Le vent s'était levé. Apportant avec lui la grêle et la pluie, deux éléments qu'il détestait mais qu'il se devait de subir tant la région était propice à ce genre de catastrophe. Depuis que quelques-uns de ses dons s'étaient révélés, le colosse devait admettre que quelque chose avait changé en lui. Les éléments ne le gênaient plus comme par le passé. Mieux, il maîtrisait désormais quelques techniques directement liées à la glace. Une bonne chose selon certains. Mais qui ne pouvait que déranger parfois Haldor, pour qui cela était assimilée à de la magie. Et il détestait la magie. Fort heureusement, sa lame était toujours là pour lui rappeler qui il était vraiment. Cela lui suffisait.
Alors qu'il sortait enfin de l'une des forêts bordant le village natal de son père adoptif, il perçut au loin l'ombre de son île. Cette île où il avait passé tant de temps à s'entraîner, nuit et jour, afin de perfectionner ses talents de guerriers. Edwald s'était donné du mal pour lui enseigner ce qu'il s'avait aujourd'hui. Un étrange sourire s'étira sur ses lèvres alors que quelques réminiscences du passé lui revenaient en mémoire. Il était heureux. Cette période n'avait pas été de tout repos, certes, mais ses problèmes d'hier lui paraissaient dérisoires face à ceux d'aujourd'hui.
Réajustant sa capuche afin de ne pas laisser trop de prise au vent, des murmures attirèrent son attention. Là, à quelques mètres de lui, quelques badauds semblaient eux aussi redescendre vers le village ne contrebas, les panières sur le dos chargés de bois. Pas étonnant avec ce froid, même si la période était plus propice aux accalmies. Reconnaissant certains des visages, il s'approcha d'eux. L'un d'eux, un homme fortement charpenté, houspillait le plus jeune, le traitant de gros paresseux. Cela le fit glousser, attirant par la même l'attention sur lui.
- J'peux savoir c'qui te fait rire, étranger ? C'est de moi que tu te moques ? J'te préviens, je ne suis pas d'humeur. Passe ton chemin.
Oui, certaines choses ne changeaient pas. Il était bon de revenir à la maison. Poussant un bref soupir, il abaissa sa capuche, dévoilant son visage et laissant apparaître dans son dos son propre chargement : sa lame massive. La surprise se peignit immédiatement sur le visage du rustre avant que l'ébauche d'un sourire prenne le relais.
- Eh bah ça alors !!! Le p'tit Haldor qui revient au bercail !
Les deux hommes s'empoignèrent brièvement, tandis que les autres les observaient avec une crainte respectueuse. L'homme en question n'était pas n'importe qui, évidemment. Ami de la famille, il avait été soldat sous les ordres de Edwald. Autant dire qu'ils se connaissaient parfaitement.
- C'est bon de te revoir, Karl. J'vois que t'es toujours aussi tendre avec les jeunes ? File-moi ça, gamin, sinon demain on y est encore.
Il attrapa le sac emplit de bois et le déposa presque sans effort sur son épaule, tenant la sangle comme il tiendrait un simple sac à dos.
- Tsss ! Des mollusques que cette nouvelle génération. M'enfin ! Rentrons, ils nous attendent au village. Ton père sait que tu déboules ?
- Nan. J'étais en mission depuis quelques temps et j'ai pas eu l'temps d'aller l'voir depuis mon retour. J'resterais pas cinquante ans. Quelques jours tout au plus. Mais ça f'ra plaisir au vieil ours.
Ainsi prirent-ils la direction de leur demeure. Partageant quelques souvenirs et riant du temps qui passait. Alors que les maisons apparaissaient enfin, Haldor s'aperçut qu'aux portes d'une des entrées du village se tenaient des hommes en armes. Epées sur le côté, vigilants. Les sentinelles les saluèrent rapidement. Intrigué, il tourna son visage vers Karl. Celui-ci, haussant les épaules, prit sur lui de lui expliquer.
- Y'a quelques jours, nous avons essuyé une attaque en règle d'une tribu de nomades. Des guerriers itinérants qui ont cru bon de venir piller nos récoltes. Bah ! On les a repoussé ces imbéciles. Mais voilà. Depuis, on préfère se montrer prudent. C'est qu'on les a encore aperçu hier, à rôder comme des voleurs près d'ici. Deux de nos chasseurs ne sont pas revenus de la forêt. A mon avis, ce sont eux les coupables. Pour ça qu'on sort en groupe. Et qu'on a armé nos gars.
Les infos en tête, il salua une dernière fois Karl avant de déposer le tas de bois près de la réserve puis prit le chemin le conduisant vers la demeure de ses parents. Il ne lui fallut guère qu'une poignée de minutes pour y parvenir. Cognant de ses grosses paluches la porte de sa demeure, il entendit son père grogner de l'intérieur tandis que la voix de sa mère tentait de l'apaiser. Lorsque la porte s'ouvrit sur le visage fermé de son père, Haldor éclata de rire. Une chaise à l'intérieur se renversa lorsque la seconde ombre, celle de sa mère, poussa Edwald pour se jeter dans les bras de son fils. La stupéfaction se changea alors en joie.
Ils se retrouvaient enfin après bien des mois sans nouvelles.