[Début Mars 553] ... Vient le printemps (PV Childéric)

Le moment redouté était passé. Paros, de retour au Sanctuaire, avait confronté celui à qui il craignait le plus d'annoncer les derniers développements survenus à Tolosa. Assurément, après avoir parlé un long moment avec son Maître Airôth, le jeune Pégase était apte à livrer ce qu'il avait appris aux hautes autorités du Sanctuaire?
Si seulement les choses avaient été aussi simples.

Le Bronze avait demandé un délai d'une journée avant de se présenter au Grand Pope Childéric. Il avait besoin d'un peu de temps, pour réfléchir, pour se préparer. De retour sur les terres d'Athéna, l'âme de Paros était plus apaisée, à présent. Mais un trouble demeurait. De nombreuses questions, et tout autant d'incompréhensions. Le jeune homme ne doutait pas que le chef de la Chevalerie parviendrait à faire sens des choses qu'il avait vu et entendu en Francie, mais encore fallait-il pour cela que le garçon le lui restitue fidèlement. Chose dont il se sentait, le lendemain, encore incapable.
Et le surlendemain? En vérité, Paros ne se sentait pas tellement davantage préparé. Mais il avait déjà trop longtemps fait attendre l'ancien Chevalier du Lion. La journée supplémentaire qui lui avait été accordée avait été mise à profit pour préparer son rapport et offrir au Pope, peut-être, un avantage dans les temps troubles à venir. Il n'y avait que de cette manière que le jeune Saint pouvait faire en sorte que la mort de Pâris de Troie ne soit pas vaine...

L'ascension des Temples du Zodiaque commença. En d'autres circonstances, cela aurait été pour lui une joie et un honneur de fouler ces marches. A ce moment cependant, il ne sentait dans ses jambes et sur ses épaules que la gravité du devoir qui incombaient aux protecteurs de la Déesse. Fort heureusement, il ne croisa que peu de Chevaliers d'Or sur le chemin. La plupart d'entre eux étaient absents, surement en mission aux quatre coins de l'Empire. Paros n'avait marqué l'arrêt que dans la dernière Maison, celle des Poissons, pour échanger quelques mots avec sa gardienne qu'il avait reconnu. Après une brève discussion, le jardin de roses s'ouvrit devant lui pour lui permettre d'accéder à l'ultime demeure mortelle avant le siège du Divin.

Des gardes prétoriens lui demandèrent de patienter quelques instants. Paros les mit à profit pour observer autour de lui la grandeur du Temple, les décorations et mémoriaux consacrant la grandeur de l'ordre de la Chevalerie. Nombre de détails le renvoyaient à un temps plus ancien, plus heureux, ou son grand-père racontait à lui et à sa sœur tout ce qu'il avait vécu dans ces mêmes couloirs. Les descriptions qu'il en avait fait étaient troublantes de réalisme. Il avait seulement oublié de mentionner le poids que ce décorum pouvait imposer à un jeune chevalier qui le découvrait pour la première fois.

Finalement, on revint le chercher pour le conduire dans une grande salle, majestueuse, ou un long tapis menait jusqu'à un trône surélevé. Il pouvait y reconnaitre, même à cette distance, la silhouette imposante de l'ancien Chevalier du Lion. Cette fois, ils étaient bien loin de la familiarité de la cuisine de son Maître. Paros, revêtu de son armure et avec un sac en bandoulière à son épaule, commença à s'avancer. Il sentait sous l'effet du stress ses jambes légèrement trembler, mais parvint à ne rien laisser paraître. Ce n'était pas le moment de faire une nouvelle bourde… La menace de récurer toutes les marches qu'il venait de grimper plainait toujours, après tout!
Cette pensée l'aida à garder son calme. Finalement, il posa un genoux à terre et s'inclina devant Childéric. Paros eu une ultime inspiration puis s'annonça finalement.

- Grand Pope... Paros, Chevalier de Bronze de Pégase, est à votre servie. Je suis de retour de Tolosa avec des informations complémentaires à celles que mon Maître vous a déjà rapporté.

