi ils dégustaient chacun de leur côté, goutant ça et là les différents mets, les saveurs... mais surtout les liquides pourpres et ambrés. Et voilà qu'il se donnait sans retenue, affirmant les dires sans même les connaitre, les minimisants même... Exactement ce que les rumeurs pouvaient raconter. Un homme théâtral. Charmeur et trompeur, mais dévoué. Le peuple Atlante était-il dans le juste ? Trop tôt pour le savoir.

- Les gardes parlent autant qu'ils entendent oui. Mon rôle est de savoir ce qu'il faut écouter et garder. Vous êtes le bienvenue à l'Arctique en tout cas. Je saurai vous rendre la pareille pour cet excellent buffet.

Et là était la plus grande sincérité alors qu'il découpait un morceau de pain en lorgnant sur un fromage à la croûte sombre. Voilà une entrevue qu'il n'aurait pu soupçonner, s'attendant à devoir discuter dans un bureau ou sur un coin de table avec un simple verre à la main. Ils festoyaient presque au final. Comme les seigneurs qu'ils étaient. Généraux d'Atlantis. Endymion essayait-il d'acheter là un de ses confrère ? Pour l'instant, la pensée du Kraken n'en était pas là.

Les Berserkers. Raison première et la plus importante de cette visite. Ainsi, les discussions ne manqueraient pas de faire étalage de ces quelques rencontres et escarmouches. Orpheus était certainement au courant de cela, nul doute qu'il avait déjà pris la peine de se renseigner à la seconde même où la mission du Pontifex avait été reçue. Il en discuterait cependant avec lui à l'occasion histoire d'accorder leurs violons et ne parler que d'une seule voix. Même si c'était celle du Légat qui mènerait la danse.

- Je vois en effet. Ce sont là de précieuses informations Général. Nul doute qu'il auront leur propre version des faits. S'ils viennent c'est qu'ils attendent quelque chose de nous et seraient mal avisés d'en faire étalage. Quant à moi, cela me conforte sur les décisions que j'ai à présenter au Sénat... Je vous envie parfois, vous, qui voguez sur les mers loin de toutes ses discussions et concessions incessantes. Mais seulement parfois ! Haha !

Car déjà le rhum lui montait à l'esprit à mesure que son verre se vidait. La victuaille était délicieuse et les arômes ne s'en trouvaient que renforcés. Voilà une facette du Général qui ne paraissait que peu souvent... Pas l’enivré non, mais le rêveur. La mer n'était pas un songe pourtant... mais comme cette dernière, son rêve, il ne pouvait l'atteindre.

Occupé à siroter le contenu de mon trois...quatriè...euh... De mon verre, je réfléchissais à une question lancée par mon vis-à-vis. La raison de la venue des Bersekers.
Nul doute qu'ils avaient besoin de nous.
Rancuniers, violents, stupides et revanchards, ces rustres pouvaient considérer qu'un affront commis par une armée pouvait supplanter les plus anciens. Et au vu des dernières rumeurs, une tentative d'alliance pour attaquer les chers adeptes d'Athéna ne m'étonnerait guère. Comment réagirait Orpheus fasse à cette opportunité ? L'agacement légitime du Légat pour le silence du Sanctuaire pouvait le pousser à saisir cette opportunité. Ce qui ne m'enchanterait guère...
Allais-je me retrouver à devoir affronter l'époux endeuillé de ma capitaine ? Sincèrement, je ne le souhaitais pas.

Les larbins d'Arès ne sont qu'une bande de hyènes enragées. Je ne serais pas étonné qu'ils viennent chercher des appuis pour prendre leur revanche sur les Saints. Mais les connaissant, ils seraient capables de nous attaquer dans le dos, sitôt leur ennemi à terre.

Et un verre de plus ! De quoi accompagné la dégustation d'un jambon sec à se damner. Quitte à récevoir un confrère pour la première autant qu'il s'en souvienne. Et son ultime confidence me donna une soudaine idée. L'une de ces braises susceptibles d'embraser mon sens de la désinvolture et de la folle spontanéité.
D'un bond, je quittais la table pour me glisser dans le dos du Kraken. Une main suave sur son épaule, je lui susurrais à l'oreille.

Tu m'envies ? Dans ce cas, pourquoi ne pas te donner les moyens de m'imiter, l'espace de quelques instants de repos, loin des turpitudes politiques ?

