[Fin Mars 553] Rhum et fleurs avant rires ou larmes

Malgré moi, les dernières paroles de Cinead avaient planté une graine rapidement germée dans mon esprit.
Oui, je n’étais pas assurer de revoir un jour Calista. J’étais bel et bien décidé à aller jusqu’au bout afin de préserver la paix au sein d’Atlantis, et cette extrémité pouvait me coûter ma place dans la cité. Certes, cette option demeurait encore bien lointaine mais… Le risque restait bel et bien présent. Aussi, avant de quitter les lieux et me diriger vers le repère du vieux Callum O Bannon, je dérobais quelques fleurs dans le jardin du palais Atlas, et entrepris de grimper jusqu’à la terrasse de la chambre de mon épouse. Une action téméraire répétée de nombreuses fois, lorsque nous étions tout juste amants, avant notre mariage.
Bondissant discrètement, je finis par poser le pied sur le vaste balcon séparé de la chambre par un lourd rideau. Les chances pour que Cali se trouve dans sa chambre étaient bien minces, mais je ne risquais rien à tenter ma chance. Au pire, je laisserais sur notre lit nuptial quelques pétales et fleurs, ainsi qu’une bouteille de rhum.
Elle comprendrait aisément la nature de cette signature.
Etrangement, je me figeais devant l’étoffe azurée, une main posée à sa surface sans oser la repousser.
Depuis son départ de l’Amirauté, Cali et moi nous étions éloignés. Physiquement du moins, car nos coeurs restaient plus liés que jamais. La perte de notre enfant mort-né avait à la fois détruit une part de nous mêmes, mais également renforcé notre liens, plus que je ne l’aurais pensé. Dans cette épreuve, nous avions plus que jamais besoin l’un de l’autre. Et même si nos vies semblaient désormais bien différentes, cela ne changeait rien à notre amour atypique.
Imaginer que cette rencontre pourrait être la dernière m’arracha un soupir angoissé, mais rapidement réprimé par un gloussement d’auto dérision. Une fois ce chaos remis dans l’ordre, j’aurais grand besoin de prendre un peu de temps pour moi. Pour nous.
Ce fut donc sans hésiter que je finis par pénétrer dans la pièce plongée dans une demi obscurité.

Chérie ! Je suis rentré !

Si Cali se trouvait dans sa chambre, nul doute que cette arrivée en fanfare l’amuserait.

Sans grande surprise, seul le silence répondit à mon exclamation.
Trouver Calista sagement installée à m'attendre relevait du songe sirupeux. Mais j'avais tout de même espérer, en mon for intérieur. Au final, c'était peut être mieux ainsi.
Un sourire tendre aux lèvres, je vis aussitôt que rien n'avait changé dans la pièce, chargée en tendres souvenirs.
C'était ici que j'avais eu l'audace de lui faire la cour. Que j'avais volé notre premier baiser, notre première nuit de passion, vite suivies de tant d'autres.
Machinalement, je vins m'asseoir sur le rebord du lit et débouchais la bouteille.
C'était probablement ici que mon fils était mort, aussi. Emportant dans son trépas mon espoir de former un jour une famille "normale". Une vie rangée.
Perdu dans mes pensées, je laissais l'alcool brûler agréablement ma gorge, avant de m'essuyer les lèvres d'un revers de manche.
Rester quelques minutes au coeur de ce sanctuaire me faisait du bien, après tant d'émotions. Les lieux restaient baignés de l'odeur délicieuse de mon épouse. Elle me manquait. Terriblement.
Et toutes les catins et les jouvenceaux de Camelot n'avaient pas changés ce fait. Nous formions un couple bien étrange, surtout au vu de la haute naissance de ma femme. Mais c'était justement cet aspect atypique, un peu fou et fantasque qui lui avait tant plu chez moi.
Mais entre le décès de notre nourrisson, nos obligations respectives et les affaires politiques... Nous nous étions éloignés physiquement, à défaut d'émotionnellement. Et cet instant volé reflétait à la perfection la dure réalité.
Avec délicatesse, je disposais les fleurs sur le lit, la bouteille à moitié vide sur son oreiller, et en guise d'ultime clin d'oeil, posais ma tête sur le mien afin d'en laisser la trace.
Ceci fait, je poussais un interminable soupir de fatigue, m'étirais avant de retourner vers le balcon.
Au moins, Calista saurait que mes pensées ne la quittaient pas. Jamais. A jamais.