[Fin avril 553] Every breath you take [PV Calypso]

«Oh… Pour rien… Mais il est toujours plus agréable d’avoir à faire à un visage bien fait plutôt qu’à une personne disgracieuse. Même si l’essentiel reste davantage que la tête soit bien pleine… Rare sont les personnes qui peuvent prétendre posséder ces deux attributs… Tout le monde ne peut pas s’appeler Calypso Toreador Arkantea… »

Sa naïveté était presque touchante. Etait-elle seulement sérieuse ou feignait-elle juste de ne pas comprendre. Nessius avait toujours soupçonné la jeune femme d’être quelque peu ingénue. Mais il ne s’était pas imaginé que cela soit à ce point.

Nessius se rassis pour faire face aux Hyades. Il la regarda avec une intensité emplie d’une malicieuse gravité. S’il fallait qu’il lui fasse une explication de texte à chaque fois, si elle peinait à lire entre les lignes, alors ils n’étaient clairement pas sortis du sable. Il valait peut-être mieux qu’il jette directement l’éponge ? L’occasion était pourtant trop belle bien que les circonstances ne s’y prêtaient guère. Las, il allait devoir se montrer un peu plus explicite s’il voulait la pousser à la réflexion.

«J’ai déjà dormi dans le lit de mes sœurs lorsque nous étions enfant, mais là n’est pas la question… Ce n’est pas ce type de sentiment fraternel que je ressens à ton sujet… Tu vois où je veux en venir ou as-tu besoin que je te fasse un dessin ?»

On pouvait difficilement faire plus direct. Être plus explicite risquait de le rendre indélicat. Il flirtait d’ailleurs dangereusement avec le point de non-retour. Car si elle s’offusquait, si elle se trouvait heurtée par ses propos, il pouvait parfaitement se retrouver à perdre la seule personne encore vivante qui comptait un tant soit peu à ses yeux. Il devait donc s’assurer une porte de sortie pour ne pas hypothéquer l’avenir.

«Je sais que le moment est particulièrement mal choisi… Je sais que tenir de tels propos alors que tu es en plein deuil est particulièrement déplacé. Et je comprendrais si tu souhaitais que je m’en aille. Mais te voir malheureuse, les yeux rougis me crève le cœur. Ca me remplit de colère et de tristesse à la fois. Je veux juste que tu saches que mes bras et mon cœur te sont ouverts si tu as besoin de t’y réfugier… Le reste dépendra de toi… »

«Je vois…»

Deux mots. Juste deux mots pour clore le débat. Elle venait de lui répondre de la manière à la fois la plus douce mais aussi la plus douloureuse qui soit. Il ne pouvait pas lui en vouloir. Pour autant, devait-il insister ? Lui expliquer qu’il avait souvent pensé à elle lors de son exil à la surface ? Après tout, peut-être s’était-il bercé d’illusion pendant tout ce temps et s’était-il raccroché à la seule personne qui ne l’avait pas repoussée.

Il masqua habillement son amertume derrière un sourire narquois. Après tout, que pouvait-il bien attendre d’autre ? Qu’elle lui saute dans les bras et oublie Orpheus en un battement de cœur ? Pathétique vermisseau . La voix de Néro résonnait à nouveau dans son esprit. Bien sûr. Comment avait-il pu espérer qu’il en soit autrement ? Au final, derrière ses airs et ses faux semblants, il restait ce gamin solitaire qui rêvait d’un grand amour libérateur qui viendrait combler le vide béant dans son âme. Mais il était peut-être temps de grandir et de regarder la réalité en face.

Un fantôme prenait plus de place dans le cœur de Calypso que lui. Féroce constat. Nessius finit donc calmement sa grappe de raisin sans ajouter un mot. Au moins ne prononcerait-il pas davantage de paroles pouvant lui être reprochées. Il en avait déjà suffisamment à regretter.

Il se leva toujours avec la même sérénité apparente. Le masque avait repris sa place sur son visage. Insondable. Imperturbable. Elle lui avait claqué la porte sur les doigts. Il saurait en retenir la leçon.

«Alors je ne vous ferais pas davantage gaspiller votre temps en fadaises. Il semblerait que moi aussi j’ai un deuil à faire dorénavant… »

Enterrer ses illusions d’adolescent dans le chaos ambiant ne serait peut-être pas le plus difficile. Devait-il seulement répondre à ses questions ? Lui expliquer le pourquoi du comment? Lui détailler à quel point sa présence douce, discrète, constante le stabilisait ? Elle ne semblait pas comprendre ce qu’il lui trouvait. Pour autant, elle ne cherchait pas non plus à essayer. Il ne lui donnerait pas les clefs. Au moins pourrait-il conserver cette dignité-là.