Deux doigts entre les lèvres, je poussais un sifflement qui résonna dans le brouillard épais, qui nous cachait l'horizon. Rapidement, une masse informe perça la brume pour se rapprocher de notre position. Un sourire d'ivrogne joyeux aux lèvres, je vis mon premier navire, le Black Curse, descendre à terre, avant qu'une échelle de corde ne nous soit lancée.

Un petit tour sur un vaisseau fantôme ? Je te laisse le gouvernail !

Voguer sur un océan de brume pouvait être une expérience grisante, et à laquelle je m'adonnais régulièrement par nostalgie. L'alcool me rendait probablement plus accueillant que de coutume, mais ce général me rappelait surtout un vieil ami, lui aussi prisonnier d'un monde politique aux tentacules multiples. L'envie ne devait pas se transformer en regrets futurs.

Voguons

La rancune. La méfiance. Endymion semblait ne pas voir d'un bon œil l'arrivée prochaine de la délégation d'Arès, et l'on pouvait aisément le comprendre. Pourtant il y voyait aussi l'avantage premier : Une force de frappe qui pourrait nous être utile. Il soulevait néanmoins un point important.

- Là est mon rôle, tant qu'ils seront sur nos terres ils ne pourront rien nous faire.

Quant à l'après... et bien, le Légat entrait en scène, cela serait à lui veiller à ce que tout se passe au mieux, à comprendre ce que veulent les Berserkers et ce que nous pourrions y trouver, eux comme nous. Il n'enviait pas son ami, devoir gérer de telles situations pour le moins délicates... Très peu pour lui, et les enjeux le dépassaient clairement. La sécurité d'Atlantis, dans la lumière et dans ombres. Mais pour le moment, il profitait de ce qui était devant lui. L'alcool passait verres après verres. Les mets se diversifiaient. Quelques années en arrière, une telle débauche de moyens ne lui aurait pas été permise.. Que de chemin parcouru.

Eendymion surgit alors dans le dos de Deukalyion, posant une main sur son épaule et lui susurrant quelques mots l'oreille. Son ton était différent, certainement déjà usé par l'alcool. Il lui proposa alors une chose qu'il ne comprit pas sur l'instant : l'imiter. Changer de vie pour un court moment. Le Kraken se retourna alors vers lui, offrant un sourire franc et un regard intrigué. Signe que lui aussi commençait à être affecté par les différentes liqueurs. Il n'eut le temps de rien dire que déjà le Dragon des Mers sifflait. De la brume naquit alors un navire qui s'approchait d'eux, naviguant dans les airs. Il se posa alors la question un instant, un brin perplexe. Était-il en train d’halluciner ?

- Vraiment ? Tu es capable de faire ça ?! Et comment que je veux !

L'échelle se déroula devant eux, et Deukalyion sous l'invitation d'Endymion grimpa sur le navire. En soit un bateau n'avait rien de surprenant pour un Atlante... Mais un vaisseau fantôme, là, c'était unique. Qui d'autre pouvait se targuer d'avoir pu fouler les planches d'un tel ouvrage ? A se demander comment cela pouvait être possible... Mais déjà, le Général se dirigeait vers ce qui lui était promis : le gouvernail. Le Kraken le trouva prestement, posant ses deux mains sur cette roue dentée ornée de maintes gravures.

- Jusqu'où pouvons-nous aller avec ton navire Endmyion ? A-t-il un nom d'ailleurs ?

Il n'attendait plus qu'une chose. Que les voiles de déroulent et qu'ils naviguent par delà les demeures de la blanche cité. Qu'ils puisse voguer. S’enivrer d'un plaisir rare, que peu de gens pouvaient connaitre. Et l'Algos, lui, enfant pauvre de la bordure d'Atlantis, était désormais un fier Général dans une armure azur, portant une cape raffinée, aux commandes d'une embarcation fantôme... Le Dragon des Mers révélait bien des surprises, on ne lui avait pas menti... Et ce dernier n'avait pas exagéré en appuyant le fait que les récits étaient loin d'égaler la vérité.

Comme je m'y étais attendu, l'opportunité de voguer sur un navire fantôme avait enthousiasmer Deukalyion ! On aurait pu le comparer avec un enfant qui venait de recevoir un magnifique cadeau inattendu.
Après avoir grimpé à sa suite, j'enroulais mon bras autour de son épaule, avant de lui désigner le pont recouvert d'une fine brume.

Je te présente le Black Curse ! Mon tout premier navire ! Voilà quelques années, il a fait naufage dans le triangle des Bermudes.

