[Début Mai 553] Pénétrons dans cette contrée dorée, celle où la neige fond et le soleil brûle les os. [PV Paros]

Les doigts massant ses tempes, la serpentes envisage de redescendre, de disparaître derechef au fond de son antre. Ce temple, elle ne souhaite plus y mettre les pieds, mais le passage s’avère obligatoire pour gravir cette montagne d’escaliers. Alors, depuis plusieurs semaines, la demoiselle prend sur elle et, les rares fois où cela est nécessaire, traverse à la volée. Aujourd’hui, toutefois, est différent. Peut-être d’ailleurs qu’il marquera un tournant, puisqu’il ne peut en être autrement. Depuis plusieurs semaines, elle cherche la silhouette adolescente de Paros, jusqu’à présent absent, et se résout à fouiller au sein du temple ; ce temple maudit qu’elle abhorre désormais.

Hésitante, elle outrepasse finalement la porte, traversant l’arche. Les pièces se profilent et, avec elles, les souvenirs et cette énième tentative qu’elle regrette dès le premier pas. Un soupir pour une claque mentale, et déjà reprend-elle son avancée, arpentant les sombres couloirs. Or, qu’importe où se pose son regard, Pégase ne se trouve nulle part. Dès lors qu’il parvient jusqu’à la cuisine, son corps s’immobilise, laissant un tressaillement l’envahir, puis recule suffisamment jusqu’à ne plus en distinguer l’entrée. Il n’est pas question qu’elle y pénètre car, indépendamment des premières piques, c’est ici que tout a commencé.

Machinalement, elle rebrousse chemin de dos, continue de fixer ce qui n’existe plus. Elle n’ira pas plus loin. De toute manière, les chances pour que Paros y soit sont infimes et son irascibilité augmente déjà drastiquement. Jusqu’au bout, il la perturbera, qu’importe la raison et les sentiments associés.

Alors, pourquoi ne parvient-elle pas le quitter ?

- Oh! Bonjour Mehry! Cela faisait longtemps. Vous... Tu es en chemin pour aller voir le Grand Pope?

Sitôt interpellée, la Persane se retourne et découvre l’origine d’un voix familière. En dépit des raisons qui intiment sa présence au sein du temple d’or, la surprise est de mise autant qu’elle se lit aisément dans son regard Céladon. Elle qui, plus tôt, pénétrait dans l’enceinte des murs construits, errait dans les ruines de souvenirs, s’était d’ores et déjà préparée à ne pas trouver l’enfant ici. Il est pourtant là, devant elle, arborant un large et brillant sourire. À cette vision, ses commissures s’étirent faiblement, incapables de faire plus pour le moment ; Paros semble aller mieux qu’elle ne le pensait de prime abord, mais elle sait mieux que quiconque que les masques ont différentes formes.

— Du tout, je te cherchais.

Elle le cherche depuis un moment déjà, et cet endroit était sa dernière carte – ou plutôt l’avant-dernière, si l’on considère l’option : Daphnea. Cependant, Mehry n’a jamais envisagé ne serait-ce qu’un seul instant de se rendre sur place, de jouer les intrus dans la maisonnée. Aussi, elle le questionne également sur sa venue, ce qui paraît incongru, puisqu’elle-même espérait le dénicher là. Puis, les amandes roulent sur la cargaison.

— Allez, passe-m’en un peu. Tu dois transporter ça où ?

Accepter ou refuser son offre ne tient qu’à lui. Quoi qu’il en soi, elle ne s’en offusquera pas, pas plus qu’elle n’insistera pour lui rendre ce service. Outre cela, la progéniture des sables espère qu’ils auront l’occasion de s’arrêter quelques instants pour discuter un peu. Depuis le temps, ils ont des choses à se dire, des nouvelles à prendre, à commencer par comment Pégase se sentait vis-à-vis de finalité liée à sa dernière mission, de ce qu’il voulait faire par la suite, de ce qui n'est plus et d’autres propositions.

- Je ne dis pas non! Je commençais à ne plus sentir mes doigts!

- Comment tu vas, depuis qu'on s'est vus? Est-ce que tu as besoin de mon aide pour quoi que ce soit?

