[Avril 553] Premiers pas à travers les colonnes (PV Oracles)

Spoiler:

Après m'être incrusté dans la peinture splendide, je finis par retrouver ma pleine maîtrise en posant le pied dans un décor... Etrange.
L'énergie environnante me grisa, en même temps qu'un vent froid venait soulever la mèche qui barrait mon visage aux traits d'ange. La première chose qui attira mon oeil fut une immense colonne calcinée. Et machinalement, étrangement apaisé et confiant, je me dirigeais vers cette nouvelle destination.
Après seulement quelques pas, je pris conscience de la présence d'une multitude de plumes obscures voletant autour de ma personne, telle une protection atypique.
Mes doigts se saisirent de l'une d'entre elles, la portèrent à mes narines afin d'en humer le fumet avant de la relâcher, afin de la rendre à sa sarabande délicate.
Corbeau, sombre messager... Te voilà donc sur ton perchoir, à attendre les âmes soumises à la tragédie.
Amusé, je sentis un rictus triste se dessinait sur mon visage, en sentant l'aura qui venait de s'ébattre dans mon sillage. Indifférent aux rares regards posés sur ma frêle personne, je posais un genou à terre et y cueillit une pâquerette. Cette dernière fut secouée par un spasme étrange, avant de se flétrir au cœur de ma paume. Je ressentis alors en mon for intérieur un mélange d'effroi mais aussi de paix.
J'étais là où je devais être.
Lentement, je me relevais, avant d'adresser quelques sourires tristes aux peintres visibles. Tous détournèrent aussitôt le regard, comme si ma seule présence pouvait annoncer leur trépas à venir.
Comment leur reprocher ? J'étais l'ange de la mort. L'annonciateur du déclin.
Et d'un pas lent, je repris mon avancée mon le pinacle de ce bosquet bien étrange. Entraînant avec moi le vent du nord, froid, triste, avide de poser un doux linceul sur la vie environnante. Non par malice, mais par nature. Pour débuter, tout doit finir.

Une brise chaude, opposée à la mienne.
Un soleil bienveillant vibrant en écho avec le linceul d'hiver.
Une âme dont le chant enlaçait la mienne, afin de l’entraîner dans une valse où chacun tenait sa place, dans une grâce indéfinissable.
Et lorsque son timbre s'anima, un sourire amical vint parer mes lippes.

Je suis le sombre messager, porteur des vents mauvais.
Je suis l'annonce du déclin, par lequel s'amorce le changement nécessaire.
Je suis le vent du nord, emportant dans son souffle lancinant espoir, verve et courage.
Je suis la Voix de la Tragédie.

Et au fil du déroulé de mon propre chant de mort, les plumes qui voletaient autour de ma silhouette svelte s'animèrent de plus belle, formant un habit mouvant au rythme de ma respiration, de mes gestes.
Dieu, que cette femme était belle. Fidèle à son annonce, le soleil resplendissait par son aura chaleureuse. Un ange de lumière.
Je m'inclinais devant elle, en guise de salut. Car étrangement, je ne sentais aucune menace ou tension entre nous, pourtant si opposés de nature.

Je m'appelle Gabriel... Ravi de faire votre connaissance. Même si je conçois que mon arrivée ne doit pas forcément vous ravir. D'ailleurs... Auriez-vous l'amabilité de m'indiquer où nous nous trouvons exactement ?

La formule peut sembler un peu étrange, mais je suis ravi de faire votre connaissance, Célestia.

Un miroir. Une pièce à deux faces. Elle l'apogée, moi le déclin.

Oui, Gabriel... L'annonciateur.

Un sourire triste se dessina sur mon visage aux traits angéliques. Sans le vouloir, mes ailes de plumes noires se déployèrent harmonieusement dans mon dos.
La Tour des vents ? Le refuge créé par Apollon, le souverain des muses ? Ces mots firent écho à mon âme. Oui, j'étais bel et bien au bon endroit au bon moment. Mais les propos de la lumière me firent poser une main sur le menton, interloqué que j'étais.