Et sur un claquement de doigts, quelques silhouettes spectrales de marins défunts apparurent dans un bel ensemble. Une vigie, d'autres balayant le pont, ou tirant sur la grand-voile. Une vie fantoche reprenait sous nos yeux, alors qu'un chant des mers reprenait de la vigueur.
Aussitôt, j’entraînais le Kraken vers le gouvernail sur lequel je posais ses mains.

Pour l'occasion, nous naviguerons dans ma zone d'influence, autour de mon pilier. La brume sera notre mer calme ! Mais l'odeur des embruns est bien réelle. Oh mais j'y pense... Que dirais-tu de voyager dans un souvenir ?

Le triangle des Bermudes, point central de ma zone d'influence, était connu pour être l'une des frontières les plus minces avec le monde des esprits. Souvenirs, passé, présent et futur s'y entremêlaient dans un chaos total. Rien de plus simple pour moi de placer sous nos yeux une scène connue.
Je déployais aussitôt mon cosmos, et le navire retrouva son lustre d'antan, alors qu'au dessus de nous la pleine lune, reine d'un ciel parsemé d'étoiles brillantes, se reflétait sur une mer infinie.

Second Deukalyion ! J'aperçois au loin un navire marchand ! Que diriez-vous de lui donner la chasse ?

Et d'un doigt déterminé, je lui désignais notre cible. Une scène que j'avais déjà vécue, certes, mais qui éveillait déjà chez moi le frisson de l'aventure.

A l'abordage

Combien de verres pour en arriver là ? Avec un parfait inconnu... Enfin. Pas si inconnu que ça après tout. Endymion était un Général ! Qu'il avait croisé. Une fois. Et bien sûr, il en avait entendu parler. De là à imaginer un tel moment. Voilà l'Algos, perché sur un navire fantôme au beau milieu d'Atlantis, sa cité. A se demandait si son état n'imaginait pas tout cela... Mais non, là était l'un des talent de son confrère. Un brin sinistre... mais tellement rempli d'aventure.

La cité blanche s'effaçait lentement sous leurs yeux, alors que la mer venait à eux. La nuit était claire, la lune scintillantes. Ils étaient loin, et le navire. Non. Le Black Curse, avait repris ses couleurs. Son équipage semblait... plus vivant que jamais. Pour des morts. Etaient-ils de vrais morts ?

- Ce sont des vrais esprits Endymion, ou bien des souvenirs ?

Une question un brin déplacée. Les brumes avaient rejoint son esprit, et il était désormais sur cette mer... ailleurs aussi. Transporté. Il ressentait les embruns de l'océan. Écoutait le bruissement de l'eau qui s'écrasait sur la proue. Tout était si réel. Le Dragon des Mers lui proposait une chasse, celle d'un navire marchand... Une cible à piller. Il lui répondit alors par un mouvement de tête affirmatif avant de chercher du regard, autour d'eux, une arme. Il lui fallait une lame, il n'avait pas la sienne. Son trophée restait bien souvent dans ses appartement, planté au mur. Une prise de guerre qui avait redessiné son visage il y a de cela bien des années. Il s'aventura sur le pont jusqu'à trouver son bonheur, un glaive rouillé. Soit. Cela ferait l'affaire. Quelques mouvements de poignet plus tard il se retourna vers le Général.

- Je parie sur des épices. Qu'attendons nous pour les aborder ?

Un sourire plein de malice et d'impatience. Les deux navires se rapprochaient, celui d'Endymion était rapide, et l'homme savait le manier. Il n'étaient plus très loin, et Deukalyion trépignait. Voulait se lancer dans un affrontement violent. Cela lui rappelait de lointains souvenirs... Rencontrerait-il sur cette embarcation un homme qui serait capable de percer sa chair ?

Lorsqu'il furent assez proches, sans attendre aucun ordre, comme si plus n'existait autour de lui, il fixe le pont adverse avant de se projeter dessus, aidé par les ailes de son écaille. Prêt à en découdre, à pourfendre, trancher. Se faire trancher. Se ressentir vivant... Seulement... Ils n'étaient pas réellement là. Pas au milieu de l'océan. Son bond fut long, projeté par sa force et celle du Kraken. Les songes semblaient alors s'étioler autour de lui. Ce ne fut pas l'eau glaciale qu'il percuta, mais un toit. Avant de rouler sur ce dernier et finir par s'écraser, quelques mètres plus bas, dans la rue. Un certain fracas. Et lui, au sol, sur le dos, à fixer le ciel qui était redevenu celui qu'il connaissait, entremêlement de l'océan et de l'immensité...