Devant l’interrogation physique et manifeste de Pégase, Mehry mime la patience. Les pourquoi s’avèrent nombreux, autant que leur natures diffèrent. Elle en a conscience. Ainsi, pour l’heure, elle s’abstient de tout autre commentaire. Il y a un temps pour chaque chose, tâche, conversation et, même si la précipitation brûle intrinsèque, ils se doivent tous les deux de faire cela bien. Les sujets qu’ils aborderont sont importants pour elle, pour lui. Pour eux, mais surtout pour lui, en partie.

Elle aime s’en convaincre.

Son acceptation suscite les prémices d’un sourire, un mouvement bref du menton pour lui faire signe de lui donner ce qu’il transporte. Ce qu’il lui tend, elle le prend sans attendre, poursuivie par une mélancolie qui gît au coin des lèvres. Une trace de rancœur, peut-être, se dessine également ; derrière son masque blanc, elle-même ignore l’expression qui la gagne. Derrière son masque blanc, la chevaleresse abrite la femme qu’elle se force à réprimer.

À mesure qu’ils progressent vers la cave, le malaise s’accentue. Ces allées sont chargés de souvenirs, aussi courts fussent-ils. Un soupir mi-figue mi-raisin, à la vue du loquet ; un souffle pourtant amusé par la scène.

— Pas étonnant que tout le monde vient le soulager de quelques bouteilles, pas vrai ?

Au présent, comme s’il était toujours là, à leurs côtés. Ce n’est pourtant pas le cas, mais les chevaliers d’Or, eux, continuent sans doute de se servir dans les caisses. Au final, c’est de sa faute, pour les avoir laissés derrière. Presque comme une habitude, Mehry dépose les paquets à son tour, commence toutefois à les ranger sur les étagères, tout en l’écoutant parler.

— Récupères-en une pour te désaltérer un peu. Il est plus à ça de plus ou de moins.

Sans autre, sa main attrape l’un des objets et lui lance. Une manière comme une autre de lui faire comprendre qu’il n’a pas d’autre choix que de la prendre. Elle n’a pas besoin de le regarder pour constater de sa fatigue : en supposant qu’il ait l’habitude, les marches restent éreintantes et le soleil, dès le matin, est particulièrement rude. Sans tenir compte de… Qu’elle cesse de noyer le poisson.

— Pas vraiment. Je voulais juste qu’on discute un peu, tous les deux. De pas mal de choses, même. Mais, avant ça, lorsqu’on était à Camelot... Airôth a mentionné ta dernière mission dans les grandes lignes. Comment tu te sens ?

Finalement, continuons le jeu morbide encore un moment.

- J'aimerais juste que les autres Chevaliers d'Or aient la décence de demander avant de se servir... J'en ai assez, de devoir refaire les stocks toutes les semaines!

- Oh... Euh... Je vais plutôt bien, tout bien considéré. J'ai eu le temps de réfléchir à ce qu'il s'est passé, de faire le tri dans ma tête... Et j'ai eu de l'aide pour relativiser tout ça. J'ai même eu l'honneur de rencontrer la Déesse Athéna! C'était... euh... incroyable! Désolé, je ne sais pas comment le décrire autrement!

- C'est vrai que je t'ai brièvement vu, lors du bal de Camelot. Elle t'allait très bien, cette robe bleue! Comment ça s'est passé, pour toi?

Un rire éclate, bien que retenu par une impression amère. En effet, Paros ne se divertit probablement pas en réapprovisionnant les stocks d’un disparu, mais cela a, au moins, le mérite de l’occuper un peu. D’un autre côté, elle n’est pas certaine que de fréquenter trop ce temple soit une bonne idée pour se remettre.

— Ah ça, faut pas trop en demander non plus !

Parce que, derrière leurs allures pompeuses et propre sur eux, une majorité d’opportunistes se cachent. Les apparences sont trompeuses ; Mehry en est un exemple parmi tant d’autres, d’ailleurs, à l’exception du fait qu’elle n’agit pas de manière aussi maladroite et insouciante. Une question de fin, sans doute. Toujours est-il que le garçon rit de bon cœur, lorsque cette bouteille jetée dans sa main. Sitôt en sa possession qu’il la repose sur l’étagère, si bien qu’elle note l’importance de ce geste. De la retenue, la préférence de boire dans une taverne, de ne pas être porté sur l’alcool, ou, alors… Le désir que tout reste en place, dans l’espoir qu’Airôth revienne un jour. Soucieuse, un rictus maussade traverse ses lèvres pour s’effacer aussi vite qu’il s’est montré.