On l’avait informé du retour du chevalier Pégase au Sanctuaire. Voilà une information qui l’avait étonné. Le deuxième gardien lui avait précisé qu’il l’avait laissé à Tolosa en attendant pour pouvoir retourner le chercher et avancer de quelques pas les relations avec les oracles. Il avait demandé au maître de Paros de parler l’Augure et de voir s’il pouvait, lui, en tirer quelque chose. Mais il n’avait pas encore eu de retour du chevalier d’or à ce propos. Ce genre de conversation prend son temps et il comptait le laisser au taureau. Pégase viendrait donc faire son rapport en temps et en heure. Il repensa à la seule et unique fois où il avait rencontré Paros, le chevalier de Pégase et pas l’apprenti cherchant à trouver un chevalier qui lui enseignerait l’art du cosmos. Il repensa à ce moment avec nostalgie et regret. Sûrement la réalité viendrait briser à un moment ou un autre cet esprit porteur d’espoir.

Cette mission, peut-être, l’avait déjà fait. Il avait eu les premiers retours d’Airoth il était curieux de voir ce que le chevalier de bronze aurait donc à rajouter sur ça. Que c’était-il passé entre temps ? Il doutait que Paros soit le genre à déclencher une guerre ou du moins, à aggraver les choses. Il était plutôt du genre à au mieux, arranger les choses, au pire, les faire dévier de leur course. Il était installé sur son trône donc quand les gardes lui signifièrent que le chevalier de bronze était arrivé. Il donna l’ordre de l’amener dans la grande salle. Il demanda quelque chose d’étrange aux gardes mais ce dernier garda ses commentaires pour lui avant de disparaître pour exécuter les ordres. Il regarda le chevalier de bronze se présentait et poser le genou à terre.

« - Relève toi, chevalier Paros. Je suis content que tu sois de retour et j’attends ton rapport. Que s’est-il passé depuis qu’Airoth t’a laissé en compagnie des oracles de Tolosa ? »

Et bien des choses avaient évolués depuis ce moment-là. Narsès n’était plus. Il espérait qu’avec ça, il pourrait poser les bases de ce qu’il voulait amener pour les oracles. Mais il doutait que cela soit possible. Dans tous les cas, il aurait essayé et dans l’autre, il serait trop faible, pour être, tout de suite, une véritable menace. Mais il devait d’abord attendre les retours du chevalier de bronze. Le masque sur son visage cacherait l’énorme sourire amusé qui se dessina quand le garde qu’il avait commandé revient avec un sceau qui semblait rempli d’eau et un chiffon qu’il posa au loin avant de reprendre sa place dans le rang avec les autres.

Le Grand Pope parla d'une voix claire et rassurante, tout d'abord pour lui souhaiter la bienvenue, puis pour l'inviter à se relever et à parler. Bien qu'encore hésitant, Paros était prêt à s'exécuter. Il se redressa pour faire face au représentant d'Athéna, quand il repéra un mouvement sur le côté de la pièce. Un garde venait de s'approcher pour déposer... Un sceau et un chiffon?
L'esprit de Pégase cessa pendant un instant de fonctionner. Il ne comprenait pas. Ou plutôt si, il comprenait, mais ne parvenait pas à croire ce qu'il voyait. Le Pope Childéric ne pouvait pas sérieusement mettre la punition qu'il avait évoqué, plusieurs semaines plus tôt, à exécution? Mais pourquoi donc ramener ces objets ici, dans ce cas? Le flot de question lui inonda le crâne, l'enfonçant plus encore dans la confusion. Toujours à genoux, il ne pu finalement que relever les yeux vers le Pope, complètement perdu.

- Je... vous... Hum...

La suite ne vint pas. Paros ne parvenait pas à deviner l'expression de l'ancien Lion derrière ce masque de fer qui recouvrait son visage. Il espérait voir Childéric éclater de son rire tonitruant pour dévoiler qu'il s'agissait d'une farce... Mais cela aurait été trop irrespectueux de son office. Tout comme le Bronze manquait à présent de respect en se perdant dans ce désordre plutôt que de suivre els instruction de la Voix d'Athéna.
Le jeune garçon finit par se redresser, droit comme un i, pour commencer son rapport. Au moins cette inattendue intervention avait-elle eu le bénéfice de le tirer de ses sombres pensées. Voilà que, dans sa tête, les chose se faisaient plus claires. Et ce récit ne pouvait que commencer là où celui de son Maître s'était vraisemblablement arrêté.

