[MD 06] De nouvelles traces de pas dans la neige

Toujours concentré sur son déguisement, cette démarche un peu gauche, cette posture inoffensive, Alvis progressa sur la route du village. Il eut l'idée en croisant une grosse branche de l'utiliser pour se faire une canne, mais il était trop en vue maintenant, et il risquait de l'oublier par mégarde ou de jurer avec la jeunesse du reste de son corps. Certaines personnes avaient l’œil sur ce genre de détails, alors il préférait ne pas tenter un peu trop sa chance.

Il avançait tranquillement, quand le souvenir d'Asgard vint le prendre aux tripes. Ce fut d'abord le vent. Glacial, qui s'infiltrait dans le moindre interstice découvert d'un vêtement. Ce furent les odeurs qu'il portait avec lui : neige bien entendu, mais à l'approche du village il y avait aussi la soupe. La viande grillée. Près des écuries le purin et la terre retournée, mêlés à la paille. Parfois une brise contraire amenaient les senteurs de la mer proche et du poisson fraîchement acheminé. Les feux de camp charriaient quelques cendres et la forge une continuelle fragrance de charbon et de fer fondu, même inactive.
Tout à son rôle de voyageur égaré, le Léviathan alla voir du côté des anciens lieux qui avaient façonné une part de son être. Cette petite bâtisse qui ressemblait presque à une école. Ces enclos où dormaient bœufs et porcs.

Regrettait-il tout cela ?

***Non. Mais je me souviens.***

Il entendait presque le bruit du marteau sur l'enclume, se souvenait du rythme précis, puis du crépitement de l'eau froide sur le métal incandescent juste avant sa vaporisation. Les chiens et chats errants se battaient à l'heure des repas dans la ruelle à l'arrière de la taverne, où il avait lui-même pris l'habitude de venir chercher des restes. Trois heures avant le lever du jour, du pain cuisait tranquillement et les gardes aimaient à venir chercher une ou deux miches pour se réchauffer lors du changement de poste. Et tant d'autres choses encore.

Un instant, dans la solitude du souvenir, l'ancien Gamma leva la tête vers l'immense rempart de glace. Il pouvait en voir à peu près les contours grâce aux braséros tenus par les gardes en haut. Il se souvint de l'enfant d'Ymir qu'il avait abattu au-delà de cette frontière avec Elyn, de la dévastation de la forêt d'Epsilon qui en avait aussi résulté. Cet endroit se trouvait autrefois sous sa protection, et s'il n'avait jamais aimé se mêler à ses semblables, il avait souvent regardé de loin à quoi ressemblaient leurs vies "normales". Ou même de moins loin, comme il allait le faire cette nuit.

Avant d'envisager ne serait-ce que d'entrer dans la taverne, point d'information central, couvert par la nuit, il alla se poster à l'extérieur, près d'une fenêtre, et s'assit comme un pauvre hère sans le sou dans la neige, l'oreille tendue à l'écoute des joyeuses conversations provenant de l'intérieur. L'heure semblait s'y prêter : les civils à l'intérieur riaient de bon cœur, gais mais pas encore roulés sous les tables.

***Tu avais réfléchi à la manière de t'informer ?
-Je croyais que tu suivais mes pensées ?
-Tu ssssais bien que je te laisssssssse aussssssssi ton jardin ssssecret.
-Il y a plusieurs méthodes possibles. La plus rapide et la plus brutale serait de foncer dans le tas et neutraliser tous les soldats. Mais je ne peux pas vraiment vérifier s'il y a des garnisons derrière et donc si on pourrait se retourner contre moi. C'est plus une méthode d'Haldor.
Eirwen pourrait demander à ses loups et corbeaux de faire diversion, en supposant qu'Odin soit toujours de son côté, donc compter sur le nombre et les croyances de ces gens pour prendre peur.
J'imagine Toryald s'appuyer sur la réputation de Gram et son intimidation draconique pour en faire fuir la plupart, mais si je révèle mes yeux pour les faire paniquer, je me découvre par la même occasion.
Et Asher... les plongerait probablement dans une illusion ou bien ferait mine de marchander avec, sans tenir sa promesse par la suite. Je n'ai pas ces capacités et la négociation m'amènerait, une fois encore, à me trahir avant même d'entrer.
-Alors quoi ? Tu ne vas pas attendre la relève la garde quand même ? Ou que le jour sssse lève ?
-Trop long. Je dois profiter de la nuit.***

Le conteur

Le conteur

Contre toute attente, le plan fonctionna à merveille. Au-delà de ses espérances, même si pas exactement de la façon dont il l'avait prévu. Il esquiva le revers à son rencontre et fut surpris de retrouver un étalon effectivement très en forme. Avec une bonne mémoire de surcroît.