A vrai dire... J'ignore tout de ce lieu. Et ce n'est pas véritablement une vision qui m'a ouvert la voie, mais davantage... Un chemin invisible. Comme si un vent doux et froid avait orienté mes pas pour me mener ici. Me trouver auprès de vous est comme une évidence.

D'un geste, la belle m'invita à la suivre ce que je fis, bras croisés dans le dos. Tout n'était que sérénité et justesse.

Je comprends vos sentiments. Impossible de reprocher à une âme d'être ce qu'elle est. Voilà aussi pourquoi, votre présence me réconforte, bien que nos destinées soient tristement complémentaires. Mais dites-moi... Ces Oracles dont vous parlez... Sont-ils les fidèles d'Apollon ? Vous et moi appartenons à cette caste ? Et qu'est-il arrivé à cette ancienne génération ?

La Tragédie avait-elle frappé ?

Elève studieux, j'écoutais avec attention le récit et les explications de l'ange d'été.
Les pièces formaient peu à peu un ensemble cohérent, et ma mine s'assombrit devant l'ampleur de la tache à accomplir.

Je vois... Notre ordre a donc connu un profond bouleversement, voilà peu. La question qui m'interpelle est... Ma venue annonce-t-elle la poursuite de notre déclin ou celui des criminels responsables de cette destruction ?

Car telle était ma priorité.
Comprendre le devoir imposé par Apollon, par Melpomène. La raison de ma place ici même. La cause de ce chemin et où il devait me mener.
Attentif et bienveillant, j'observais Celestia offrir un aperçu de son énergie. Un modèle à suivre assurément. Même si j'avais conscience de mon statut de novice.

Vos explications sont claires et précises. Je vous en remercie.

Vint alors une question légitime sur la propre essence de mon "cosmos" et ma faculté à l'appréhender. Main sur le menton, je réfléchis à ma façon de voir les choses.

Ma foi... Une démonstration vaut sûrement mieux qu'un long discours.

Et pour ponctuer mes dires, je me contentais d'augmenter mon aura naturelle. Une vague de froid balaya les alentours, mugissant crescendo à mesure que l'environnement autour de moi semblait se flétrir. Une aura de mort non violente. De désespoir, de fatalité. Et la mélancolie sur mon visage, résigné que j'étais à être celui que le destin avait choisi. Après un court instant de cet effet, je dissipais l’atmosphère mortifère d'un mouvement de bras, afin de ne pas gêner Célestia.

Je suis encore un novice, mais que ce soit par mes lames ou mes fidèles compagnons de route, je façonne la pièce de l'ultime tragédie. Une Apothéose avant l'inéluctable fin. Un sentiment d'urgence ne me quitte guère, et je sais devoir me préparer pour les temps à venir. Ceux qui ont détruits la tour des vents... Parlez moi d'eux.

L'histoire était à la fois complexe et les blessures encore visibles. Pour avoir vécu les horreurs des années précédentes, Celestia portait en elle une souffrance bien compréhensible au vu de sa nature profonde.
Il devait être terrible pour l'apogée de vivre le déclin.

Je vois... Pourtant, qui nous dit que même avec ces Berzekers nous parviendront à faire vaciller ceux qui ont déjà causer la perte de nos armées ? Quels sont nos autres alliés, ressources ou appuis ?

Rome devait-elle poursuivre sa descente en enfers ou se relever afin d'enclencher un cycle d'achèvement de l'arrogante Byzance ?

En semant la destruction, ces Saints ont peut être cultiver la graine de leur chute. Les humiliés du jour seront les ennemis de demain. Je distingue déjà la tragédie des leurs...

Ces âmes de héros déchus, d'âmes aux destins épiques fauchées par la main implacable du destin.
J'entendis les conseils prudents de l'ange d'été concernant l'ambassadrice à venir, et je me pris à la rassurer d'un léger rire de dérision.

