[Avril 553] Déposer la couronne et plonger dans le Rêve [PV Childéric]

Même dans les bras de la nuit, il n’y avait pas vraiment de repos pour celui qui porte la couronne. Le devoir et son chemin ne s’arrête vraiment jamais. Il s’était retiré dans un de ses cabinets à l’étage du temple pour poursuivre son travail. Des choses à superviser, des décisions à rendre, des troupes à déplacer, des rapports à consulter… Faire tourner un empire était une tâche épuisante, qui le tuerait sûrement à petit feu et le ferait vieillir plus vite que toutes les batailles qu’il pourrait mener. Mais c’était son devoir à lui, de se briser le dos et les épaules sous le poids de la couronne. Car il fallait bien que quelqu’un s’en occupe et qu’il valait mieux lui que les autres. Un garde frappa et lui fit savoir qu’un chevalier voulait la vouloir, la douzième gardienne s’était présenté. Il congédia le garde et demanda qu’on la fasse venir ici. Il se passa la main sur le visage et poussa un profond soupir.

« - Nimue ! »

Répondit-il à son épouse quand elle passa la porte, la voix chargée de joie et d’enthousiasme. Comme toujours, il était content de la voir, comme toujours, il était content de l’avoir à ses côtés. Elle pourrait sûrement sentir le lien vibrer, à la manière du ronronnement d’un félin content de voir la personne qu’il a choisi. Car on ne domestique pas un lion ou un chat, il est toujours celui qui choisit son maître. Et Childéric avait choisi. Il rugit de son rire signature quand elle lui indiqua la raison de sa venue. Il accueillait cette pause comme son épouse, à bras ouvert. Il la laissa venir jusqu’à lui et déposer se baiser sur son front. Toujours aussi, il lui sourit de nouveau et passa ses bras autour d’elle, l’amener vers lui, posa sa tête sous sa poitrine, contre son ventre. Restant là sans rien dire, dans cette étreinte pendant un bref instant chargé d’amour et d’éternité. Puis, il déssera son étreinte et se releva :

« - Non, pas encore. Et je serais on ne peut plus ravi de manger avec toi. »

Il savait à quel point cela avait difficile pour Nimue, de redevenir Nimue. Elle avait déjà souffert d’accepter d’être Morwenna, de se cacher et d’affronter la mort. Renoncer à cette certitude pour découvrir qu’il y avait un après c’était difficile. Les mots de Silas, surtout, avaient été difficiles et douloureux, pour lui, mais plus encore pour elle. Et au final, c’était ça qui, dans la confrontation avec son ami, l’avait fait le plus souffrir. La douleur de celle qu’il aimait. Toujours plus importante que sa propre souffrance. Après tout, Silas était un con, mais un con qui finirait par comprendre pourquoi. Peut-être même savait-il déjà. Et sinon, et bien tant pis. La sœur de Silas serait une bonne mère et ni lui ni son frère ne viendrait prendre son rôle si jamais elle venait à rejoindre le jumeau du troisième gardien.

Il la prit par la main et l’amena dans une autre pièce, quittant ce cabinet de travail pour aller vers un cabinet plus privé. Encore des tablettes et des parchemins, mais ces derniers étaient, pour la plus part, d’une autre nature. C’était là où il passait, de trop rare fois, du temps pour lui. Et ça, il le savait, que l’intendance lui avait fait monté un repas. Il ne le mangeait pas toujours, mais il était bien traité par ceux qui devaient s’occuper de ces détails, et il leur rendait bien. Devant eux, quelque chose de simple : assiette de fruits, de légumes et de fromages. Pain et viande froide. L’idéal pour un repas rapide et bref, qui ne souffrirait pas s’il était pris dans le coeur sombre de la nuit ou au petit matin. Le pope invita son épouse à prendre place en face de lui. Si cet endroit été chargé, il n’en était pas moins ordonné. Il passa doucement sa main sur la joue de Nimue, avant de s’installer en face d’elle.

« - Tu vas mieux ? »

Il était inquiet pour elle, comme toujours, plus que pour lui-même. C’était ça, après tout, le prix de l’amour. La faire passer avant lui même.

Si seulement ces moments pouvaient être plus nombreux. Si seulement le vieux lion pouvait poser sa couronne plus souvent. Mais celui qui la porte renonce bien trop à lui-même pour ça, il ne s’appartient plus vraiment. Il appartient à tous les autres biens plus qu’à lui-même. Mais à défaut de toujours s’appartenir à lui-même, il était et serait toujours un peu plus à elle qu’aux autres. Il lui jeta un regard entendu quand Nimue commença à parler de ce qu’elle était venue apporter. Il était content de la voir rire, de la voir elle aussi, s’éloigner des tourments qui lui dévoraient l’âme. Sa place à elle était ici et plus que jamais, elle était légitime. Légitime d’être membre de l’ordre, légitime dans l’armure qu’elle porte et le devoir qu’elle accomplie. Qu’importent les secrets et les mensonges.