- Hahaha... HAHAHAHAHA....

Il riait oui. Comme un adolescent qui venait de transgresser les règles... Depuis combien de temps cela n'était pas arrivé ?

Je me régalais à vivre cette aventure fantôme avec un homme capable de tant se prendre au jeu.
Pour un peu, j'aurais pu songer à l'embarquer sur la Rose Sanglante pour l'un de mes voyages... Mais déjà, ce n'était pas si mal.
Une main sur son épaule, j'observais le navire marchand dont la silhouette s'élargissait à mesure que notre navire le rattrapait.

Un souvenir... Un lointain souvenir.

Du temps où une belle capitaine rousse était encore à mes trousses, après que je lui ai ravi son rang. Une vague de nostalgie me saisit, avant que la ferveur de Deukalyon ne m'arrache un franc éclat de rire.
C'est qu'il semblait avoir besoin de se défouler ! Parfait.

Des épices, probablement, et avec un peu de chance du vin digne de ce nom !

Et le Kraken s'élança, portait par les ailes de son écailles. Les yeux écarquillés de surprise, je bondis à sa suite, pour le voir heurter un toit de la cour des miracles. Hilare face à sa joie visible, j’atterris non loin de lui, avant de lui tendre la main pour l'aider à se relever.
Allongé sur le dos, le kraken semblait avoir rajeuni à vue d’œil. Comme grisé par cette brève mais intense expérience. J'étais parvenu à lui faire lâcher prise, et étonnement, cela me combla de joie. Pas uniquement dû à mon ingestion de rhum.

Alors, matelot ? Je peux demander au légat l'autorisation de t'embarquer lors de mon prochain voyage ?

D'un geste, j'invoquais ma rapière, avant de la pointer vers l'horizon. Marchands byzantins, gare à vous !
Je remarquais alors quelques badauds m'adresser des signes de main. Etais-je à ce point farfelu pour que nul ne s'étonne plus de me voir dans ce type de situation ?! Bah, les ruffians de la cour des miracles commençaient à me connaître... Ne formions-nous pas une grande famille ?

Hey ! Si on allait boire un coup dans la plus belle taverne du coin ?! C'est mon refuge ! Tu vas voir, le patron a toujours des bouteilles fabuleuses ! Et un cochon en train de rôtir au dessus du feu !

Un homme a terre

Il fixait ce ciel encore un court instant. Son rire s'était calmé. Il sourait jusqu'à ce qu'il entende le cliquetis de l'orichalque sur les pavés. Endmyion l'avait rejoint, d'une manière bien plus délicate à dire vrai. Il s'était posé avec grâce. Voilà un spectacle rare qui ne devait être vu souvent, deux Généraux ainsi tenus... En tout cas, pas dans un tel contexte. Il accepta la main tendue pour se relever. Il s'époussetait légèrement, vérifiant l'état de sa cape. Rien à priori.

Le Dragon des Mers semblait ne pas avoir quitté son rôle, brandissant une lame pour souligner son invitiation au voyage. Un drôle de spectacle qui ne semblait déranger aucun des passants au final. A dire vrai l'Algos ne connaissait que peu l'Atlantique Nord..; Peut être étaient-ils habitué à pire.

- Je ne pense pas que ce soit très rentable que de me prendre sur un voyage... Le Kraken englouti les navires, difficile de prendre ce qui est dû dans ces conditions.

Son tempérament n'était pas fait pour l'abordage. Pas fait pour être entouré des siens non plus. Il était bien ici, à veiller à la sécurité des habitants, que la Cité soit préservée. C'était là son honneur, à lui. Quelque chose d'important qui le maintenait à flot. Il lui proposa alors de continuer cette "entrevue" dans un de ses endroit préféré de la cité, où l'alcool coulerait certainement à flot et où ils pourraient continuer leur repas. Après tout, ils avaient à peine grignoté... Mais était-ce raisonnable de le suivre après ce petit incident ?

- Je dois me remettre de mes émotions après cette chute je crois... De quoi me rafraîchir la gorge ne sera donc pas de refus !

Et déjà il emboitait le pas de son confrère alors que l'écaille du Kraken quittait son corps pour disparaître en direction du Pilier de l'Arctique. Pas question de donner plus en spectacle le Général en charge de la sécurité intérieure... Il ne restait là que le citoyen, dans ses habits modestes. Il regardait Endymion. Observait cette jovialité, cet entrain... Il était agréable de se trouver avec des personnes comme lui. Vivantes. Etait-ce cela qui avait su attirer la Générale de Scylla ? Ils semblaient tellement différents...