Au vu de ma découverte de ce monde et de ses trames, je me vois mal offusquer cette ambassadrice. Au pire, je tacherais de la divertir, si le besoin s'en ressent, mais mes initiatives s'arrêteront là à ce stade. Mais j'ai déjà hâte de rencontrer ce Python, et de m'enquérir de ses conseils.

Parler pour ma faction serait une folle témérité. Et ce type d'excès n'entrait pas dans les limites de mon caractère observateur et discret. Mais cela ne faisait pas de moi un individu timoré pour autant. Et justement, Celestia m'offrit une possibilité de le démontrer.

Un entraînement ? Ma foi, ce sera avec plaisir... Même si je doute de pouvoir vous mettre en difficulté.

Le tableau brossé par Celestia me laissait dubitatif.
Beaucoup de forces en présence, des intrigues, complots, meurtres même. Le tableau prenait forme peu à peu, et mon éveil me sembla aller de soi dans de telles circonstances. Un conflit approchait lentement mais sûrement, avec bien des protagonistes.

L'affaire est donc particulièrement complexe. Je me ferais un plaisir de mettre mes humbles talents au service d'un rapprochement avec nos alliés potentiels, le moment venu. Avec davantage d'expérience.

Et un léger rire s'échappa de mes lèvres, en signe d'autodérision.
Ces fameux Saints semblaient sûrs d'eux, et disposaient de ressources évidentes. Pourtant, si leurs exactions avaient jadis semer mort et conflit, les désirs de vengeance devaient bien couver quelque part. A nous de souffler sur les braises de la rancune, afin d'obtenir le déclin de ces individus.
Enfin, un sourire se dessina sur le beau visage de Celestia. Elle m'avait pris au mot et lancé un défi digne de ce nom.
Du peu que j'avais perçu de son aura, j'aurais bien du mal à la pousser dans ses retranchements. L'ego n'était pas un défaut dont je pouvais me targuer, aussi j'avais bien conscience de mon caractère novice. Mais c'était une belle occasion, et j'approuvais sans réserve ses conditions.

Dans les deux cas, vous et moi aurons tout à y gagner.

Et sur ces belles paroles sincères, je sortis mes lames de leurs fourreaux, avant de prendre appui sur ma jambe gauche.

Offrons à un public invisible la quintessence de la beauté martiale.

L'affrontement serait assurément rude, mais c'était une opportunité idéale afin de tester mes capacités en conditions réelles. Et non uniquement sur une scène.

Citation :

Gabriel lance un défi à Celestia

J’accompagnai l'initiative de Célestia d'un sourire entendu.
La sphère dorée serait un bon moyen de protéger les alentours de nos éventuels excès.

Je ferais mon possible, très chère. Rassurez-vous... Mon style n'est pas du genre explosif.

A moi donc de faire le premier pas de cette valse de lumière et d'ombre. Soit.
Mon premier réflexe fut de libérer tout l'intensité de mon aura ténébreuse. Un vent glacial, porteur de tourment, de désespoir, de mort douce. Enveloppante.

Nous voici dans mon monde. Celui qui annonce le déclin de toute chose.

Dans toute la zone protégée par le dôme transparent, le sol commença à se craqueler, alors que tout végétation entamait sa flétrissure. Une simple conséquence de ma présence éveillée.
Une fois ma puissance libérée, je bondis sur ma cible, lames décrivant deux figures opposées. Une attaque par la gauche, l'autre par la droite. Aérien, acrobate vigilant et précis, je frappais de coups nets, un léger sourire sur mes traits. Car à peine le pied à terre qu'une présence venue de nulle part se fit sentir dans le dos de l'ange de lumière.

Laissez-moi vous présenter l'un de mes compagnons... Arlequin.

Sans attendre un ordre de ma part, la sinistre marionnette porta un coup de poignard au flanc de ma cible, avant de venir danser à mes cotés.