« - Oh, il faudrait venir me garder de plus près… et plus souvent ! »

Ne put-il s’empêcher de lui glisser discrètement alors qu’il se déplaçait vers un endroit plus tranquille pour continuer de discuter. Il passa avec tendresse ensuite sa main sur la joue quand elle parla à coeur ouvert de ce qu’elle pouvait ressentir. Elle pourrait sentir la sincère compassion et la douleur partager par Childéric à travers ce lien si particulier qu’il partageait. Il baissa ensuite les yeux. Lui aussi s’était attendu à beaucoup de choses de la part de Silas mais pas tout ça. Pas autant de cruauté, qu’elle soit volontaire ou non… Les deux hommes s’étaient quittés en plutôt mauvais terme et il ne savait pas vraiment quoi penser de la suite. Leur amitié ne serait plus jamais la même, c’était certain. Il caressa un instant l’idée d’un pieux mensonge pour soulager un peu son aimée. Mais, après un silence, il se contenterait de la vérité.

« - Fatigué, principalement. Mais je dirais que… malgré tout ça va mieux. Soulagé de ce fardeau, de ne plus avoir à nous cacher. De ne plus avoir à ruser pour voler du temps ensemble. Maintenant, nous pouvons profiter plus simplement l’un de l’autre. Mais... »

Il poussa un profond soupir et prit une profonde inspiration :

« - J’ai beaucoup à faire, à gérer. Si bien que je m’oublie un peu parfois. Qu’il me manque un peu de vie, de moi. Mais je t’ai toi, alors je ne me perds jamais tout à fait. »

Même s’il était plus seul que jamais. Sans même parler de Silas, il était plus difficile que jamais pour lui de profiter de ceux avec qui il avait tissé des liens. Ryme lui en voulait encore et il devait simplement attendre que sa colère se calme. Au final, il avait aussi Kilian, qui était maintenant et contrairement à toute attente, ce qui se rapprochait le plus d’un ami pour lui, et c’était le demi-frère de sa femme… Encore une affaire de famille. Il regarda le repas qui se trouvait entre eux. Puis ses yeux sur Nimue… Le vieux lion savourait vraiment ce moment de la revoir libérée de ce poison qui avait manqué de la tuer et libéré de ce mensonge qui avait manqué de la faire disparaître. Alors, le repas pouvait attendre. Il se leva alors, effaçant la distance qui les séparait, pris délicatement le visage de son épouse entre ses mains et se perdit dans un baiser annonciateur d’un programme plutôt sportif !

L’avantage maintenant, c’est qu’il n’avait plus trop besoin de voler ces moments. Les deux amants avaient le luxe de les prendre. Et c’est ce qu’ils firent là. Le vieux lion aurait aimé que ces instants soient plus longs, plus nombreux peut-être. Mais maintenant, au moins, le poids des mensonges ne pesaient plus sur les épaules à chaque fois qu’ils venaient à se voir… du moins, ce mensonge-là. Combien d’autres encore avaient-ils du semer ? Trop. Mais c’était pour une bonne cause. La meilleure de toutes après tout… Childéric se tourna vers Nimue quand elle lui demanda qu’il l’amèna avec elle ? Il la regarda surpris, l’incompréhension visible sur le visage. Mais elle savait où elle voulait aller et il n’avait qu’à attendre qu’elle demande. Il comprit ensuite quand elle verbalisa sa demande. Mais avant… Il se fendit d’un rire rugissement à en faire trembler les murs.

« - Nous pouvons toujours retourner au septième ciel…. »

Il déposa ensuite un baiser long et fougueux sur les lèvres de son épouse. Puis, il se recula, lui saisit les mains et lui souris. Les yeux du vieux lion changèrent alors en un instant. Ils prirent cette forme verticale et fendue propre aux fauves. Pourtant, si elle avait pu être la tristesse témoin des accès de férocité et de bestialité de ses yeux, ici, ils incarnent une forme bien différente de ce que pouvait être le vieux lion. Une étrange forme d’harmonie et de calme entre lui et ses démons intérieurs. Une sérénité étrange qui ferait vibrer le lien délicatement, comme les cordes d’un instrument délicat avec lequel on joue une mélodie bien trop complexe. Une vibration qui pourrait se traduire dans le clin d’oeil qu’il lui adressa.

