[Chapitre 1 Acte II] Groupe 07

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Groupe 7

Esther
Adalrik

L'air introverti, la Tarentule se trouvait sur le départ. Ayant retrouvé Maiwenn à l'endroit de sûreté indiqué avant de se rendre dans la gueule du loup, elles quittaient ensemble cette terre de cauchemars ; déterminées à disparaître d'affres ne les concernant en rien. Une fuite dans ce qu'elle avait de plus rationnel à la considération de leur condition respective. Pour l'une, un fauve démuni de ses crocs. Pour l'autre, une faible marionnette arrachée à son humanité. De telles batailles n'invitaient rien, sinon l'esprit de sacrifice qu'elles ne connaissaient pas.

Malgré tout, des mots affectaient sa détermination, la rongeant à mesure qu'elles se tenaient en sécurité ; éloignées du fracas des armes et du dégueulis du sang sur le sol ancestral de Jamir. Ces mots étaient ceux de Nimue, ceux-là même qui expliquaient l'entretien de son existence maudite. Pour l'éternité, elle devait subir l'écriture que l'on lui avait imposé depuis sa rencontre avec sa Mère. Une certitude effilochée par la réflexion de la Sirène, qui mettait en lumière sa passivité dans ce cheminement inéluctable que si on la suit docilement. Ne lui donnait-elle pas raison, juste à l'instant ? Mais que pouvait-elle bien y faire ? Ouvrir les yeux sur l'espoir... Cela n'avait aucun sens. Tout au plus, de naïves paroles qui avaient cessé de l'affecter depuis des temps immémoriaux.

L'expression sombre, ses pensées ne se confondaient pas avec ces sentiments. Dans l'interstice de sa conscience, persuadée de son tort, mais empêchée par sa lâcheté ayant fait son chemin durant son parcours. Sur le court terme, l'Araignée ne serait pas embêtée, mais sur le long ? Un vacillement dans son regard morne, s'écarquillant un bref instant et recouvrant une étincelle de vitalité. Impuissante au combat devant des entités qui la dépassaient à l'instar d'insectes vis-à-vis de la lune... mais cette vue n'était qu'un mensonge dressée par les Grands les plus malveillants pour tenir en laisse la vermine s'agitant à leurs pieds. Ses précédents compagnons lui avaient prouvé – avec la plus grande éloquence –, le pouvoir de décision des petits pour briser le fil de la Destinée. Encore fallait-il pour cela répondre de courage.

Les yeux rivés sur ses mains, Esther visualisait les dangers la guettant, et les outils à sa portée pour désamorcer lesdites menaces. Son essence – création d'Athéna – attendrait avant de trouver plus de réponse. Mais il lui avait été révélé l'objet de ces combats désespérés entre tous les dieux ; ni plus ni moins que l'acquisition d'amphores. Mais qu'étaient-elles réellement pour ainsi nourrir de telles envies ? La Tarentule devait ouvrir les yeux sur cela. Ouvrir les yeux pour comprendre, et seulement ainsi, il lui serait possible de pousser son chant du cygne au visage des dieux plutôt que de se condamner plus longtemps à la plus cruelle des fins.

S'adressant à sa protégée, Esther lui donnait ses instructions. Ceux-ci devaient surprendre cette dernière, mais qui n'irait pas pour y contrevenir, à l'opposé de ce qu'aurait fait ses prédécesseurs. Mais Maiwenn était différente de tous les autres, ayant préservé une partie de son âme, encore singulière à la conscience de la Tarentule. L'espace d'un instant, se lisait de l'enthousiasme, vite réprimé par son sens du devoir. Ainsi couvrait-elle le corps de sa maîtresse d'une couverture, dissimulée auprès des bagages. Un risque pris, mais qui relevait la déviation entreprise dans son cheminement de penser.

À la vitesse d'une pensée, le cosmos d'Esther s'était retrouvé projeté dans l'enceinte de Jamir. Si son but ne tenait que de l'observation – d'abord dissimulée sous les artifices de l'Arcane –, l'assaut s'y passant ne manquerait pas de la désorienter, la mettant sur le chemin d'une personne qu'elle ne s'attendait pas à retrouver si tôt. Soudain, son esprit chancelait sous l'instigation d'un appel familier au commencement de sa destinée maudite. L'appel d'Arès, levant son propre artifice et la découvrant aux yeux de l'Augure, qui ne manquait pas de confirmer la confiance construite au sein de la Citadelle Alamut. Car en effet, qui aurait imaginé cet homme tourner le dos à un Berserker en d'autres circonstances ? Cependant, Arès brisait de sa colère tous les liens que pouvaient avoir façonné les siens, les appelant à leur vraie nature, à leur rôle primordial de Destruction. Qu'elle résiste de toutes ses forces, sa raison se voyait rongée peu à peu par une soif de sang née de son union avec Arachné. Son cosmos ne faisait pas mentir cet état d'esprit ; plus agité... plus instable. Bien en deçà de sa maîtrise ordinaire.