- Après la vision que nous avons eu en présence des Oracles et l'accord auquel nous étions parvenus avec eux, je suis resté en arrière en tant que garantie. Pâris de Troie, celui de l’Iliade en personne, a souhaité me montrer quelque chose... Une peinture faite par le Chevalier du Peintre de son époque.

Pendant un bref instant, Paros envisagea de raconter également ce que Pâris avait pu lui raconter sur la ville de Tolosa et son impression de celle-ci... Mais ces détails lui semblèrent bien moins important de ce qu'il avait découvert, peu après, dans cette crypte sous une église. Il continua donc sans s'étendre à ce sujet.

- Il s'agissait d'une fresque d'Apollon en personne. Il revêtait une allure plus guerrière que celle qu'on lui connait. Ma Cloth a commencé à réagir à la présence du Cosmos du Dieu Solaire qui subsistait dans les pigments. Enfin, pas la Cloth elle-même, mais une gemme incrustée dessus... Pâris m'a alors révélé qu'il avait combattu et vaincu Patrocle, le Chevalier de Pégase de son époque, et qu'il avait pendant un temps conservé cette Cloth pour y ajouter cette gemme sur ordre d'Apollon.

Du moins, c'était ce que Pégase avait compris. Le Grand Diacre avait été cryptique dans ses réponses, et Paros avait longtemps réfléchis à ce qu'il avait voulu lui transmettre. Et jusqu'ici, l'exercice n'avait contribué qu'à entretenir son mal de tête. De ce qu'il avait évoqué sur les guerres divines, sur la guerre de Troie... Paros se gardait bien de jouer au psychologue, mais il avait trouvé en Pâris un côté étrangement sombre derrière son apparente radiance.

- Lorsque j'ai retiré cette gemme pour la présenter à la peinture, il y a eu une réaction... Je n'ai pas tout compris. C'est allé si vite... Des fleurs de pavot ont poussé partout dans la pièce, rendant le seigneur Pâris comme possédé par ses démons. Au même instant, la fresque a brillé pour nous révéler une nouvelle vision d'Apollon, qui tenait une coupe en bois entre ses mains, comme s'il voulait nous la présenter. Le Cosmos qui en émanait était prodigieux... Puis l'environnement à changé pour révéler une terre froide, vide, morte, plongée dans l'obscurité. Il y a une lumière solaire qui s'est alors répandue pour chasser ces ténèbres.

L'image avait été étrange. Différente de l'éclat qu'il avait eu, à l'auberge, en présence des serviteurs d'Apollon. Paros ne savait comment ces allégories pourraient aider les leurs à faire face à l'avenir... Mais il entretenait l'espoir que le Grand Pope, plus que n'importe qui d'autre, serait capable de trouver un sens à ces visions. Pour l'aider, le Bronze avait préparé une maigre contribution... Qui pour l'instant reposait dans sa sacoche.
Son récit ne s'arrêtait cependant pas là. Il ne pouvait s'arrêter là. Allait suivre le passage que Pégase redoutait le plus, celui qui l'avait marqué de manière indélébile. Il avait repoussé ce moment autant que possible, mais ne pouvait plus, à présent, y échapper. Le regard rubis du jeune homme, qu'il avait gardé droit jusqu'à présent, dévia, fuit. Sa voix continua, néanmoins, de plus en plus lourde sous le poids de ses regrets.

- La vision s'est arrêtée là, mais... Le seigneur Pâris ne s'est pas calmé. Il appelait les noms d'Hector, Achille, Patrocle... Je n'ai pas pu le sauver de ses tourments. Il a sorti sa propre dague, et... Et il s'est... transpercé le cœur avec... Dans ses dernières paroles... Il disait que j'avais accomplis le dessein d'Athéna, qu'elle avait finalement eu sa vie comme elle le souhaitait.