« - Il va falloir commencer par le début. Et détaché l’âme de ton corps. C’est drôle que tu me demandes ça maintenant, j’ai commencé à former deux petites du Sanctuaire disposant de cette capacité. »

Et cet entraînement n’avait pas été si facile que ça…

« - Tu as une meilleure maîtrise du comsos et un meilleur caractère, alors ça devrait sûrement être plus facile ! »

Dit-il en parant dans un nouveau de ses rires signatures.

« - Essaie de visualiser ton âme et son coeur, de voir les limites de ton toi profond, de voir ce que tu ressens en regardant à l’intérieur. Il n’y a pas de réponse universelle, je ne peux pas juste te prendre la main et nous voilà en route. C’est un exercice introspectif et personnel au final. Alors, qu’est-ce que tu vois ? »

Un nouveau rire d’exploser de la bouche du vieux lion.

« - Oui, non. Pas à ce point. Tu sais bien que tu es imbattable à ce petit jeu, et aussi que c’est pour ça que je t’aime. »

Dit-il un sourire complice sur ses lèvres. Leur amour était puissant, sincère et durable, mais ils avaient eu l’un et l’autre trop peu de ces moments on ne peut plus nécessaire. Maintenant, qu’est-ce qui les empêchaient d’en avoir plus ? Plus grand-chose. Il la laissa ensuite à sa concertation, l’exercice n’était pas facile et demandait beaucoup de travail sûr soit. Surtout que son épouse partait ici de zéro, contrairement à ces deux élèves qui elles, savaient déjà à peu près utiliser ce don si particulier. Il lui adressa un regard malicieux, il n’attendait que ça, qu’elle le morde, mais il se perdit dans sa concentration, à raison. Il resta immobile et silencieux pendant les minutes qui lui étaient nécessaires, profitant de l’instant pour s’abandonner à une forme légère de méditation. Il ouvrit ses perceptions quand l’aura de Nimue vibra mais il n’était pas si facile de se séparer son corps.

« - C’est vrai que je suis plutôt fascinant comme mec ! »

Dit-il riant de nouveau. Il se leva alors, fit quelque pas pour aller s’assoie derrière son épouse. Sa tête sous son menton, ses bras autour d’elle. Il cala sa respiration sur la sienne, doucement mais sûrement, il était de son devoir de lui montrer le chemin. Alors, après leur souffle, c’est leur aura qu’il fit vibrer ensemble, comme une seule ou presque. Le lien servant de vecteur à cette union profond et simple à la fois. Il ne dit rien, mais elle comprendrait sûrement qu’elle avait maintenant toutes les cartes en main pour s’aventurer vers un nouveau voyage. Tout ici n’était question que de lâcher prise. Il est toujours plus facile de le dire que de le faire, surtout quand on a tant à penser, tant de problèmes à gérer et à supporter, de souffrance à endurer. Mais c’était là un moyen de s’évader, de faire la paix avec soit même.

« - À toi de trouver le chemin, maintenant, trouve comment rentrer en contact avec toi-même, comment lâcher la bride de ton âme. Chacun a son propre truc. Argus navigue, peut-être que ça pourrait t’aider, capitaine ? »

Il est facile de se noyer dans ses propres démons. De se perdre dans ses propres craintes. Le vieux lion, quand il a décidé d’emprunter le chemin du rêveur, a dû faire face à ce genre de tourments. Aiguisé plus encore sûrement, par ses remords et ses regrets, ses désirs et ses rêves enfouis. Amplifié plus encore par cette tempête d’émotion violente qu’était la bête et ce qu’elle pouvait lui faire… lui faire faire. Il était parfois difficile de discerner qui était réel de ce qui ne l’est pas. Non pas que marcher dans le cosmos profond fasse naître des illusions mais il côtoie l’essence même des pouvoirs du dieu Hypnos et de ses fils. Fantasmes, cauchemar, ambition et désillusion… un chemin dangereux. Si proche l’un de l’autre il pouvait sentir le chaos dans le coeur de son épouse, pas seulement par leurs liens mais aussi simplement par cette proximité physique apaisante. Combien de fois avait-il caressé lui-même cette idée ?