-Disparais...

Répétait-elle, inlassablement, semblant s'adresser à elle-même. Son visage traduisait une sombre douleur, signe d'une lutte des plus âpres en son for intérieur. Un appel qui ne s'adressait qu'à elle même, ou plutôt à ceux qui impulsaient sa rage destructrice. Que ce soit celui qui menaçait à présent son libre arbitre, ou celle qui en avait joué depuis des décennies... La Tarentule désirait s'en libérer. Quand bien même, sa fraîche détermination ne la ferait pas quitter si facilement des lieux, avide de réponses. Levant ses prunelles d'émeraude vers l'Augure, un murmure afflictif avant de céder devant une émotion étrangère à son âme.

-Va-t-en...

Citation :

Le vrai corps se trouve sur le départ, à l'opposé de l'arrivée des troupes de Mu, dissimulé sur une charrette tenue par Maiwenn.

Un hurlement comprime sa raison et étouffe sa conscience. Que ses prunelles d'émeraude dansent dans ses orbites – dévorées par la rage –, la Tarentule presse puissamment son crâne. En proie à une lutte interne entre sa détermination profonde et la voie sanguinaire sur laquelle son dieu la jette, les traits sur son visage disent l'évidence de sa défaite à venir. Le temps file et avec lui, son humanité ; rappelée à sa nature bestiale. Mais alors que ses dernières résistances allaient céder, une voix la tire un instant de ses affects afflictifs. Ces mots ne sont pas neutres. Ces mots ne disent pas ce qu'elle est, mais ce qu'elle pourrait être... Ces mots la dessinent et l'invitent, plutôt que la rejeter et l'effacer. Une autre voie apparaît à côté de celle maculée de sang, plus abstraite ; pavée des émotions antagonistes que sont la peur et la curiosité. Cette voie est une sombre inconnue. Elle l'aborde, prétend l'accepter, mais une brume l'enrobe. Une brume de laquelle n'importe quel danger peut jaillir. Les lèvres tremblotantes, les sons peinent à s'en échapper.

-Je n'y vois rien... Un voile m'aveugle... Je dois le déchirer...

Les dents serrées, sa mâchoire se met à grincer. Son sentiment se règle en une explosion de rage pure. Elle attend d'exploser. Qu'approche le point culminant, les yeux de la Tarentule s'écarquillent brusquement, plantés dans ceux de l'Augure. De sa gorge, un ordre, scandé en un cri déchiré.

-HORS DE MA VUE !

Emportée par la fureur la plus crue, elle viendrait meurtrir intrinsèquement sa cible. Immobile, une hallucination allait emporter l'Augure, violemment frappé du dard d'une araignée monstrueuse dans son dos. Et pourtant, à l'exact moment où Esther cédait à son instinct bestial, sa raison retrouvait prise, aidée par l'effet d'un exutoire. Ses prunelles ne voyaient non plus son vis-à-vis pour sa représentation, mais son être.

Que ses genoux tombent au sol, les mots d'Adalrik font l'objet d'une seconde lecture, accompagnés d'images mentales encore fraîches. Ces mots la sortent du grand Dessein et la rappellent à son essence primordiale, ainsi qu'à son libre arbitre. Le temps des crises est celui des opportunités et des opportunités dépendent les choix. Sa présence dans cette tour résultait de l'un d'entre eux, auquel s'opposait son interlocuteur.

-J'ai besoin de savoir... et les réponses se trouvent en haut de cette tour. Je ne peux pas partir, car si je le fais... rien ne changera jamais.

Marquant un bref silence, Esther songeait d'où lui venait ces mots ; de la sirène maléfique. Elle lui avait fait saisir une vérité : que de l'ignorance, son sort ne lui reviendrait jamais. Condamnée à endurer une Destinée étrangère à sa volonté. Quand bien même, la réalité de la situation compromettait son action ; le prolongement du silence mettait en exergue cette idée. D'évidence que la volonté d'Arès la rattraperait. Une pensée qui n'allait pas sans l'effrayer et obscurcir sa réflexion.