Hilare en entendant la réponse du Kraken sur ma proposition, je lui tapotais machinalement l'épaule, avant de m'engouffrer dans la ruelle la plus proche.

Le Kraken engloutit, et le dragon veille sur ses trésors dans le fond des cavernes sous-marine !

L'espace d'un instant, je m'imaginais notre duo en combat. Sa fougue et ma stratégie, sa force et ma subtilité. Hum... Je retenais cette idée dans un recoin de mon esprit, au coin où le Légat me proposerait un jour de choisir un partenaire de jeu.
Il ne me fallut pas longtemps pour apercevoir l'enseigne de la taverne centrale de mes bas-fonds favoris. Sur notre passage, ruffians, marchands douteux et gamins pics-pockets nous laissèrent la place, non sans me saluer. Et ce fut tout sourire que je pénétrais dans "La dame rousse", mon lieu de résidence principale, mais aussi le point de rassemblement de la faune locale.
Après avoir adressé moult révérences ironiques à une assemblée hilare et bruyante, je filais au centre de l'immense pièce pour prendre place sur un trône en os de dragon.

PATRON ! Ton meilleur tort-boyaux ! La cour des miracles accueille un invité de choix, ce soir !

Un orchestre douteux reprit alors une chanson, alors que je claquais des doigts, désignant de mon index Deukalyion. Aussitôt une damoiselle à la poitrine arrogante et un serveur taillé comme un dieu grec vinrent l'entourer pour le guider jusqu'à une table dressée devant moi. Ce soir, nous serons d'égal à égal dans mon antre !

Installe-toi, mon bon ami ! Et profite !

Signe d'une évidente ambiance surchauffée, deux ivrognes commencèrent à échanger quelques coups de poings, avant d'être jeter dehors par leurs voisins mal embouchés. Quelle soirée parfaite...

Un verre de plus

Ils déambulaient dans la Cour des Miracles alorsque le Dragon des Mers tentait de nouer une alliance avec le Kraken pour s'assurer de tirer quelques par le fond. L'idée était audacieuse, mais Deukalyion n'était pas un de ceux qui voguaient. Il restait une bête des profondeurs, à défendre sa terre enfouie sous les eaux. Néanmoins, cette courte expérience avait été bénéfique pour lui, le frisson de l'aventure avait su attirer vers lui une bonne humeur certaine. Peut être devrait-il sortir d'Atlantis plus souvent. Alexandrie n'était pas si loin.. quand bien même emplie de souvenirs rouges.

La Dame Rousse. Un établissement inconnu pour l'Algos, un endroit plein de vie, bruyant et joyeux. Endymion disparut un court instant, laissant son confrère seul pour aller se poser sur un... trône en os, au beau milieu de cette pièce. Rien que ça. Il semblait avoir ici quelques privilèges. On lui amenait une table, on commençait à déposer des mets et boissons sur cette dernière. Impressionnant, on jurait voir un Prince en son royaume.

Deux personnes virent se placer aux côtés de Deukalyion, une belle jeune femme et un fringuant jeune homme qui avancèrent en le prenant par les bras. Une fois devant cette tablée une troisième personne lui apporta une chaise et il s'installa, non sans jeter un dernier regard et un sourire envers la demoiselle qui l'avait escorté jusqu'ici.

- Cet endroit t'appartient ? Peut-être devrais-je emmener mes hommes y faire une descente un de ces quatre... Haha ! Je rigole ! J'en aurai déjà entendu parler s'il posait problème.

Et au même moment, derrière lui, il put entendre le doux son de la chair contre l'os. Une bagarre éclatait, le faisant se retourner. Il s'apprêtait à se lever avant de voir que déjà les cliens faisaient en sorte eux même de se débarrasser des nuisibles... De toute façon, j'suis pas de service... Ainsi il se remis en place confortablement avant de commencer... Ou plutôt continuer à s'abreuver.

- Alors Endymion. Fais moi rêver. Raconte moi une de tes aventure. Quelque chose de fou. Je t'en raconterai une en retour.

Nulle question d'un comparatif ici, le Dragon des Mers gagnerait sans aucun doute. Mais avec la fougue du moment, l'ambiance de ce lieu et les quelques verres déjà passés... Oui, le Kraken voulait en savoir plus. Comment en arrive-t-on à devenir Général du Dragon des Mers, épouser une riche patricienne, et vivre dans un tel endroit ? Intriguant oui. Un personnage unique.