Il se garda de lui adresser un dernier regard. Trop douloureux. Il se contenta de regarder vers l’extérieur et d’ajouter quelques banalités d’un ton qui se voulait le plus neutre possible.

«Merci pour votre hospitalité et votre conversation. Inutile de me faire raccompagner, je connais le chemin. Je vous souhaite bonne nuit, Dame Toreador Arkantea. Mes hommages à votre mère. »

Puis, il passa les lourdes portes d’airain sans se retourner.

Il avait franchi les portes sans hésitation.Et il hâtait le pas. Inutile de rester dans les parages. Ce ne serait pas entre ses murs qu’il pourrait prétendre à se consoler. Seul. Il finirait seul. C’était maintenant une évidence. Indigne. La voix de Néro encore. Indigne d’être aimé. Peut-être méritait-il son sort ? Peut-être ne méritait-il pas mieux que des servantes troussées au détour d’un couloir, qu’une catin payée dans un bordel luxueux. Personne ne l’aimerait pour qui il est. Jamais.

Tel un animal blessé, il accélérait l’allure pour quitter les lieux au plus vite. En espérant ne croiser âme qui vive sur le trajet. Il ne voulait pas avoir à croiser le regard de Philomaque ou pire, de la mère de Calypso, et à devoir trouver une excuse plus ou moins fallacieuse pour justifier son départ.

C’est à ce moment précis qu’il senti l’Onde de la jeune femme le cerner de toute part pendant que ses pas martelaient le pavé à un rythme effréné. Ainsi elle l’avait rattrapé. Une volonté d’en découdre finalement ? Non… Il n’y avait rien d’agressif dans son aura. Davantage un mélange de tristesse et de détermination. Venait-elle le libérer de sa parole afin de ne plus avoir à faire à lui ?

Ce fut la dernière pensée construite qui lui traversa l’esprit avant que la situation ne le prenne de court littéralement. En un éclair, elle lui avait saisi le poignet et, le serrant avec une force qu’il ne lui soupçonnait pas, planta ses yeux d’améthystes dans le regard ophidien de Nessius.

Le jeune homme la dévisagea, voyant les larmes couler sur ses joues. Il se figea sans se raidir. C’était à elle d’agir. Elle l’avait rejeté. C’était à elle de faire le prochain pas. Il s’était attendu à beaucoup de choses. De la colère, des reproches, des suppliques… Mais pas à ça.

Lorsqu’elle posa un baiser passionné sur ses lèvres, le cœur de Nessius et son aura explosèrent à leur tour. Le couloir plongé dans la pénombre, vit danser sur ses murs des lueurs byzantium aux reflets d’argent. Avant que son cerveau ne put formuler une quelconque objection ou un petit mot d’esprit, ses lèvres vinrent à leur tour se poser sur celles de la Toreador Arkantea, lui rendant son étreinte passionnée comme s’il cherchait à fusionner avec elle.

Comme si la crainte, la frustration, la colère, la peur de ces dernières années venaient de se libérer en une vague dévastatrice qui allait faire trembler l’ensemble de la demeure. Il la saisit avec fougue et la plaqua sans ménagement contre le mur du couloir. Il avait faim. Une faim inextensible d’elle, de ses bras, de ses lèvres, de son regard, de son aura… Comme s’il voulait saisir ce rêve qui se présentait sans se poser de questions. Une envie primaire, animale.

Ses mains se posèrent sur les hanches de la jeune femme tandis que ses lèvres dévoraient littéralement celles de Calypso. Peu lui importait qu’ils soient surpris par un serviteur, par Philomaque ou même par la maîtresse des lieux elle-même. Il voulait jouir de cet instant avant qu’il ne s’envole. Quel qu’en soit le prix et les conséquences. Il ferma les yeux comme pour laisser ses autres sens prendre le relais. Et le temps suspendre son vol.

Il ne s’était pas attendu à un tel déchaînement de passion de la part de Calypso. Passé l’effet de surprise initial, il se laissa porté par ce tumulte, par cette tempête qu’il n’avait ni la force, ni la volonté de faire cesser.

Comme une marionnette, il la laissa le guider dans une pièce à sa convenance. La salle de danse ? Un sourire ironique emplit son esprit. Un choix intéressant. D’autant qu’il semblait dicté, non par la raison mais davantage par la pulsion. La Toreador Arkantea lui apparut sous un jour qu’il ne lui connaissait pas. Une fougue, une détermination, loin de la jeune femme timide et digne que la Cité connaissait. Le feu sous la glace. Comme s’il venait d’ouvrir les vannes d’un barrage trop longtemps fermé, déversant par là-même des flots impitoyables par lesquels il se laissait volontiers engloutir.