Soudain, qu'une étincelle jaillisse du fond de ses pupilles en les relevant vers Adalrik. Il restait bien une solution, une unique qu'elle n'aurait jamais abordé en de telles circonstances. Car celle-ci comprenait une attitude aux antipodes de son vécu. Une attitude risquée, celle de la confiance. D'un côté, tout pouvait être sauvé. De l'autre, l'ensemble de ses espoirs pouvaient être condamnés. Dans les deux cas, il s'agissait de remettre son devenir entre les mains d'un étranger. Mais étranger, l'était-il vraiment ? L'esprit de la petite fille balançait entre les marques de trahison envers les Berserkers – qu'incarnaient le mieux les Ombres – et ce qu'elle avait perçu de l'homme au cours de leur brève entrevue avec les frères jumeaux. Le discours de l'Augure participait à ce trouble, la confinant vers une issue que rejetait sa raison, mais qu'invitait son sentiment. Aussi devait-elle éprouver du scepticisme mêlé à un désir subtile recouvrant les traits abstraits du relâchement.

-Je vais partir... Je ne serai pas un obstacle sur ta route... Mais alors, tu dois me faire une promesse. Jure sur ton dieu que tu me donneras ce que je suis venu ici chercher... des réponses.

Son pouls retourne à son battement ordinaire. Sa respiration ralentit. Subrepticement, son calme revient. Pas même l'armure disant sa filiation à la Destruction n'était apparue, faisant mentir sa nature primordiale. En face de l'Augure se tenait non pas le Centurion de la Tarentule, mais un être en quête de sens ; une anomalie – s'il en est – de la Citadelle de chair où ne pouvait subsister que le plus cru instinct. D'avoir bien été aiguillée sur cette voie, mais l'Araignée venait de vivre une expérience interdite aux Berserkers : celle de la liberté. Cependant, un tel trésor risquait de se montrer éphémère sans sa confirmation par son présent dépositaire ; l'Augure d'Apollon. Fragile, elle ne tenait qu'à des mots, quand des décennies de violences physiques et psychiques avaient échoué à la briser. Et le cheminement de ces mots n'allaient pas manquer de défigurer l'espoir de la Tarentule, marquée d'une stupeur d'où ne pouvait succéder qu'un insupportable sentiment de trahison.

-Menteur... Traître... Comment oses tu...

Des murmures à peine audibles se dégagent de ses lèvres. Effarée, elle se rend incapable de la moindre réaction, quand bien même la lumière vient avaler son enveloppe cosmique, sitôt renforcée d'une tempête localisée au cœur duquel s'illumine sa silhouette. Sous cette forme, la douleur ne l'atteint pas. Les affres physiques ne faisaient que s'entrechoquer avec l'énergie l'animant, se consumant à leur mesure. Même autrement, la blessure de son âme à la suite des paroles de cet homme supplantait toutes les autres. Si supérieur soit cet Oracle, il venait de faire une terrible erreur, comme le montrait l'apparition de l'armure de guerre sur le corps frêle de la petite fille. De toute évidence, les choses revenaient à leur place.

-Que cela prenne un instant ou une éternité, nous consumerons les sombres hypocrites de ton espèce... C'est ma promesse.

Une menace dont il ne fallait pas sous-estimer la portée ; accompagnée d'une rancune éternelle. Que son cosmos prenne de l'ampleur, l'Araignée était sur le point d'entrer dans la mêlée. Mais soudain, s'immobiliser à la vue de son adversaire. De perceptible en lui, un changement. Plus que ça, une lutte contre lui-même. Des traits de la Tarentule se dissipe brusquement sa rage, touchée d'une empathie viscérale. Cet homme faisait l'expérience de leur malédiction, inspirée de la folie d'Arès. Il était ramené à ses plus bas instincts, et s'il ne fallait pas douter de la vérité tapie derrière ses pensées les plus inavouées, la résurgence de son être conscient n'était pas négligeable. Ils disaient sa volonté intrinsèque, et dans cette dernière, Esther s'y voyait.

Un temps silencieuse, la jeune Berserker l'observait lutter de toutes ses forces contre une entité éminemment supérieure à lui. Selon toute vraisemblance, le dieu de la guerre mettait à l'épreuve sa vision. Et de cette épreuve, un grand bien pouvait en ressortir. S'approchant lentement de lui, elle ne le laisserait pas gâcher cette chance. Arrivée à quelques mètres de lui, sa silhouette finit par léviter pour approcher son visage du sien. Une approche accompagnée de paroles aux airs de reproches ; sévère.