Depuis quand Hakon le traitait-il... comme ça ? A chaque fois qu'ils s'étaient vus, ils se crachaient plus ou dessus et se défiaient, aussi puérilement que des gamins dans une cour de récréation -sauf qu'Alvis voulait vraiment lui taper dessus pour lui faire ravaler toutes ses piques à son égard. Y avait-il vraiment un lien de camaraderie entre eux ? Quelque chose qui s'en approchait en tout cas ?

Tout à sa confusion, il se laissa entraîner sans réelle résistance, ressentit une nouvelle bouffée de répulsion à cette tape sur son épaule en même temps qu'un certain soulagement de ne pas tomber sur quelqu'un de plus hostile. Et le pire c'est qu'en quelques mots Hakon lui laissa espérer la même chose de la part d'un Toryald bien en vie lui aussi. Il commençait à se demander s'il n'avait pas été le seul en fin de compte à fuir le pays des neiges éternelles, s'il n'avait pas été le seul à déshonorer les porteurs d'étoiles conquérantes.

Il examina l'objet qu'on venait de lui tendre -une sorte d'amulette ?- puis vérifia qu'ils étaient assez loin des oreilles indiscrètes pour répondre :

"Je viens me renseigner sur la situation actuelle du pays... Je... Il y a 3 ans... Comment se fait-il que tu sois encore ici ? Et Toryald justement ? Tu crois qu'on peut aller le voir tout de suite ? Est-ce qu'il y en a d'autres ?"

Une vague de méfiance retint son enthousiasme. Il y avait toujours l'Ombre qui le suivait depuis l'Hispanie. Il se trouvait sur un territoire potentiellement dirigé par Asher. Qu'est-ce qui l'assurait qu'il ne se trouvait pas dans une illusion suffisamment réaliste pour lui soutirer des renseignements de son propre gré ? A cette pensée, revoir son premier maître d'armes lui fit redouter d'oublier ce qui s'était passé tout ce temps. Sa nouvelle allégeance.

***Que feras-tu ssssi tu découvres qu'Assssgard pourrait t'accccccccepter de nouveau ?
-Je ne suis pas un traître, Jör. J'ai dit à Orphéus que j'appartenais à Poséidon. Je n'ai plus la Godrobe, mais une écaille. Les circonstances sont particulières concernant ma fuite... Je suis sûr qu'ils peuvent comprendre. Ils savent ce que je suis. Ils ont entendu Odin comme moi.***

Le conteur

***Beaucoup de choses ?***

Hakon ne parlait pas ainsi d'habitude. Enfin, pour le peu de fois où ils avaient parlé, Alvis le voyait plutôt comme un bon vivant qui profitait de tous les plaisirs pendant que c'était encore possible. Le voir compter sur l'ancien Gamma et se comporter comme face à une menace pouvait, en-dehors de l'illusion, seulement signifier qu'il y avait une grande menace en arrière-plan de cette paix utopique que les villageois vantaient. Une menace d’Éveillés qu'ils ne pouvaient pas sentir donc.

Il acquiesça simplement aux propos du blond et lui fit signe qu'il était prêt à le suivre, dissimulant l'amulette dans sa manche tout en la pressant du bout des doigts. Il garda son rôle de presque mendiant pendant le trajet, le regard bas mais pas moins alerte. Quand ils furent sortis du village, bien qu'il restait lui aussi aux aguets, il se permit de pouvoir relever les yeux pour examiner les alentours. Les étoiles indiquaient que la nuit avait bien avancé, peut-être serait-il contraint de trouver un abri pour patienter jusqu'au lendemain soir si les choses ne se débloquaient pas avec Toryald.