Ces mots étaient comme des épines, logées depuis Tolosa dans le cœur du garçon. Il ne pouvait croire que c'était là ce que la Déesse avait souhaité, ce pourquoi il avait été envoyé en Francie. Il devait y avoir une autre explication. Pourtant Pégase ne parvenait pas à écarter ces paroles, à les ignorer comme celles d'un homme rendu fou par la douleur. Cela aurait été pourtant tellement plus simple...

- J'ai fais de mon mieux pour que les Oracles ne se méprennent pas... Le seigneur Amadeus a semblé comprendre que ce qui est arrivé à Pâris n'était pas de mon fait. Il m'a demandé de retourner au Sanctuaire, en disant que ce qu'Apollon m'avait montré serait peut-être un espoir, pour nous comme pour eux. J'ai ensuite fait la route jusqu'ici aussi vite qu'il m'était possible.

Il n'avait pas plus de réponses, pas plus d'assurances. Le reste n'étaient que des doutes, des questions qui n'avaient pas leur place auprès du Grand Pope qui n'attendait de lui que l'essentiel. Sans doutes Childéric s'en poserait il également, après avoir écouté cette étrange histoire. Paros garda le silence, et attendit donc que le représentant de la Déesse réagisse à ces évènements qui lui avaient été contés.

Il avait l’occasion de se laisser aller à de rire si franc que celui qu’il retenait maintenant. C’était peut-être un peu cruel de jouer ainsi avec les nerfs du jeune chevalier de bronze, mais il ne pouvait résister à cette tentation. Heureusement que le masque protégeait ses traits, sinon le subterfuge n’aurait pas tenu une seule seconde. Mais, il y a des avantages à avancer à visage couvert. Quand il s’était mis à porter ce masque, ce n’était pas exactement à ce genre d’avantage là qu’il avait en tête mais… au moins, il pouvait là s’amuser un peu. Il n’avait pas eu l’occasion du tout de faire ça depuis qu’il avait pris le rôle de Pope sur ses épaules. Enfin, dans la réaction de Paros, il sembla un peu plus décidé après cet incarnate. Au moins, il ne perdrait pas dans son rapport. Il avait eu le début par le second gardien, il lui manquait maintenant la fin de l’histoire. Le jeune chevalier de bronze n’était pas sensé revenir tout de suite et… seul.

Une peinture du chevalier du peintre de l’époque ? Comment avait-elle terminé dans les mains du diacre Paris ? Surtout, d’où venait-elle ? Des restes de la Troie mise à sac ou un cadeau reste de l’alliance entre Achéen et Troyen ? Mais ces questions furent rapidement chassées par la suite du rapport du chevalier de Pégase et les informations qui allaient en découler étaient légion. Beaucoup de protections sacrées de la déesse étaient dotée de ce genre d’ornement oui. Mais de là à y voir ce genre de clef ? C’était improbable, imprévisible. Et aux conséquences lourdes. Le plan d’Apollon s’étendait-il depuis si longtemps ou, comme tous les yeux, ne s’agissait-il que de reliquat de ce qu’il avait prévu qui lui ont explosé au visage ou qu’il a simplement oublié ? Le Pope aurait donné beaucoup pour une conversation avec le dieu solaire, depuis longtemps. S’il avait le loisir de se payer une autre visite à Ravenne, il le ferait mais plus maintenant, plus après que toutes ces mouches se sont mises à tourner autour du miel.

La décision du chevalier de bronze avait été téméraire. Mais disposait-il d’autres options sur le moment ? Pas vraiment. Exposer cette gemme à la peintre avait causé une réaction imprévisible. Le reste, il était possible que la rancune d’Athéna ait poursuivit Paris jusqu’à alors. Après tout, la guerre de Troie avait été déclenchée à cause d’une histoire de pomme. Il était bien placé pour savoir que la haine des dieux ne connaît pas de limite. Ni dans le temps, ni dans l’espace. Mais la place de cet événement dans le dessin des dieux, d’Apollon, comme d’Athéna, le Pope n’en avait pas la moindre idée. Les informations du Pégase étaient précieuses. Pourtant, il ne savait pas comment les utiliser. Il aurait le temps d’y repenser, pour l’heure, ce qui l’inquiétait le plus, c’était le jeune garçon.