Lointains souvenirs

Ah cette ambiance...
Alcool, bagarre, luxure, tentations et rires gras. En réponse à la boutade du Kraken, je levais la coupe remplie à ras-bord d'un bon rhum tiré de ma cave personnelle que le tavernier venait de nous flanquer entre les mains.

Je suis le maître des lieux, en effet ! Tu es dans mon repaire... Une île pirate dans un océan de règles assommantes. On ne s’ennuie jamais ici, crois moi.

La coupe dissimula alors un léger sourire taquin.

Oh mais tes hommes seront admirablement reçus... Et je serais même prêt à parier qu'ils reviendraient rapidement sur leur temps libre.

Malgré une apparence de lieu de débauche et de refuge de la lie de l'humanité, ma cour des miracles répondait à des règles strictes. Marcher sur le fil de la légalité... Mais ne jamais tomber du mauvais coté. Ou du moins, ne rien laisser susceptible de se faire prendre. Après avoir saisi le coup d'oeil de mon nouvel ami, je hélais la courtisane d'un claquement de doigts. La belle vint alors prendre place sur les genoux de Deukalyion.

Rose adore mes histoires ! Puisque tu me demandes de t'en conter une, il serait dommage de l'en priver... N'est-pas ma belle ?

L'intéressée éclata d'un rire cristallin avant de promener sa main dans la chevelure de notre invité. Désireux de ne pas rester en retrait, le bellâtre qui avait également escorter le Kraken vint se placer derrière mon trône pour entamer un massage de mon crâne.

Une de mes aventures... Elle remonte à quelques années déjà. J'étais alors second sur le navire "La Rose sanglante", propriété du terrible capitaine O'Bannon. Un tyran au visage masqué, qui m'avait recueilli et apprit le métier de marin, mais aussi de pirate. Malheureusement, sous l'influence de quelques rebelles ingrats, l'équipage lança une mutinerie, et je devins seul maître à bord...

Un étrange rictus, presque nostalgique, perça alors mes traits, alors que les souvenirs me revenaient un à un.

Sitôt choisi par les pirates, je mis le cap sur une île perdue du Triangle des Bermudes. Pour trouver un trésor mystérieux, dont j'avais eu écho par mon prédécesseur... Une fois mon navire à proximité des côtes de ce lieu baigné dans les brumes, j'ordonnais aux meneurs des anciens mutins de me suivre pour explorer les ruines qui étaient apparus à nos yeux. Et crois-le ou non mais... Nous finîmes par arriver dans une immense caverne débordant d'or, de pierreries et de bijoux disparus de longue date ! Et sur ce trésor... Un dragon ! Une bête gigantesque, à la masse baignée d'ombres...

Je m'aperçus alors, non sans plaisir, que l'ensemble de la taverne était pendue à mes lèvres.

J'entrevis alors le but réel de notre voyage... Et après m'être servi des mutins comme appât pour la bête, je m'emparais de ce trésor inestimable, avant de les enfermer dans la caverne, en scellant l'entrée. En guise d'hommage funéraire, je leur laissais un bout de parchemin sur lequel j'avais écrit... "Le capitaine O'Bannon vous salut bien !"

J'éclatais alors de rire, en ravivant la tête de ces traîtres avant que le dragon n'en fasse son repas.

Tu vois, mon ami... C'est ainsi que l'écaille du Dragon des mers m'a choisi !

Compagnie

Ainsi il avait raison. Difficile de ce tromper avec ce trône... C'était ici son royaume, à lui. Certainement que cet imposant siège avait été le fruit d'une rapine des mers, tout comme le reste des objets présents ça et là sur les murs, tous différents. Tout ce faste intriguait l'Algos, il devait avoir une histoire derrière cela... Une longue histoire.

Il leva donc son verre après qu'Endymion ait conseillé à son invité de parler de cet endroit à ses hommes. Nul doute qu'ils s'y plairaient ici. Une gorgée de plus et déjà Endmyion claquait des doigts, faisant apparaître la jolie serveuse qui l'avait accompagné jusqu'à cette table. Rose, car c'était là son nom, vint se poser sur les jambes du Général qui ne put que montrer son étonnement, écartant les bras pour laisser place. Non sans sourire, avant de jeter un regard envers le Dragon des Mers.

- Quel plaisir que d'écouter cette histoire avec toi, Rose. Mais je parie que tu l'as déjà entendue des milliers de fois !