Celle de se rendre auprès de leur fils et de le voir, simplement de poser les yeux sur lui… Mais il n’avait pas cédé. C’était peut-être ça, son épreuve permanente ? La tentation à laquelle il devait résister ? C’était surtout le sacrifice qu’il avait fait et, il n’était pas certain de pouvoir le continuer s’il venait à poser les yeux sur celui qui, au final, comptait plus que tout pour lui. Il comprenait alors pourquoi elle devait faire ça. Son coeur se serra quand il contempla le reflet de l’enfant dans les yeux de la douzième gardienne et son étreinte se fit plus forte alors. Il lui sourit quand elle dit avoir froid et continua de la serrer contre lui. Il devrait parler avec elle de choses importantes, dangereuse, mais il ne voulait pas que cet instant se termine… pas tout de suite. Il resta là alors en silence, profitant de la chaleur. Il finit après un temps qui sembla à la fois long et infiniment trop bref, par briser ce silence :

« - Tu as… voyagé un peu. Tu as quitté ton corps, bien que je ne sois pas certain que tu sois parfaitement parvenu à te déplacer. Mais… je dois te mettre en garder. Ce royaume dans lequel nous marchons n’est pas le nôtre. Nous ne faisons qu’emprunter ce pouvoir. »

Et viendra le jour où il faudra le rendre ou du moins, où il faudra rendre des comptes. Il avait tenté de mettre ses élèves en garde contre cette menace, bien réel bien qu’invisible. Mais il n’était pas certain que ces deux jeunes filles ont pleinement pris conscience de cette réalité. Il ne pouvait pas vraiment leur en vouloir, lui-même, à son âge, il n’aurait pas écouté non plus. Et il savait aussi que son aimé avait une appétence particulière pour le danger et les risques… c’est une des raisons qui faisait qu’elle était si chère à son coeur.

« - C’est pour ça que je n’y suis jamais allé. Je ne veux pas prendre le risque. Après tout, nous marchons sur les terres du dieu des rêves et il ne nous aime pas beaucoup. Pour le reste... »

Un sourire...

« - Je ne sais pas si tu y étais vraiment ou si c’est simplement ce que tu voulais voir. La réponse t’appartient, mon petit poisson. »

Avec autant de tendresse que de délicatesse, les mains de Childéric vinrent doucement caresser les cheveux de Nimue, toute blottie contre lui. L’expérience avait été assez déplaisante pour la jeune et il pouvait comprendre, comment aurait-il réagi, lui s’il avait ainsi dû faire face à leur enfant qu’il n’avait pas vu depuis… trop longtemps. Mais c’était un sacrifice nécessaire. Un choix qui lui coûtait énormément chaque jour. Il s’était volontairement séparé d’un des êtres qui lui était le plus cher au monde et avait choisi d’enrober tout ça d’un tissu de mensonges et de faux-semblant. Une autre nécessité, derrière laquelle il se cachait, parfois. Mais une nécessité qui allait sûrement lui coûter son amitié avec Silas… Si ce dernier ne voulait pas comprendre ou plutôt, s’il continuait de refuser de comprendre.

Chaque pouvoir demande quelque chose, une vérité qui avait manqué de lui coûter la vie. Peut-être que son épouse était maintenant un peu plus raisonnable. Rien qu’un petit peu, ça serait déjà un bon début. La suite par contre le percuta comme un coup-de-poing directement dans l’estomac. À vrai dire, il ne s’était pas vraiment posé la question. Il était fort probable que leur fils, issu de deux éveillés hors normes qu’ils étaient, aurait un grand potentiel. Mais un potentiel qui ne devait rester que ça. Et à vrai dire, plus que ça même, sa femme fit naître en lui une question qu’il ne s’était jamais posée sur la nature même de ce lien avec le monde, de cette capacité à voyager. Tout le monde pouvait-il l’apprendre ou au contraire, naît-on avec ?

Il se perdit d’ailleurs dans ses pensées quelques instants, sans vraiment savoir dire exactement combien. Écoutant néanmoins d’une oreille distraite, il se fendit d’un bruyant rire quand elle parla de leurs bons côtés qu’avait pu récupérer leur fils par l’intermédiaire de leur sang. Et bon sang ne saurait mentir.

« - Pour être honnête avec toi, je n’en sais foutrement rien. Enfin, s’il a pris un peu de nous deux, la sœur de Silas doit en voir des vertes et des pas murs. J’étais… plutôt terrible à son âge. »

Un nouveau rire vient ponctuer cette déclaration. Même si c’est contrairement à son fils, lui, avait commencé mine de rien la longue préparation qui ferait de lui un chevalier d’or et le vieux lion n’avait eu qu’à attendre une ou deux années de plus pour gagner ses premières cicatrices.