Alors le Pope se leva de son trône, donna d’un signe de la main, ordre au soldat de faire disparaître le seau d’eau. Le temps de la blague était passé depuis longtemps. Il déposa le masque sur son trône puis il s’avança vers Paros. Une fois arrivé devant lui, s’abaissa un peu pour se mettre à son niveau. Posant ses deux mains sur les épaules du Pégase.

« - Je ne sais pas ce pourquoi la déesse ou Apollon ont voulu que cela se passe comme ça. Je n’ai pas la réponse à cette question, Paros. Je sais pourquoi tu as été à Tolosa et je sais ce que me dit ton histoire. Tu as réussi à œuvrer pour la paix, malgré la mort de Paris. Son temps était venu, d’une façon ou d’une autre, il attendait, je pense, ce moment depuis trop longtemps. Il a vécu seul, loin des siens et dans le chaos de ses souvenirs depuis des siècles et des siècles. Il peut retrouver amant, famille et amis maintenant. La mort, parfois, est une solution préférable au tourment. Il n’est pas mort seul, il n’est pas mort avec un ennemi. En cela, tu l’as déjà beaucoup aidé jeune chevalier. Tu es le chevalier porteur d’espoir après tout. »

Pour une première mission, le jeune chevalier ne pouvait pas être confronté à pire. Lui, qui était toujours si plein de vie et d’espoir justement. Il avait rencontré avec violence le désespoir, l’abandon et la mort. Il venait de mettre son premier dans la réalité du monde des éveillés. Si seulement il ne pouvait pas approcher la mort de plus près qu’à ce moment-là… Mais tristement, ce n’était que le début. Conserver son âme lumineuse serait son combat à lui.

Le Pope était resté sur son trône. Son visage, caché par son masque de fer, demeurait illisible, inaccessible. Du rapport de Paros, il rien n'était venu perturber la tenue de Childéric. Bien que plus calme qu'auparavant, le Chevalier de Bronze demeurait intimidé par cette imposante statue, par cette figure d'autorité qu'il incarnait. Plus que toute autre chose, il redoutait son jugement. Il redoutait de ne pas avoir été à la hauteur de ses attentes.

Pégase ne su tout d'abord quoi penser lorsque l'ancien Lion se leva en silence et intima au garde prétorien de se retirer, remportant avec lui l'effroyable menace que constituait ce sceau d'eau. Le jeune homme s'était attendu à des questions sur ce qu'il avait vu, dis, ou fais... Mais au lieu de cela, le Grand Pope garda le silence et retirera tout ornement de sa tête pour révéler son visage. Paros, surpris, resta comme paralysé par la tension alors que Childéric s'avançait vers lui. Ce ne fut que lorsqu'il pris la peine de s'abaisser à son niveau pour prendre ses épaules entre ses mains qu'il le réalisa : des yeux du Lion ne transparaissaient qu'une intense compassion.

- Je... Vous ne devriez pas...

Mais les protestations de Paros furent bien maigres face au Lion. Enfermé dans ses griffes qui l'immobilisaient sans le blesser, le Pégase ne pu qu'affronter ses paroles. La voix du Pope, à la fois douce et forte, parvint à porter leur sens jusqu'au cœur du jeune Chevalier. Ce n'était pas les mots qu'il attendait, mais assurément ceux qu'il avait le plus besoin d'entendre : qu'il avait fait les bon choix, que ce qui était arrivé à Pâris n'était pas que tragédie, que même s'il n'avait pu lui sauver la vie, il avait pu l'aider, ne serait-ce qu'un peu... En entendant cela, le visage de Paros se liquéfia. Il lui fallut un effort surhumain pour ne pas perdre sa contenance et laisser une larme couler.
Il fallut quelques instants à Pégase pour parvenir à calmer les battements de son cœur et ses émotions qui débordaient. Il se sentait entre deux eaux : la peine qui le poursuivait depuis Tolosa était toujours présente, mais avait pour l'heure été remplacée par un apaisement bienvenu. Ne restait à présent que de la reconnaissance envers le Grand Pope pour les encouragements qu'il lui avait communiqué. Lui adressant un sourire, encore timide, Paros

- Merci, Grand Pope. J'essayerai de... Non. Je continuerai à servir Athéna en gardant vos paroles en mémoire. Pour ne pas perdre cette voie.