Je savais que j’aurais à faire avec une combattante redoutable, malgré son faciès angélique, et je n’étais pas déçu.
L’esquive fut rapide, prompte et la réplique offerte avec force. Aussi gracieuse que j’étais dansant, Célestia me prit de vitesse, rendant mes lames inopérantes, et parvint à faire fi de la lame acérée brandie par Arlequin. Rien de bien étonnant au vu des talents que j’avais pressenti chez elle.
Mais je relâchais un grognement de surprise lorsque par sa lumière, elle me priva de l’un de mes sens ! Fort heureusement, mon aura de mort couplée avec ma régénération naturelle me permit d’amoindrir la morsure du coup porté, mais j’allais devoir continuer l’affrontement en étant diminué.
Pour autant, ce fut un sourire qui se dessina sur mes traits.

Vous êtes incroyable, Célestia… Je comprends comment vous avez pu survivre à une guerre.

Mais qu’importe mon adhésion, je comptais bien livrer bataille jusqu’au bout, par égard pour ses qualités martiales. Levant une lame vers le ciel, je laissais se déployer mon cosmos corrosif, jusqu’à modifier l’environnement, afin de lui donner l’apparence d’une scène théâtrale.

Que le spectacle commence…

Je brandis alors ma seconde épée en direction de ma cible, devant laquelle se matérialisa un magnifique miroir cerclé d’argent. Un coup d’œil dans son reflet, un seul, et Celestia se verrait confronter à un souvenir particulièrement douloureux. Non l’observer, mais le vivre. Le ressentir. Encaisser les émotions, le désespoir de cet instant qui n’appartenait qu’à elle, emportant dans le passé une part de sa vitalité. Juste avant que ne surgissent sous ses yeux des visages connus, aujourd'hui disparus, la jugeant et la tourmentant de leur vindicte. Marionnettes de la scène que j'avais érigé pour ce combat.
Je profitais de cette mortelle diversion pour me ruer de nouveau sur l’ange de lumière, lames en avant, afin de la frapper cette fois pour de bon du métal acéré. Tout en sachant qu’il lui serait bien difficile de porter un coup digne de ce nom, tant l’émotion risquait de la submerger.
Telle était à la fois ma malédiction et ma plus terrible protection : Replonger ma proie dans les affres de sa tragédie personnelle et la confronter à sa propre mortalité. A son inéluctable fin.

Soleil au zénith, tu ne peux que chuter.
Cette pensée me traversa l’esprit, sans mauvaise intention. Celestia offrait le meilleur que l’on puisse dévoiler en terme de maîtrise, de puissance, de vélocité et d’ardent esprit combatif. Un gouffre nous séparait, et je comptais bien un jour le combler.
Pour l’heure, entre l’intervention d’une étrange entité et ses assauts puissants, j’avais fort à faire. Mais encaisser ses coups m’offrait également la possibilité d’en mesurer tout le potentiel. Et je répondis à son conseil par un sourire triste.

Le vent d’hiver est plus mordant en soufflant sur la durée, qu’en s’épuisant par une brève bourrasque.

Qui veut aller loin ménage sa monture. Et même redoutables, les coups donnés par Celestia ne suffiraient pas à me mettre à terre pour le moment.
Malmené par le cosmos du bel ange de lumière, je répliquais une nouvelle fois en entamant une danse martiale gracieuse et mortelle. Valsons, voulez-vous, cher reflet ? Mes lames filèrent, frôlèrent, tranchèrent l’air afin de toucher enfin la vive figure d’un été à son apogée.
Et sur un ordre muet, deux silhouettes jaillirent des ombres pour plonger leurs dagues dans le flanc de Celestia.

Arlequin et Colombine, prêts à vous offrir le plus sanglant des spectacles. Farces ou drame, ils sont de tous les registres.

Et sur cette présentation, les marionnettes aux figures inanimées mais terrifiantes par l’éclat de leurs prunelles revinrent se déhancher dans mon dos, gardiens de mes arrières et soldats sans peur.
Déjà le miroir des âmes projeta une nouvelle image traumatisante devant Celestia, pour ponctuer mon assaut. Parviendrait-elle à surmonter la confrontation avec un proche disparu ?