Difficile de dire qu'il était désagréable d'être ainsi. La plantureuse jeune femme commençait déjà à passer ses doigts dans les cheveux ébouriffés du Kraken. Loin d'être déplaisant. Très loin même... Si bien que son attention voguait entre les prunelles de sa bienfaitrice et la voix du conteur. Il se laissa emporter alors, certainement par son sang qui devait désormais être bien engorgé, que par les caresses. Il pencha donc sa tête légèrement, sans quitter des yeux le pirate, continuant de s'abreuver au fil de son récit.

Il avait demandé une aventure ? Le voilà servi. Trahison, voyage, quête, trésor... Dragon ! Il n'y avait plus un bruit dans cette taverne, tous avaient le regard vers cet homme. Son voyage passionnait, les anecdotes étaient toutes plus incroyables les unes que les autres. Rose elle même s'était figée la main sur la tête du Général, obnubilée par les péripéties. Il en était de même pour Deukalyion qui avait cessé de boire pour ne rien rater, attendant la fin de cette histoire rocambolesque. Et alors qu'il terminait sa phrase, concluant avec brio, le Kraken leva son verre.

- Pour le Dragon des Mers !

Je comprends beaucoup mieux comment tu as pu acquérir cette demeure. Une vie pleine de risque récompensée.

Elle avait repris ses cajoleries sans sans avoir gloussé légèrement. Deukalyion s'approcha de son oreille pour lui susurrer quelques mots non sans un sourire une main posée sur son avant bras. La jeune femme se releva alors, laissant le champ libre au fringuant Général pour se relever. Non sans mal, il dut même s'appuyer sur la table pour s'habituer à cette nouvelle condition : débout. Après un long souffle, il releva la tête vers son hôte.

- A raison gardée, je vais tenter de rejoindre mon pilier. J'en ai appris bien plus que je ne l'espérais ce soir. Tu es un sacré personnage Endymion. Merci pour cette accueil, nous remettrons cela chez moi après que les sauvages seront repartis.

Un clin d'oeil et il tenta de se déplacer mais son corps ne bougeait plus. Il était là, les deux mains posées sur cette immense table. Immobile. Le regard dans le vide après ses derniers mots..

Délices nocturnes

Galvanisé par mon récit, pourtant maintes fois conté, mon auditoire répondit à ma verve par une effervescence joyeuse. Deukalyion se prêta au jeu, probablement aidé par l'abus d'alcool et je le saluais d'un hochement de tête.

Une vie pleine de risques... Mais la vie est elle même un risque !

Et j'éclatais de rire, accompagné par l'hilarité générale. Sur ces entrefaites, le Kraken m'annonça son départ, et je l'observais non sans amusement. En voilà un qui n'était pas habitué à faire des folies de ses soirées. J'adressais aussitôt un regard entendu à Rose, qui se hâta de glisser son épaule sous le bras de notre général aviné mais heureux.

Mon ami, hors de question de te laisser partir dans cet état ! Il ne faudrait pas que tu finisses par t'endormir dans le premier fossé venu. Il y a des chambre à l'étage pour les invités. Rose se fera un plaisir de te montrer la tienne...

Et alors qu'un sourire élargissait mes lippes, le serveur occupé à masser mes épaules endoloris se baissa pour me susurrer une proposition à l'oreille. Une divine tentation à laquelle je répondis par une main posée sur son bras. La soirée promettait de finir dans certains délices...
Ce qui se passait dans mon antre restait dans mon antre !

Bon, les musiciens ! Vous vous croyez à un enterrement ?! Du son, bon sang ! Du chant ! On s'ennuie !

Et sur mon ordre, la musique reprit de plus belle ses droits, alors que quelques chants de piraterie et paillards commençaient à résonner à mes oreilles. Au moins, cette première entrevue avec Deukalyion s'était déroulée sous les meilleurs auspices. Si seulement, mes relations avec les autres généraux pouvaient toutes être du même acabit...
J'avais eu quelques préjugés envers celui qui avait remplacé mon cher Nereus, de prime abord. Mais au final, nous étions fait pour nous entendre !

Les deux hommes étaient à une table, amusé à boire et à entendre la musique. Une légère lueur prit soudainement la forme d'une étoile rouge.

Des chants nordiques se firent entendre dans les alentours, venant d'ombre qu'ils ne voyaient pas. Des odeurs de fête et de sanglier rôti se faisaient sentir. Des cris et des gens qui dansaient. Pourtant, la musique des musiciens d'Endymion commença alors, créant une étrange cacophonie et lentement, la première mourut sous la houlette de la seconde.