Un porteur d'espoir? C'était en effet ce qu'il avait décidé d'être. Même après Tolosa, cela n'avait pas changé. Il avait pu constater à quel point cette route serait ardue, oui. Mais malgré cette anxiété qui l'avait assaillie, sa détermination n'était pas chose fragile. Elle ne vacillerait pas si vite. Paros avait juste besoin, à présent, du temps de se remettre sur pied.
Et, pour faire honneur à ce titre que Childéric lui avait décerné, il avait dans sa manche peut-être de quoi l'assister encore un peu plus. Et achever son rapport.

- Ce n'est pas grand chose, mais j'ai autre chose qui pourra peut-être vous aider.

Pégase avait encore un tour dans sa manche. Ou plutôt, dans son sac. En y plongeant une main, Paros en sorti une coupe en bois, à l'aspect somme toute assez simple. L'une des raisons pour lesquelles il avait décalé cette rencontre, outre le fait qu'il ne s'y sentait pas prêt, tenait là, dans sa paume. Le jeune homme, qui travaillait le bois depuis son enfance, avait usé de ses maigres talents pour tailler, le plus fidèlement possible, l'objet qu'Apollon lui avait présenté. Bien entendu, il ne pouvait reproduire l'impression de puissance qui s'en dégageait dans sa vision... Mais si on ignorait ce détail, Paros était plutôt satisfait de son travail. Il le tendit au représentant d'Athéna.

- J'ai fais de mon mieux pour reproduire cette coupe que tenait Apollon. Il a fait en sorte de la présenter comme un élément central de sa vision... Peut-être pourra-t-elle vous aider, en temps voulu.

Paros n'avait pas beaucoup à offrir au Grand Pope. En vérité, lui offrir ainsi un objet de sa fabrication en guise de "rapport" avait quelque chose de ridicule. Le jeune homme avait longtemps hésité à le sortir de sa sacoche. Mais maintenant, cela lui semblait le plus naturel du monde. Il croyait sincèrement que, lorsque le moment viendrait, ces visions qu'il avait eu pendraient tout leur sens. Si ce n'était pour lui, au moins pour ce Grand Pope. Puisqu'il croyait en lui, Pégase ne pouvait que lui rendre la pareille.

C’est souvent le rôle d’un chef de faire en sorte que l’espoir ne meurt pas. D’attiser les braises des âmes qui vacillent et si besoin, de raviver la flamme. C’était ce qu’il avait fait ici avec le petit pégase. Ce chevalier avait un coeur rare, dans cet univers bien sombre. Mais le problème d’un point de lumière dans l’obscurité, c’est qu’il est le seul qu’on voit. C’est un sort qu’il ne voulait pas pour le jeune chevalier. Sa mort viendrait, comme les autres. Cette pensée lui fit monter la bile à la bouche. Tous, n’étaient là fatalement que pour mourir, aucun chevalier ne pouvait se payer le luxe de la vieillesse après tout. Qu’il meurt au combat, rongé par sa propre malédiction ou qu’il abandonne tout pour un objectif plus grand. Et, avant ce moment funeste, il fallait que la flamme du petit Paros brille aussi fort qu’elle le pouvait. Pour qu’il profite de la vie et que les autres profitent de sa chaleur. Peut-être les choses auraient été différentes pour lui, si, plus jeune, il avait connu une tellement flamme. Mais il ne l’avait pas connu.