« - Enfin, pour reprendre, je ne sais pas si ce lien avec le monde profond que j’entretiens par exemple est inné ou s’il s’apprend. En tout cas… s’il le possède et le fait de cette façon je doute que ça soit simplement la nuit, dans son sommeil. Nous appelons sa Rêve mais nous n’avançons pas exactement dans le monde des songes. Disons que la comparaison s’arrête à la dissociation de l’esprit, ce qui tombe néanmoins sous le domaine du jumeau d’argent. Et s’il avait des absences répétées je pense que d’une façon ou d’autre, nous l’aurions su par Silas. Il faudra par contre faire attention à tout ça oui… »

L’idée de voir son fils vagabondé, sans formation, dans les sphères d’influence d’une divinité qui étaient leur pire ennemi n’était clairement pas pour le rassurer. Peut-être devrait-il en toucher deux mots à Athéna ? Mais il ne voulait pas trop que l’oeil de la déesse se porte sur son fils. Même si elle avait déjà les yeux rivés sur lui, il en était certain… pour le meilleur comme pour le pire. Mais il savait qu’elle respecterait le sacrifice que les deux amants avaient consenti. Deux âmes valent mieux qu’une, après tout.

Le vieux lion de lever les yeux au soleil. Un sourire amusé sur le visage.

« - Au moins, un de nous deux s’est agit avec l’âge… enfin je crois ! »

Et Childéric de partir dans l’un des rires dont il avait le secret. Malgré la douleur de la distance, il voulait que ce moment soit un bon moment entre eux. Le sacrifice de sa paternité lui pesait beaucoup, plus qu’il ne voulait bien l’admettre aux autres et à lui-même. La certitude d’avoir fait la bonne chose l’aidait à supporter tout ça mais le pourrait-il toujours ? Il savait aussi, surtout, le poids que ça avait sur le coeur de son épouse. Elle avait fait contre mauvaise fortune bon coeur pendant longtemps, aux portes de la mort. Mais maintenant, elle avait la vie devant elle, ou du moins, dans la mesure de ce que le service des divinités pouvait offrir. Mais la jeune femme avait raison. Si ce pouvoir était inné, il était fort probable que leurs fils en soit doté, d’une façon ou d’une autre.

Cette réalité était un problème et il aurait aimé en parler à la déesse mais il ne voulait pas amener ce sujet avec elle sur le tapis. Bien qu’elle ait accepté de l’aider, il n’oubliait pas à qui il avait affaire. Sûrement qu’Athéna le savait déjà mais moins il ramenait ce problème à sa mémoire mieux ils pourraient se porter tous les trois. Il suivit le fil du raisonnement de son épouse et malheureusement, elle avait raison. Se présenter directement devant la sœur de Silas et les enfants reviendrait à jeter aux orties les sacrifices passés. Pas question d’impliquer le troisième gardien plus que de raison dans cette histoire. Outre pour les raisons qui avaient poussé les deux hommes à se disputer, il y avait aussi le risque que représentait un chevalier d’or s’intéressant à un possible jeune éveillé. Le Rêve pouvait, paradoxalement, être à la fois leur solution et leur problème. Le vieux lion était trop visible pour cacher sa présence, mais peut-être que son épouse, elle, pourrait parvenir à se genre de miracle.

Childéric plongea son regard dans le sien, levant les deux sourcils quasiment jusqu’à son front quand Nimue lui signifia qu’elle ne prendrait pas de risque inconsidéré. Elle vivait pour ce genre de risque. Et seule sa santé l’avait sûrement amené à être si raisonnable. À moins que ça ne soit la sagesse des ans. Mais toujours est-il qu’elle en avait elle aussi, pleinement conscience et l’un comme l’autre savait à quoi s’attendre. Alors le Pope explosa de nouveau de son rire bruyant. Après tout, rien ne pouvait être pire ce qu’ils avaient déjà fait tous les deux.

« - Je pense qu'il faudra que nous trouvions un moyen de nous débrouiller tout seul. Je dois pouvoir glisser quelques mots à certaines personnes dans la capitale sans trop éveiller l'attention, mais c'est risqué et j'aimerais pouvoir faire autrement. Notre problème sera sûrement notre solution, je pense. »

Et rapidement, le vieux lion chassa ses pensées sinistres, se prêtant au jeu sous-entendu par son épouse, avec un plaisir non dissimulé :

« - Oh, tu sais, je suis toujours partant pour ce genre d’exercice. La méditation tout ça, c’est très important, surtout quand on cherche à progresser et tout ça ! Mais il ne faut pas négliger l'exercice physique, c'est très important. »

Il avait pris un ton faussement docte pour répondre à la proposition de son épouse et les vêtements ne resteraient probablement pas en place très longtemps dans cette affaire.