Ils se regardaient, un peu perdus, avaient ils rêvé ? Dur à dire.

Effets indesirables

Son corps de bougeait plus. Pourtant sa vue ne tanguait pas, il ne se sentait pas particulièrement mal d'ailleurs. Un peu joyeux oui comme on dit. Il leva les yeux vers Endmyion alors que ce dernier l'invitait à rester ici pour la nuit, histoire d'éviter tout désagrément sur la route du retour. Une offre bienveillante pour sûr, mais le Général ne pouvait y concéder et ce même lorsque Rose vint à nouveau se poser contre lui, enlaçant son bras et le tenant contre sa poitrine.

L'Algos leva son autre bras avant de tendre la main, comme pour remercier son hôte et refuser poliment, et alors que ce dernier enjouait ses troupes à repartir de plus belle dans les festivités il n'eut le temps d'ouvrir la bouche. Une lueur rougeâtre vint naître entre eux, étoilée, brillante. Vibrante. Il tourna la tête sur sa gauche, puis sa droite, revenant à nouveau vers la gauche. Quelque chose semblait avoir changé autour d'eux. Il n'arrivait plus à distinguer les personnes dans la taverne, tous étaient sombres, indifférentiables. Il porta son regard vers Rose à son bras avant de sursauter.

- Sele... Que... WOW !?

Il fut surprit alors, pendant une fraction de seconde la plantureuse serveuse devint elle aussi une ombre, rappelant au Kraken celle qui le suivait. Il souffla longuement en se passant sa main libre sur le visage, alors qu'il sentait autour de lui l'odeur du porc en train de griller et cette musique qui n'avait aucun sens. Un mélange affreux qu'il ne parvenait pas à identifiant.. Etait-ce là un nouvel hymne de pirate ? Non... bien trop différent.. Bien trop sombre et guttural. Petit à petit la cacophonie s'atténuait, laissant place à l'ambiance plus habituelle d'un taverne Atlante. Deukalyion rouvrit les yeux pour appercevoir à nouveau les choses clairement.

- Bon... Endymion je vais accepter ton hosptitalité je pense... Sacré coup de moins bien que j'ai eu là... par contre tu pourras dire à tes musiciens qu'ils doivent revoir leur répertoir... Bon, tu m'emmènes à ma chambre Rose ?

Et la jeune femme, toute sourire, s'empressa de tirer le Général vers lui, ce dernier se reposant sur elle alors qu'ils s'éloignaient en direction de l'escalier.

- T'as vu cette lumière rouge tout à l'heure là ?

Eh bah... j'dois commencé à être bien atteint alors.. haha !

Deux fêtes

C'est quoi ce bordel ?...
A l'apparition de cette étrange lueur rouge, mes sens affûtés repoussent les sévices de l'alcool, et ma méfiance de guerrier reprend le dessus. Une étoile ? Ici ? Etait-ce un rêve ?!
Alors que mes musiciens préparent leurs instruments, conformément à mes directives, d'autres notes e font entendre. Venue de loin, mélange d'une autre ambiance. Comme si deux monde se superposaient.
Du sanglier rôti... Des fêtards... Et on ne m'invite pas ? Je n'y comprends rien... Hormis que cette étrange lumière écarlate vient soit de caler deux réalités sur une seule, soit de nous transporter ailleurs, comme des ombres d'ombres. Le rhum me fait toujours de l'effet, mais là...

Mais qu'est-ce que...

Et aussi vite que la scène est apparue, la musique de mes pirates semble reprendre le dessus.
Comme si rien ne s'était passé, un simple rêve.
Je vois Deukalyion se faire entraîner par Rose, et j'hésite à le rejoindre pour lui demander son avis. Car je ne doute pas qu'il a perçu le même effet que moi. Mais vu son état d'alcoolisme... Difficile d'en tirer quelque chose. Autant ronger mon frein jusqu'au matin, et lui en parler à tête reposée.
Poussé par la curiosité, je me lève pour me diriger vers l'origine de la lueur rouge. Manière de tenter de percevoir un cosmos, un résidus d'énergie quelconque.
Une moue dubitative sur mes traits, j'analyse, je cherche... C'est à n'y rien comprendre.
En tout cas, dès demain matin, j'allais faire parvenir un rapport à Orpheus. Rien ne devait être laisser au hasard.

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