« - Ah ? Je t’écoute, Paros ? »

Il se recula et laissa le chevalier de bronze le soin de présenter ce qu’il avait visiblement ramené. Le vieux lion observa alors avec soin l’objet qu’il lui présenta. Une coupe, finement ouvragée, qui, d’après les mots du chevalier de bronze était la réplique la plus fidèle possible à celle qu’Apollon lui avait montrée. Le Pope te tendre la main pour récupérer l’objet et l’analyser sous tous les angles. Silencieux pendant une petite minute. Avant de poser l’objet sur le côté et de reprendre la conversation avec Paros :

« - Je vais voir si je vois mention de cet objet dans les archives de Star Hill. Cela pourrait peut-être nous servir. J’aimerais aussi te demander quelques choses Paros. J’ai déjà chargé ton maître d’aller parler à notre prisonnier vedette, mais j’aimerais que tu ailles t’entretenir avec lui, si cela ne te dérange pas et que tu lui parles de Paris et de la coupe. Que tu parles comme le dicte ton coeur, comme tu sens qu’il faut que tu parles. »

Peut-être que le coeur de Paros réussira à percer la carapace de mauvaise foi et l’énorme tête de mule avec laquelle le vieux lion doit composer. Peut-être qu’il arrivera à atteindre Cuchulainn et lui faire cracher quelque chose. Car à force de s’entêter dans sa posture de l’idiot inutile, il risque fort de devenir les deux : idiots et inutiles. Et un prisonnier de guerre inutile ne vit jamais bien longtemps et pour le moment, seul la carte qu’il représente dans le jeu du vieux lion avait pour le moment tenu en vie la voix du soleil. Et pour combien de temps encore ?

Qu'avait voulu exactement transmettre Apollon en donnant cette vision au jeune Pégase? Quel secrets à venir étaient ainsi cachés, dans une si petit coupe en bois? Paros n'avait pas de réponses à ces questions, comme à tant d'autre. Mais il devait y avoir une raison. A cela, il y croyait dur comme fer. Alors, quand il vit cette bien pâle reproduction du divin gobelet entre les mains du Grand Pope, le jeune Chevalier eut le sentiment d'avoir accomplis son devoir, ou au moins une partie. Il commençait à croire que, peut-être, il avait fait les bons choix. La première brique placée, qui plus tard servirait surement à bâtir une certitude.

Lorsque Childéric eut terminé d'examiner cet étrange réplique que son Chevalier lui avait amené, il remercia le jeune homme et lui offrit une bien étrange opportunité. Celle de s'entretenir de ces étranges évènements avec un certain prisonnier. Le doute n'eut pas de place, dans l'esprit de Paros. Un seul prisonnier de marque était gardé au Sanctuaire. Le représentant d'Apollon. L'Augure. Mais même les Chevaliers d'Or ne pouvaient librement le voir... Serait-il réellement possible pour un simple Bronze comme lui d'avoir droit à une entrevue?

- Vous voulez dire... Que je rencontre l'Augure d'Apollon? Moi? Eh bien, s'il accepte de me parler, ce sera un honneur.

En vérité, le jeune Pégase se doutait que le Grand Pope était le seul à décidé de qui rencontrait ou non l'Augure. L'avis de ce dernier ne comptait pas vraiment. Mais il fallait quand même demander. La politesse pouvait aider à délier des langues, après tout.
A dire vrai, l'idée intéressait fortement le Saint. Surement, le représentant d'Apollon aurait-il des réponses à lui donner concernant ce qu'il avait vu. Ce dont il avait été témoin. Pour trouver la paix.

D'ailleurs, cette pensée lui fit se rappeler une idée qui l'avait traversé, quelques jours plus tôt. Un besoin quelque peu incongru, mais qui lui semblait tout à fait approprié au regard de ce qu'il avait vécu. Plutôt donc de faire mine de se retirer à présent que la fin de son entrevue avec le Pope s'achevait, il demeura donc sur place, et leva son regard vers Childéric.

- Avant de prendre congé, j'ai une requête à vous soumettre, Grand Pope. Je souhaiterais me rendre aux tombes des quatre héros enterrés aux côtés du Temple d'Athéna. Pour me recueillir sur la tombe du Chevalier Achille.

Cela semblait juste à Paros. D'aller à la tombe de l'ancien héros pour lui annoncer le sort de celui qui, selon certains récit, lui avait porté le coup fatal. Et peut-être que, face à la tombe d'une légende... Il parviendrait alors à accepter la mort d'une autre.