Cependant, c’est la surprise qui le saisit lorsque d’un coup de dague aussi vif qu’imprévisible, elle déchira sa chemise. Mais d’où sortait-elle sa lame ? Intrigué autant que surpris, Nessius jetta un regard incrédule à sa partenaire. L’air de dire : « Qui êtes-vous et qu’avez-vous fait de Calypso ? ». Etait-ce là la véritable Caly qui se présentait à lui avec cette audace, cette détermination ? Un frisson de plaisir et d’excitation lui parcourut l’échine. Elle voulait jouer. Ils allaient jouer. A égalité.

Alors qu’elle se trouvait à califourchon sur lui, le contemplant d’un regard fauve qu’il ne lui connaissait pas, Nessius entreprit de les remettre au même niveau. Alors qu’elle parcourait son torse de ses longs doigts, d’un geste rapide et précis, il déchira à son tour la tunique sombre de la jeune femme, laissant apparaître sa poitrine d’albâtre à la lueur des flambeaux qui illuminaient la pièce.

Il resta un instant à contempler ce spectacle magnifique qui dépassait tout ce qu’il avait pu imaginer dans ses rêves les plus intimes. Mais ce sont les deux améthystes de la jeune femme qu’il cherchait du regard. Comme pour se rassurer et obtenir un silencieux consentement.

Mais le reste de son corps n’en avait cure et cherchait la moindre parcelle de peau dénudée, comme pour se repaître de ce festin charnel si longtemps désiré et offert si soudainement. Le Naga n’hésitait pas dans ses gestes, laissant ses mains remonter le long des cuisses de la Toreador Arkantea jusqu’à ses hanches avant de redescendre avec langueur et malice. Il voulait profiter de ce plaisir offert, ne sachant pas si la jeune femme agissait sur une pulsion qu’elle regretterait par la suite ou sur un véritable élan durable.

Il jouait avec la frontière, sachant parfaitement où il devait s’arrêter, effleurant les flancs de Calypso, remontant sous le galbe de ses seins sans jamais les toucher. Avec une douceur toute animale masquant difficilement une tendresse fébrile et la crainte que tout ceci ne soit qu’une illusion et que la jeune femme reprenne soudainement ses esprits.

Quatre mots qui résonnèrent en lui. Quatre mots qui explosèrent dans tout son être comme si son Onde venait de se révéler à un niveau de conscience supérieure. Rêvait-il ? Avait-il bien compris ce qu’elle venait de lui dire ou était-ce simplement le fruit de son imagination et de ses fantasmes qui remontait à la surface ? Etait-ce vraiment Caly qui se tenait devant lui ou une illusion des Lyumnades ?

A nouveau c’est une incrédulité teintée de désir qui brillait au fond de son regard d’émeraude. Fais-moi tienne.. Quatre mots qui scellaient leur sort à jamais. S’il franchissait cette limite, il ne pourrait plus revenir en arrière. Mais le désir qui brûlait dans les améthystes de la Toreador Arkantea était bien trop puissant et contagieux pour qu’il n’ose ne serait-ce qu’envisager d’y résister.

«J’avoue que je ne serai pas contre le fait de me glisser dans tes draps et de me reposer dans tes bras… Par contre, il va falloir se montrer discret. Je n’ai pas particulièrement envie de croiser ta mère dans cette tenue… »

Il adressa à Calypso un sourire malicieux. Il imaginait facilement à quel point la scène ferait virer la jeune femme au rouge corail si jamais, par le plus grand des hasards, elle venait à se produire. Se relevant lentement, il aida la Toreador Arkantea à faire de même et posa un tendre baiser sur son front.

«Merci à toi… Merci de m'avoir rattrapé… »

Il la serra dans ses bras. Une étreinte douce et intense à la fois. Il enfouit son nez dans la chevelure de sa compagne pour s’imprégner de son odeur. Une drogue à laquelle il s’accoutumerait bien vite si elle lui en offrait l’occasion. Immédiatement, une sensation de paix intérieure le saisit. Il l’avait cherché si longtemps. Mais il la sentit tremblante. De froid et de fatigue, probablement. Posant ses doigts sur le menton de sa dulcinée et le releva pour que leurs regards plongent l’un dans l’autre dans un murmure.

«Allons nous coucher… Nous avons bien mérité un peu de repos après cette longue journée, non ? »

La traversée des couloirs fut une belle représentation théâtrale. Nessius surjouait la discrétion, se glissant d’un pilier à un autre, marchant exagérément sur la pointe des pieds pour tenter de faire rire Caly. Il ne savait pas comment il se débrouillerait le lendemain avec ses vêtements déchirés. Il trouverait certainement une bonne excuse si jamais il en avait besoin.

Ils finirent par atteindre la chambre de la jeune femme et il s’écroula sur le lit moelleux. Il attendit patiemment qu’elle le rejoigne, lui offrant ses bras comme écrin avant de sombrer lentement dans le royaume de Morphée.