***Ssss'il sssse dissssssssimule, cccc'est qu'il doit être contre le pouvoir. Donc de ton côté. Une occasion unique.
-Je prie pour que ce soit le cas. Vraiment.***

A l'entrée de la grotte, il jeta un nouveau regard vers Hakon. Il n'aimait pas l'idée d'avoir quelqu'un dans le dos, même un supposé allié, étant données les circonstances. Il se tint donc prêt à dégainer ses dagues au moindre signe suspect et entra à l'intérieur. Il reconnut aussitôt le cosmos de glace et de feu de Fafnir, se souvint de l'échange qu'ils avaient eu dans cette maison près du pont de Heimdall. En pensant à ça, n'était-elle pas à lui, cette maison ? Il se souvint d'un document posé sur la table... Oui.

"Nous n'avons toujours pas tranché qui de Fafnir ou de Midgardsormr était le Roi des Serpents sur ces terres, Toryald."

Avait-il changé ? Se souviendrait-il ?

Le Conteur

Il avait fallu un instant pour que tout bascule. Toryald se tenait devant lui oui. Enfin peut-être ? Cela avait été rapide. La douleur aussi. Toryald l'attaquait ? Hakon, de dos ? Un piège ? Ou l'Ombre ? De la magie ?

le Serpent n'eut pas le temps d'y réfléchir que déjà il se retrouvait projeté dans un passé qu'il ne connaissait que trop bien, prisonnier d'un corps fragile, d'un évènement qui l'avait marqué à jamais. Cette façon de se retrouver témoin d'une existence, il l'avait largement subie par le biais d'Asher. Il rationalisa aussitôt dans son esprit, bien que sa gorge se nouait.

***Illusion.***

Le fait de ne pas sentir la présence de Jörmungandr le tendit, mais si le souvenir était retranscrit à l'identique il était logique qu'il ne soit pas là. Pas encore. Ni l'armure de Gamma. Il sut alors ce qu'il allait faire dans ce décor : rien. Parce que le passé ne pouvait être changé. Et admettant que cette affirmation fût fausse, changer précisément cette partie-là reviendrait à détruire l'Alvis qu'il était.
S'il s'interposait pour la protéger, il mourrait peut-être à sa place. Ou alors, protégé un peu plus longtemps des affres de la vie, il ne trouverait jamais la pierre d'Ouroboros. Ni l'armure. Ni les guerriers divins. Ni les Marinas. Mais par contre il aurait toujours ses yeux de serpent, et le regard haineux des gens sur lui. Il deviendrait peut-être plus sauvage encore. Finirait par se faire tuer par un guerrier divin.

Il se força donc à assister une troisième fois (Asher avait déjà tenté l'expérience) à la scène sans bouger, à la vivre de l'intérieur.

"Laissez Lala tranquille !"

Les silences, les murmures, les regards.

"C'est l'enfant maudit ! Il a survécu !"

Une pierre sur sa joue plutôt que celle de Lala. Et bientôt la sorcière venue former ce rempart humain autour de son être. Chaleur, protection. Sang.

"Ils ne savent pas combien ils te devront un jour. Ils ne connaissent pas ton destin. Retiens de ce que tu viens de voir et souviens-toi de ne jamais faire confiance à ceux dont le cœur est tiraillé par la haine."

Ces mots... Est-ce qu'elle savait alors ? Est-ce que, d'une manière ou d'autre, elle avait pu voir son futur ? L'interpréter ? Ou était-ce simplement le dernier encouragement aveugle d'une mère adoptive à son enfant, qu'elle avait au mieux préparé à affronter le monde malgré une poignée d'hivers à peine comptée sur les doigts ?

"LALAAAAAAAAA !"

Il avait découvert deux émotions à ce moment-là. Le désespoir, intense, profond, indélébile. La vue teintée de rouge, le corps abreuvé de chaud, la vie éclipsée par la mort. La sorcière ne pesait pas aussi lourd qu'il le pensait, plutôt maigre. Ses derniers mots, de sa voix de paille séchée, avaient été pour lui. Seulement pour lui. Sacrifice sans contrepartie, sans attente.
La seconde émotion, il ne l'avait comprise que bien des années plus tard. A travers ce lien de sang et de désespoir que le temps lui-même n'aurait su totalement effacer de sa mémoire.