Combien de temps brillerez-vous encore de ces mille feux, bel été ?

Tant d'assurance...
C'était compréhensible vu l'écart de notre expérience, mais de là à me sous-estimer de la sorte... Je comptais bien montrer que je possédais encore quelques atouts dans ma manche avant de rendre les armes.
Je ne pus esquiver la perte de ma vue, mais lorsque ma silhouette tomba au sol, Ceslestia peut voir qu'il s'agissait en réalité de ma marionnette la plus ténébreuse. Cette dernière tourna la tête à 180 degrés afin d'offrir un sourire sinistre à mon adversaire.
Et déjà, je bondissais dans son dos, lames en avant. La fatigue faisait son œuvre, mais jusqu'à devoir poser genou à terre, je donnerais tout. Sans que la puissance de mes coups n'en soit affecté.
Mes lames jumelles tranchèrent à nouveau, cherchant la chair tendre par delà la Chlamyde rayonnante. Et j'offris une autre valse de mort, aveugle certes, mais donnant à chaque moulinet, à chaque coup une terrible précision. Car je devais bien cela à ma redoutable adversaire.
Malgré notre écart tant d'essence que de pouvoir, Celestia prenait le temps de m'offrir cet entraînement, et je voulais la remercier en lui montrant le meilleur de moi même, sans retenue.
Une fois mon enchaînement achevé, je frappais mes lames l'une contre l'autre, annonçant le déclenchement du miroir des souvenirs, avant qu'il ne se brise, son ultime forfait accompli.

Ne sommes-nous pas les pantins de ce jeu qu'est la comédie humaine ?

Et je lui souris tristement, alors qu'augmentait de nouveau mon cosmos, afin de frapper l'esprit de l'ange d'une nouvelle vision mortifère.

Vous êtes remarquable, Celestia.

Et j'offris à l'été une révérence, avant de me remettre en garde. Car qu'importe la rage du combat, nous étions âmes jumelles face à face, et en cela, je vouais à cette dame le plus ardent respect.

Un dôme de lumière, miroir implacable.
Voilà ce qui s'opposa à mon assaut, m'en renvoyant toute la morsure.
J'étouffais un cri d'horreur, avant de poser le genou à terre, main sur le visage. Dents serrées à m'en faire saigner les lèvres, je replongeais dans un souvenir récent, mais ô combien traumatisant.
Une simple danse, s'étirant sur des heures d'absence de la conscience. Lames volants, ma silhouette grisée, portée par une main divine. J'offrais mon spectacle le plus magistral... Jusqu'à ce que mes yeux s'ouvrent sur les corps exsangues des membres de ma famille. Leur sang coulant encore de mes lames.
Je restais ainsi prostré quelques secondes, avant de parvenir à chasser cette image terrible. Non sans effort, je finis par me redresser, mon regard brillant toujours de la même combativité amicale, mais également résignée.

Vous vous trompez, Celestia. Ces pantins ne sont pas plus tristes que vous ou moi. Car au final, sommes-nous autre chose que des marionnettes s'agitant sur une scène ? La destinée ne nous laisse qu'une illusion de choix.

Au fil du combat, mes forces diminuaient, mais celle du soleil également. Toutefois, elle possédait un potentiel plus élevé que le mien, et la différence se ferait sur cette endurance.
Porté par un vent glacial, je bondis à nouveau, lames prêtes à fendre l'air. Pour bien connaître les affres de mon arcane, je savais qu'il me serait impossible de donner sa véritable impulsion à un assaut cosmique. Autant miser sur mon corps dénué de failles, là où mon esprit restait encore immature.
Qu'importe mes handicaps, mon entraînement suffisait à garantir un repérage de mon adversaire, et une aisance à danser avec mes fidèles lames. Jusqu'à quand ?