Le Pope eut un sourire aux mots du chevalier de bronze. Ce prisonnier à l’ego pénible aurait apprécié ce genre d’apparat. À vrai dire, il ne demandait pas mieux que de recevoir de la visite et de sortir de l’ennui de sa prison. Le soleil qu’était Paros pourrait sûrement apporter un peu de lumière dans la prison de l’enfant d’Apollon. Une situation cocasse, qui, sous d’autres auspices, aurait arraché au vieux lion un rugissement de rire tonitruant. Là, il eut de la peine pour celui qui avait été victime des plans étranges de sa divinité. Pourtant, il était la solution facile à un des problèmes les plus compliqués qui s’étaient posé à lui : le tuer pourrait sauver son épouse. Mais il était encore bien trop utile vivant et peut-être qu’il en serait réduit à ça après avoir extirpé de cet homme, victime de l’histoire et du destin, tout ce qu’il pouvait. La couronne faisait souvent de celui qui la porte un monstre sans foi ni loi. Un soldat, après tout, ne doit pas s’embarrasser de principe dans l’exercice de son devoir.

Celui qui fut lion accusa une très légère surprise à la demande du cheval ailé. Juste il fut étonné de voir Paros demander la permission de s’y rendre, après tout, cet endroit été ouvert à tous les chevaliers. Un hurlement de ce que le destin pouvait leur réserver sous de meilleurs auspices. Un endroit où lui-même, plus jeune, il avait passé beaucoup de temps à oublier ses blessures et les tourments de son existence. Plus exactement : à chercher sa place. Cet endroit ne lui avait jamais apporté la paix, mais il lui avait apporté le calme au moins. Et après ce qu’il venait de vivre, le jeune chevalier avait besoin de ce calme. Il sourit alors simplement au chevalier de bronze :

« - Je t’en pris Paros. Chaque chevalier est libre d’aller se recueillir sur ses tombes et de chercher conseils et inspiration auprès des héros de jadis. Tu es le dépositaire des derniers mots de Paris, sûrement que ceux qui l’ont combattu ou se sont battu avec lui aimeraient les entendre. Tu peux être fier de toi chevalier. »

Et sur ses derniers mots, le Grand Pope, l’invita, d’un geste de la main à prendre congé s’il n’avait plus rien à rajouter ou à compléter son rapport s’il ne l’avait pas terminé.

La réaction du Grand Pope ne le surpris pas. Il était certes admis pour les Chevaliers de ce rendre sur des lieux de recueillement comme celui-ci. Cependant Paros était attaché à ce protocole, au fait de devoir recueillir l'autorisation de chaque Saint du Zodiaque pour en monter les marches, et celle du Pope pour aller au-delà. C'était comme un rituel d'acceptation, d'élévation. Un idéal hérité des anciens contes de son grand-père. Faire ainsi lui donnait le sentiment de marcher dans ses pas. D'être un véritable Chevalier.

Le Pope Childéric lui donna sans mal son aval à progresser au-delà de son Palais pour accéder au mausolée des héros. Il accompagna cette autorisation d'une bénédiction. Une qui validait son ressenti face à ce devoir qu'il se donnait d'avoir à livrer les derniers instants du Prince Troyen à ceux qui l'avaient connu. Abaissant la tête avec reconnaissance et humilité, Paros remercia le représentant d'Athéna.

- Merci pour ces paroles, ainsi que pour m'avoir écouté, Grand Pope!

Des mots simples. Mais il n'y avait parfois pas besoin de plus pour véhiculer les sentiments qui le traversaient à présent. Childéric lui faisait déjà signe qu'il pouvait disposer et retourner à ses occupations. Paros se leva donc, salua une ultime fois le Grand Pope, et se retourna pour se diriger vers la sortie de la salle d'audience. Le jeune homme savait qu'il aurait bientôt à revenir. Pour parler avec un prisonnier. Avec des morts. Et à travers eux, comme ici... Avec le Divin.

Spoiler:

» [Début Avril 553] Grand nettoyage de printemps (mission profane) PV Nimue
» [Début mars 553] La fin d'une mission, le début d'une autre (Solo)
» [Début Mars 553] Voyage ~ Ft Liv
» [Début mars 553] Aîon
» [Début mars 553] Ça va faire mal !

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