Le Jardin aux feuilles rouges

Domaine du Cardinal de la Mort

Au-delà des galeries et autres domaines du Dédale offrant aux visiteurs une impression oppressante, se trouve un jardin pour le moins atypique. Ce dernier s’ouvre sur une côte rocailleuse coiffée de plusieurs tours d’ivoire rappelant les anciens quartiers résidentiels de la grotte des crânes. Ici se tiennent les soldats de la légion des cendres, aménageant leurs « chambres » suivant leur bon vouloir. Pour étranges ces monuments puissent-ils apparaître, faisant parfois penser à de colossaux stalagmites de pierre, il n’en ressort plus ces innombrables ossements humains qui participaient au lugubre du sanctuaire de la Mort. Pour autant, peut-on vraiment dire que cette atmosphère ait vraiment disparu ? Traîne dans l’air de cette ambiance pesante, mais dans le même temps ambiguë. Une angoisse stimulante, s’il fallait caractériser les émotions contradictoires pouvant traverser quiconque poserait le pied dans ce lieu. Et ce sentiment paradoxal, de se renforcer au regard d’un lac d’où s’échappe une brume qui donne à la lumière naturelle une teinte plus orangée, de quoi participer à l’ambiance lugubrement merveilleuse du paysage.

Aux abords du lac, des embarcations attendent d’éventuels passagers, couramment surveillés par plusieurs gardes. Pour autant, il n’est pas rare de voir se dessiner ci et là des scènes de vie banales ; que ce soit des entraînements militaires, des fêtes ou simplement des espaces de balade prêtant à d’innombrables activités. Ceux qui prendraient le parti de s’aventurer sur les eaux verraient passer de longues minutes avant d’arriver en vue d’un arbre capturant de façon implacable le regard. Que ce soit par sa taille lui donnant l’aspect d’un trésor d’antiquité, ou les feuilles d’un carmin chatoyant dessinant là encore une paradoxale vitalité, à l’instar d’un cœur battant là-même où réside le Cardinal de la Mort. Arrivé dans cette petite île au centre du lac, un escalier se tiendra devant le tronc présentant une porte sculptée de plusieurs ornements autant raffinés qu’insondables dans les symboles qu’ils recèlent. Deux statues féminines gardent l’entrée. L’une d’ébène et l’autre d’ivoire, comme deux faces d’une même pièce.

L’intérieur de l’écorce ouvre sur une vaste bibliothèque continuellement enrichie de nombreux ouvrages et autres pièces artistiques retirés des expéditions militaires à travers le monde. Un refuge à l’héritage des vaincus, dont la mémoire demeure sur les étagères des vainqueurs. En outre, les Berserkers trouvent là un sanctuaire libre d’accès permettant à chacun de s’enrichir des connaissances de ce monde. Plusieurs précepteurs ont été formés et guident les moins éclairés sur le chemin du savoir. Un credo élémentaire parmi ces sages : « il faut connaître le monde pour se connaître soi ».

Cette bibliothèque passée, une autre porte – cette fois uniquement accessible aux officiers – permet d’accéder aux quartiers privés du Cardinal de la Mort. Une salle se tenant littéralement dans le « cœur » de l’arbre et dont les parois écarlates sont parcourues de veines luminescentes, suffisantes à éclairer les lieux. Le sol quant à lui est terreux et supporte sur son dos plusieurs troncs de plusieurs mètres de haut, de quoi faire penser à des cabanes naturelles. Certaines peuvent être parcourues. D’autres non. Et circulent entre elles des murmures d’outre-tombes, presque inaudibles.