***Il n'y a qu'une chose que je regrette, chère Lala. Une seule chose que j'aurais dû te dire, mais je ne savais pas à l'époque. Je t'aime. Alors si tu m'entends quelque part, si tu me vois et si tu me suis toujours, je t'en prie écoute : je t'aime. Je crois que tu le savais déjà, et que tu me l'as dit aussi, à ta manière bien particulière. Tu ne m'as jamais serré dans tes bras comme à cet instant. Tu ne m'as jamais dit de gentilles choses que les mères disent à leurs enfants. Tu te contentais d'aller à l'essentiel, de fixer un but. Merci pour tout Lala. Je t'aime tellement...***

Il se revit, petit Alvis seul au monde au milieu de la neige rouge, du vent et des arbres témoins. Il pleurait à chaudes larmes. C'était la première fois qu'il pleurait, et la dernière aussi. Jamais très expansif sur ses émotions. Ses larmes se mélangeaient avec le sang, mais cela ne changeait rien. Pas plus qu'il ne devait modifier ce souvenir.

Il intensifia son cosmos. Depuis tout ce temps, même sans l'aide du Serpent-Monde il avait appris quelques tours. Celui qui s'en prenait à ses souvenirs l'apprendrait bien vite. Il inspira, chercha en lui le point précis où le souvenir s'achevait. L'adulte se détacha de l'enfant, le regarda partir vers la cabane chercher la dague, les provisions, improviser un départ non-souhaité. Puis il reposa les yeux vers cette Godrobe qui n'aurait pas dû se trouver là et donna une impulsion d'énergie pour briser l'illusion.

"Qui que soit l'auteur de cette illusion, j'espère qu'elle a été divertissante. Je me suis rappelé de quelque chose d'important en tout cas, merci."

Le conteur

Méfiant il l'avait été. Pas assez encore. Berné sur toute la ligne.

***Surt ? Ce Toryald était Surt ?***

Un nom connu, comme beaucoup de ceux qui avaient trait à Ragnarök. Combien de fois Alvis avait demandé des détails à son ami à ce sujet ? Surt donc, le géant du feu qui finirait par détruire la terre d'Asgard dans ses flammes infinies. Pendant qu'aux alentours les dieux, les monstres et les Einherjar s'entre-tueraient dans l'espoir de changer quelque chose à l'issue de la bataille. L'implacable Wyrd ne leur enlevait pas l'espoir, l'ambition. Ils savaient vers quoi ils se dirigeaient, mais ils y allaient quand même. La plus grand forme de courage qu'un Asgardien pouvait démontrer.

Mais je suis un lâche. J'ai fui ma patrie au lieu d'aller au Walhalla.

Le retour du décor connu fit grimacer Alvis, qui se sentait lourd tout à coup. Il lui semblait, pendant un instant, être revenu à la réalité mais les deux personnes qu'il avait entendues avaient aussi dû le remarquer, probablement. Il ne se souvenait pas être tombé dans la neige, ou contre Lala. Engourdi, il se redressa au moins sur les genoux pour observer la métamorphose. Ce poids sur ses épaules, provenait-il du peu de réalité qu'il avait aperçue ou cette illusion, encore ?

"Mais quoi ? Explique-moi, s'il te plaît. Tu sais ce qui se passe ?"

Il se releva, vacillant sur ses jeunes jambes de huit années. Jamais le Serpent-Monde ne l'avait effrayé, et cela ne commencerait pas aujourd'hui. Une main tendue vers les énormes mâchoires, il avança tant bien que mal, jusqu'à toucher les écailles, s'appuyer contre son museau de plus en plus énorme.

"Jörmungandr, j'ai toujours été de ton côté... Même quand il s'agissait de détruire Asgard. J'ai toujours défendu ta cause, pas vrai ? Alors dis-moi ce qu'il se passe, s'il te plaît. Tu vas me tuer ? Surt va me tuer ? Tu savais tout depuis le début ? Je t'en prie, ne mens pas. Je suis Alvis. Je suis "Celui qui sait tout". C'est toi qui m'as baptisé. C'est toi mon père. Explique-moi... Est-ce qu'au moins c'est bien toi qui me parles en ce moment, ou une illusion ? Et l'Ombre ? Est-ce que tu la connais ? Est-ce que c'est elle qui me manipule ?"