-Alors quoi... Après tous tes beaux discours... et ton rêve démesuré... Tu serais impuissant à te dominer toi-même ? Et c'est pour ça que les miens meurent ? Pour un songe si friable ? Cette faiblesse est d'autant plus grotesque qu'elle se permet de nous mépriser... Es tu vraiment si pathétique ?

Son propos était impitoyable. Pourtant, ce n'était pas là une bête condamnation. Son attitude disait une attente. De ces mots, il devait en sortir quelque chose. Du moins, elle l'espérait, son expression allant pour s'adoucir à cette pensée. Une seconde de plus, et ses mains saisissaient délicatement celles de son interlocuteur, pour les enlever de sa tête. De ses prunelles d'émeraude se dégageaient une subtile mélancolie.

-Tu prétends que le monde peut changer. Mon dieu met à l'épreuve ta vision. Si tu le laisses l'emporter, tout est fini.

Difficilement, Adalrik retrouvait sa contenance. Exposé au tranchant de ses fouets, la confiance de l'Augure était notable ; quoique souillée de la démence d'Arès. À tous les instants, elle pouvait le surprendre dans une embuscade prompte à lui infliger un maximum de dommages. Mais cela se vérifiait aussi de l'autre côté, au point de l'interroger. Pourquoi diable agissait-elle ainsi ? Ce trouble serait éphémère, sortie de ce doute par la tendresse de l'Oracle à son adresse. Une fois de plus, un sentiment étrange brouillait sa raison, lui faisant perdre de vue les potentielles conséquences. Il ne restait que l'impression de jouer à un jeu dangereux, mais les règles tardaient à réguler son action. Il n'était de toute plus question de rebrousser chemin, soutenant le regard d'ambre de son interlocuteur.

Selon toute apparence, il avait recouvré ses esprits. Les mots employés à ce dessein s'étaient fait incisifs. S'ils habillaient ses pensées véritables, un fond de vérité avait fait leur force, et peut-être leur portée. Ils disaient sa réserve vis-à-vis de cette vision, étrangère à son expérience entière. Un échec à cet instant aurait simplifié le déroulé des événements, mais ce n'est pas ainsi que cela devait se passer. Adalrik pouvait penser qu'Apollon servait sa voie, mais le libre arbitre de la Tarentule lui appartenait ; cette fois plus que jamais. Qu'il ait triomphé de la folie d'Arès démontrait avec plus d'éloquence la capacité des hommes à se détacher de la volonté des dieux pour tracer leur voie propre.

Tandis qu'il s'éloignait, sa nouvelle position donnait vue sur une ouverture de la tour, témoignant du chaos prospérant alentours. Cette échelle supérieure conditionnant le présent conflit inspirait à la Tarentule la pensée de ce que lui avait dit Thanatos sur sa nature. Durant cet instant, les acteurs de ce carnage se focalisaient sur leur présent, depuis lequel se jouait leur survie. De sa position, Esther pouvait se payer le luxe de songer à l'avenir, moins exposée que tout un chacun à l’ire de la Mort ; au regard de sa qualité, un privilège inespéré. Sur cette place, ils étaient deux individus les nerfs à vifs, départis de tous les masques ; des égaux. S'exprimant, l'Augure intercédait en sa faveur, acceptant la requête de l'Araignée. Cependant, rien ne permettait de s'assurer sa bonne foi, privée de la moindre garantie. À la fin, cela ne dépendrait que de la valeur prêtée à sa parole, ce qui ne mettait pas l'enfant à son aise. Mais cette méfiance était somme toute relative.

-Tu m'as montré la force de ta volonté et je m'en remets à elle. Nous nous reverrons donc, en des circonstances que j'espère plus favorables.

Manifestement, la Tarentule voulait croire au Rêve que portait en lui l'Augure. En effet, l'idée de changement lui était appréciable, car cela supposait la destruction de son cadre de vie, des plus cauchemardesques. Aider un tel rêveur lui permettrait probablement de trouver une place dans son songe, dans la potentialité de son accomplissement. Néanmoins, le bat blessait en un point. Une faiblesse terrible à cette vision, qui se retrouvait toute entière dans l'expression d'Esther alors qu'elle lui adressait une dernière requête.

-Surtout, ne meurs pas.

Car sa mort ne manquerait pas d'emporter sa vision, et l'espoir qu'Esther plaçait dans cette dernière. La seconde d'après, elle devait disparaître des perceptions de l'Augure, retournée auprès des siens sur le champ de bataille.

Citation :

Esther quitte les lieux et laisse avancer Adalrik.

"Victoire" d'Adalrik.

Esther rejoint l'armée d'Arès.

Le gagnant récupère une Amphore et quitte la Tour de Jamir.