De cette prise de nouvelles, la Persane souhaite la vérité, bien qu’elle ne s’attend plus à autre chose que des tissus de mensonges. Partout, le Taureau a laissé ses marques. Tout porte à croire que le fait d’aborder cette mission le met mal à l’aise. Alors, sera-t-il seulement prêt à repartir, si elle lui demande de l’accompagner ? Désormais, c’est le doute qui s’inscrit, avant que l’inquisitrice ne s’éveille enfin.

— Oh ? Et donc, t’en retiens quoi, de ce qu’il s’est passé, de ta rencontre avec elle ?

Du positif, visiblement, compte tenu de son regard brillant. Paros est encore jeune : les rêves ne lui refont pas que du mal. De surcroit, les amandes Céladon s’arrondissent un instant, tandis qu’il mentionne cette fameuse robe bleue dont elle ne veut qu’oublier jusqu’à l’existence.

— Tiens ? On s’est croisé durant la soirée ?

Cela ne lui dit rien, qu’importe le temps qu’elle prend pour y réfléchir posément. Difficile de prendre du recul, de refaire le point sur son éventuelle présence, au vu du contexte. Non, vraiment, elle ne se souvient pas.

— Quelques surprises, çà et là, disons. Au moins, ça m’a changé de la Perse.

Certaines plus agréables que d’autres. Typiquement, l’écart entre la rencontre avec Kel-Nach et le calvaire imposé par Silas serait un bon cas à présenter. Toutefois, l’ancienne ne veut pas entrer dans le jeu des camps, pas tout de suite, car elle en a déjà entraperçu une partie fort déplaisante. Les hommes sont aveugles, voilà tout.

Voyant qu’il termine de vider les caisses pour en remplir les étalages, ses prunelles s’assombrissent et le coin d’une lèvre se tord brièvement, toujours amère. De ce qu’il lui disait plus tôt, il accomplit cette tâche, sans faillir, chaque semaine. C’est de la folie, ou de l’idiotie.

— Dis-moi, pourquoi tu continues d’approvisionner ça ? Tu sais, si t’arrêtes, les autres arrêteront de piquer ce qu’il y a dans cette cave.

Le dessous se veut plus fataliste qu’un simple : les autres ; légèrement plus cassant que l'était son intonation jusqu'à présent, inconsciemment. Qu’importe comment elle tourne la chose, Paros poireaute en espérant un retour qui ne viendra jamais.

- Que les divergences entre Athéna et Apollon ne datent pas d'hier... Et que malgré ces différences, ils aiment tous les deux l'humanité. Ils expriment simplement leur amour chacun à leur manière, et ne parviennent pas à dépasser cette disparité. Ce conflit qui nous oppose aux Oracles est aussi tragique que l'était la Guerre de Troie...

- Oh! Je t'ai juste vu de loin, quand tu entrais dans la grande salle.

- Eh bien... Parce que je veux que tout soit en ordre ici. Pour quand Airôth reviendra... Personne n'aime revenir dans sa maison après un long voyage pour la trouver vide et froide, non?

Un soupir l’envahit. Si Pégase paraît docile, ce dernier tente une pirouette maladroite pour s’en sortir ; une esquive consciente, peut-être, ou pense-t-il répondre correctement à ses attentes. Ces informations, Mehry n’a pas besoin de lui pour les obtenir. D’autant plus que celles-ci ne correspondent pas tout à fait au comportement du garçon. Au final, autre chose se cachait derrière cela. Les bras croisés, les sourcils qui, doucement, se froncent : ce n’est pas de la colère, pas plus que de la frustration, mais la satisfaction de Ophiuchus n’est de loin pas rassasiée.

— Plutôt que des histoires passées et des relations entre dieux, je pensais davantage à ce que tu retenais toi, sur un plan plus personnel.

La guerrière se fiche des éternels et de leurs petites guerres. Ce qui lui importe, ce sont les hommes, les trépassés et les survivants. Puis il y a ceux qu’on laisse derrière, également. Seulement, tout revient toujours à eux : les capricieux. Quelque part, Camelot n’a pas fait exception à cette règle ; le devant et le dessous diffèrent souvent et nulle personne capable d’un minimum de réflexion peut comprendre ce qu’il se tramait sur place, sous les draps et sous couvert d’un couronnement.