Il plongea ses iris serpentins dans l'un de ceux de son homologue, les trouva si beaux.

"Je n'ai pas peur si ça vient de toi."

Le conteur

Cela fit mal. Si mal. Mais expliquait comment il en était arrivé là. Il avait écouté aveuglément Jörmungand, le monstre, l'ami. Il était même possible que l'Hispanie n'ait été qu'un avertissement de sa part, qu'il n'avait pas écouté. Que depuis cette simple pierre d'Ouroboros tout était prévu de longue date. Cependant, l'esprit n'avait jamais caché sa nature profonde. A aucun moment il n'avait prétendu que cela n'arriverait jamais.

L'enfant se mit à trembler. Ferma les yeux. Se blottit plus étroitement contre le seul être qui l'avait jamais compris en-dehors de Lala. Il serra les poings jusqu'à s'en blanchir les jointures et son corps fut parcouru de sanglots, de plus en plus violents qu'il ne pouvait pas réprimer.

"Jör... Jör... Je ne pourrai jamais t'en vouloir... Pas toi..."

De franches larmes dévalèrent ses joues mais il n'en avait cure. Nulle honte ne pouvait surpasser ce qu'il éprouvait pour le Serpent-Monde, et la décision que ses mots esquissaient à son encontre. Il releva la tête, la vision flouée par ces gouttes salées qui ne voulaient plus s'arrêter, comme si c'étaient des années de retenue qu'il devait laisser sortir. Malgré tout, ses lèvres sourirent. Une expression joyeuse et triste en même temps comme jamais son visage n'avait consenti à en afficher.

"Tu es tout pardonné ! Je veux que tu le saches !"

Il se laissa tomber à genoux dans la neige, toujours aux côtés du Fléau des dieux, toujours souriant à son encontre. Avec qui il voulait passer ses derniers instants, en-dehors des deux seuls êtres qui avaient jamais compté ? Ah, bonne question... Il songea à Fimbul, mais le managarm devait sa propre existence et ses propres combats loin du monde des Hommes. Il pensa à Eirwen, à Toryald, il aurait probablement des regrets à partir devant eux avec tous les avertissements qu'ils lui avaient adressés. Il pensa à Asher, cet autre enfant maudit et battu, là-bas, par-delà la rivière de sang. Il pensa à la mission confiée par Orphéus et la confiance, si fragile, de Deukalyion à son encontre.

Non. Il n'y avait personne avec qui comprendrait.

"Ce n'est pas une personne que je voudrais voir. Mais j'ai bien une idée."

Un instant il détourna le regard vers ce corps en train de s'étirer sans fin, au bout de monde et même par-delà tous les autres. Il ne changerait peut-être pas le Wyrd tout entier, mais Lala avait vu quelque chose en lui. Et il venait peut-être de comprendre quoi.

"Je voudrais que tu me prêtes tes crochets une dernière fois. Que tu fasses de moi le monstre que j'ai toujours prétendu être. Pendant que Gamma et toi protégez mon âme, je veux une chance de pouvoir la défendre. Conduis-moi devant le responsable de ma mort, que ce soit Asher, ou Fafnir, ou un dieu, peu importe."

Il rit. Soulagé. Oui c'était une bonne idée.

"Pour une fois je veux faire quelque chose de grand. Conduis-moi devant cette personne, et si Léviathan veut bien me prêter son concours lui aussi, laissez-moi prouver qu'Alvis est un guerrier, et qu'il peut mourir en guerrier. Laisse-moi déchaîner ta puissance, qu'elle résonne jusqu'à Atlantis ! Parce que je ne suis plus Asgardien, c'est vrai, mais j'ai une mission. S'il faut me séparer de toi pour toujours après cela, alors je n'aurai pas de regrets. Mais je veux que le monde entende et voie : même les monstres sont capables de créer des miracles. Même eux sont capables d'aimer. Même eux peuvent être pardonnés. Qu'est-ce que tu en penses Jör ? Toi et moi dans une dernière bataille. Est-ce que tu peux, toi qui es aussi grand que Midgard tout entier ? Est-ce qu'un sacrifice serait, pour moi, une mort digne ?"

Le Conteur