Un chant.
Le pouvoir de la Voix est si intense... En tant que pantin d'une scène, je ne pouvais le nier. Bien au contraire. Et le timbre de Celestia me sembla à son image : chaleureux, brillant, étincelant d'espoir.
Et je sentis poindre les effets de ma propre Comédie Humaine.
Je me retrouvais brusquement plongé dans un étrange souvenir, aux contours nébuleux.
Plus de colonnade ou d'ange de lumière. Juste moi, genou à terre et visage levé vers une silhouette dont le visage refusait de se dévoiler. Pourtant, sa seule vue m'arracha un hoquet de stupeur. Une émotion vive, incontrôlable me serra la gorge, ravalant mes larmes. Je n'osais y croire.

Toi... Mais... Tu étais... Morte...

La voix de Celestia me parvint de loin, si loin. Et je me pris à y croire, l'espace d'un instant.
Sourire ? Montrer ma lumière ? Ce miracle était-il possible ? La femme inconnue et pourtant si familière tendit sa paume vers moi, et poussé par un espoir fou, dément, j'approchais mes doigts tremblants des siens.

Spoiler:

Ils les traversèrent.
Mon bras s'abaissa, mon buste s'effondra, en même temps que toute espérance. Un doux baiser se posa sur ma joue baignée de larmes, tel un courant d'air, avant que mille plumes sombres ne s'envolent, pour me ramener à l'unique réalité. Celle où immanquablement...

La Tragédie ne connaît nulle fin heureuse...

Face contre terre, je pris une unique inspiration afin de repousser ma tristesse dans les tréfonds de mon âme, où elle n'aurait jamais dû s'extirper.
Et après quelques instants de prières muettes, je me relevais maladroitement, avant de poser la pointe de mes deux lames sur le sol.

Mes forces sont épuisées. Merci de cette leçon, Celestia... Je rends hommage à votre lumière, à défaut de pouvoir l'embrasser... Car, je reste l'ange de la mort. Et je ne peux dévoiler autre chose que ma nature profonde. Vous et moi avons un rôle complémentaire à jouer dans le destin de ce monde. Et je m'efforcerais de me hisser à votre rang.

Un sourire infiniment triste s'étira sur mon visage, en guise de reconnaissance mais également de résignation. J'emporterais les hommes dans mes ténèbres, pour que cet oiseau d'espoir puisse ouvrir aux vertueux une voie nouvelle.

Abandon du combat

Une histoire de choix.
Je comprenais le sens de ces paroles, et je pouvais presque acquiescer. Toutefois, Celestia oubliait un élément important de l'équation.
L'impact, l'emprise, le souffle de la Tragédie.
Un autre corbeau que moi aurait pu en effet prendre les oripeaux d'une mort tendre, douce, enveloppante. Au fond de moi, j'aspirais même à cette image. La délivrance, oui.
Pourtant, ma mission prenait un autre aspect. Du moins envers les héros de l'Apothéose à venir.
Les accompagner vers leur fin. Façonner une histoire unique, un conte premier, dont les âges se souviendront à jamais.

Et votre choix vous honore.

Je lui souris avec sincérité, mais non sans tristesse. L'ange de lumière serait synonyme d'espoir, et moi son reflet. Ce destin je l'avais embrassé.
Je me saisis du bras de la belle âme afin de me redresser, et j'époussetais ma toge abîmée dans le combat féroce. Une fois mes lames rengainées, je portais mon regard vers le lointain.

Je vous en remercie. Je suis curieux de voir nos domaines de mes propres yeux. Si cela vous sied, j'en profiterais pour vous offrir le spectacle auquel vous avez droit après votre victoire.

Sur ce point, je comptais bien dévoiler à Celestia toute l'étendue de ma créativité et de mes dons artistiques. Elle le méritait amplement.
Je tournais alors mon regard vers le public de spectateurs, et leur adressais un signe de main.

Allons-y. Je vous suis.