Un Paros déçu, visiblement, qui ne prend d’ailleurs pas la peine d’essayer de lui soutirer plus d’éléments. À cela, elle se sent partagée, mais n’ajoute rien : s’il veut une chance d’obtenir quoi que ce soit, il lui faudra s’affirmer un peu. Dans tous les cas, elle n’a pas remarqué sa présence lors de la soirée. À vrai dire, l’a-t-elle seulement cherché, ne serait-ce que du regard ? De ce que sa mémoire lui dicte, une brève pensée l’avait traversée, faisant suite aux rares aveux d’Airôth à propos de leur récente mission. Pour certaines raisons, la demoiselle s’était volatilisée plus tôt que prévu, voilà tout.
Survient alors la remarque fatidique, celle qui introduit ce que Mehry vise depuis un moment, voire la raison même de sa visite. Derechef, les amandes persanes survolent les étalages, retournent somme toute sur l’enfant qui s’époussètent les mains. Pour quand Airôth reviendra ; reviendra-t-il seulement ? Il appert que Paros n’en doute pas un seul instant. Dans ses yeux, elle n’y trouve aucune trace d’inquiétude, de ressentiment, d’incompréhension, comme si tout cela n’existait tout bonnement pas.

— Tu sais que tu fais ça pour rien, non ?

Pour l’heure, elle parvient à rester calme, relativement, malgré cette tendance désabusée. Or, cet état, elle le sait, ne durera pas. Est-il si naïf, ou préfère-t-il se voiler la face ? Dans sa tête, c’est la confusion totale, si bien qu’elle impose un silence malgré elle. Et voilà qu’elle ressasse, les mots, les faux-actes, les départs et les faits. Les impressions s’en mêlent. Alors, elle reprend à la hâte :

— Au mieux, tu prépares l’endroit pour le prochain gardien.

Que cela soit dans son expression tendue, son regard à la fois dur et un brin humide, sa voix : tout transpire ce que Paros refuse de croire. L'endroit n'aide d'ailleurs pas. Une fois de plus, elle revient à son premier projet, celui qui lui a fait pousser la porte du temple pour le trouver.

— Je dois me rendre en Perse. Et si tu venais aussi ?
Se détacher des vestiges du Taureau ne lui ferait aucun mal et, elle, cherche inconsciemment une liane à laquelle se raccrocher. Une liane qui, de toute évidence, refuse de voir la vérité en face. Ou alors la serpentes est-elle défaitiste, mais Airôth n’est pas le genre de Chevalier à partir sans son armure. Ce rejet n’est pas anodin, quoi qu’en dise Pégase, et refuser de considérer ce départ comme étant définitif ne comblera pas le vide qu’il laisse.

Cette proposition pour la Perse est une mission, oui. Alors Paros, en dépit de cette hésitation perceptible, finit par accéder à sa demande. Encore une fois, cela ne lui fera pas de mal, bien au contraire, mais sans doute préfère-t-il attendre le retour de son maître au temple indéfiniment.

Ainsi, l’accord est conclu ; ils partiront ensemble dans quelques jours, au coucher du soleil. Dès lors, Mehry n’a plus de raison valable pour rester chez le Taureau. Elle pourrait forcer, mais pour quoi faire ? Ici, elle n’est pas à l’aise et serait prête à s’enivrer de l’alcool fraîchement apporté pour oublier. Pas devant quelqu’un, cependant ; pas devant Paros, encore moins. Si elle doit faire le nécessaire pour oublier un moment, Parvan sera le seul témoin de la scène, de son état, de sa colère et de sa peine.

Citation :

Sujet terminé pour Mehry, merci encore !

- ... Qu'on ne peut jamais sauver tout le monde.

- Qu'est-ce que tu racontes?

- Ce n'est pas la première fois qu'il quitte son poste pour partir en quête au loin. Cette fois n'est pas différente de la précédente! Il reviendra ici. Et lorsque ce sera le cas, je veux pouvoir lui faire face en ayant accomplis mes devoirs en tant qu'élève du second Gardien du Zodiaque!

- Eh bien... Il faudra demander au Grand Pope, mais s'il m'assigne à la même mission que toi, oui, ça sera avec plaisir.

- Prend soin de toi, Merhy. Je suis désolé...

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