[Début avril]Après la tempête, le début des amitiés dangereuses [PV Childéric]

Ryme avança. Puis déchanta. Son pied frôla le sol et laissa la poussière se dissiper dans le vent.

Elle était enfin arrivée.

Ce jour marquait la reprise de son service. De son vrai rôle. Brièvement, ses orbes de Jade observèrent avec sévérité les deux gus qui servaient de garde à son ancien Maître. Ces derniers ne tiquèrent pas, ne bronchèrent même pas à l'apercevant. Quelque part, elle aurait préféré qu'on lui montre un peu de résistance : Ryme se serait trouvée un prétexte pour rebrousser chemin.

Hélas, ces petites mains du Sanctuaire étaient au moins aussi bien formatés qu'un Chevalier de son rang. Alors, un soupir s'envola. Une partie d'elle n'avait pas envie de dépasser le fronton du temple. Quelque part, c'était de la faute à son sang chaud, à son sens un peu tatillon de la justice. Les dernières révélations à son propos la laissaient encore sur les nerfs et un tel ressentiment lui donnait le sentiment que ses sourcils ne se défronceraient pas face à "lui". Et d'un autre côté, bouder dans son temple comme une vieille lionne mal-léchée ne la mènerait pas bien. Alors, l'ex-apprenti avait fait son choix : il fallait bien affronter ses démons pour continuer à trotter parmi les faux-culs.

"Childéric, je suis là. Il faut qu'on parle."

Pas de Grand Pope. Aucune marque de respect soutenu. Pas à celui qui les avait trahi. Ryme n'avait pas encore accordé son pardon. Le son de ses bottes marqua son approche sinon son constat.

"On n'a pas terminé notre dernière rencontre sur une bonne note, mais il va bien falloir que je supporte de venir ici. Que je mette un peu ma rancœur de côté..." A ces mots, ce fut le silence qui trahit le poids de son regard. S'il le voulait, et s'il en avait les tripes, Chidléric pourrait lui demander son opinion sur le lien presque paternel qu'ils avaient partagé. Car il le savait probablement déjà : ce n'était pas Ryme qui se souciait de remettre sur table les litiges et les mauvaises émotions. Ce n'était pas elle qui se prononçait ouvertement à ce sujet. La Sainte elle-même ne connaissait pas la décision qu'elle avait pris. Plus que jamais, elel ne savait que penser en cet instant où l'atmosphère semblait être à la fois si pesante et si limpide. Limpide, parce qu'il y a encore quelque chose d rationnelle sur lequel se raccrocher. "J'ai d'autres informations à discuter avec toi."

Des choses, des propositions, et pas des moindres. Les bras croisés, son masque voilait les ressentiments et le doute qu'éprouvait Ryme. Quand d'autres souvenirs lui revinrent en mémoire, la jeune femme oublia la lourdeur des non-dits, la rancoeur d'une trahison, et puis toutefois ces barrières désagréables, peu propices à la parole, pour finalement dérouler le fond de sa pensée.

"J'ai vu Findabair, la princesse de Connaught, la dernière fois. Et puis...il y avait Mebd, aussi. On a un peu échangé."

Un peu. Voilà un doux euphémisme qui tira un micro-sourire sur ses propres lèvres. Hélas, son ironie fut de courte durée, car cette rencontre ne se prêtait pas à la légèreté. D'ailleurs, il suffisait de se remettre en situation et de sujets aux protagonistes de cette affaire pour se resituer dans cette délicate affaire. La Princesse et la Sorcière. La Reine, et puis Findabair. Son amie...ou plutôt, une amie avec qui il était dangereux d'être amie. Après tout, qui savait ce que le futur leur réservait ?

A cette pensée, un rictus s'envola. Qu'il était curieux qu'un si petit brin de femme bien doux puisse avoir un lien filiale avec une mégère des Enfers.

Peut-être qu’il était, ou qu’il avait été trop coulant avec Ryme ? Dans tous les cas, il savait que la lionne avait son petit caractère. On ne devient pas roi des bêtes sans ça et il lui passait certains errements. Celui-là en faisant parti. Il avait été occupé dans son temple, à superviser quelques déplacements de troupes et à planifier quelques opérations à transmettre à Astra et Théophilius quand la jeune femme fit son entrée spectaculaire.q Le vieux lion congédia alors rapidement son aide de camp et ce dernier se retira sans demander son reste avec les cartes et les ordres impériaux sur lesquels les deux hommes travaillaient. Les officiers de la garde prétorienne avaient un rôle important à jouer, un rôle que le Pope voulait voir devenir plus important pour la bonne tenue des conquêtes passées. À trop s’étendre, l’empire s’en était fragilisé et son devoir était justement d’empêcher ce géant au pied d’argile de s’effondrer.

Mais il se voilait un peu la face sur tout ça, il savait que sa disciple lui en voulait encore et il ne voulait pas remettre de l’huile sur le feu. Une chose qu’elle ne manqua pas de lui rappeler. Et sur le visage du Pope, fit un écho un sourire amère qu’elle pourrait voir car le vieux lion n’avait pas son masque d’acier froid sur le visage. Il congédia également le reste de la garde présent dans la pièce et les deux fauves se retrouvèrent rapidement seul à seul. Visiblement, la jeune femme avait des choses à dire au vieux lion et ce dernier était prêt à écouter. Quelque chose de sérieux, d’officiel, même, plus que de personnel. Il la laissa donc annoncer le pourquoi de sa venue et une expression de surprise se fit nette sur son visage. Findabair était un nom qu’il connaissait bien. C’était à elle que le onzième gardien avait parlé… La suite par contre le laissa quelque peu interdit. Échanger ? Avec Mebd ?

« - Bien. Et je suppose qu’il est ressorti de ces échanges quelque chose de suffisamment important pour que tu te présentes ainsi devant moi. Alors je t’écoute, Ryme du lion. »

Et de ce fait, il considérait la jeune femme devant lui avec le sérieux de son rang. Il mettait de côté leur différent personnel, bottant en touche pour se concentrer sur le caractère officiel de leur conversation. Surtout qu’il s’agissait là d’une affaire concernant la voix d’Hadès, la véritable ennemie du Sanctuaire et celle qu’il fallait absolument combattre. Celle surtout qui avait l’habitude de semer le fiel et le venin comme elle respirait. Il était vraiment curieux de voir ce que Ryme et elle avaient pu se dire..

Les réprimandes n'auront jamais lieu. Cette exception étonna la jeune femme qui, malgré son ire et malgré la tempête qui tambourinait avec d'autant plus de force en son for intérieur, ne vacilla pas. Quel intérêt, après tout, de montrer ses crocs quand son Maître ne répondait que timidement à son appel ? Un silence, plus lourd qu'autrefois, s'impose entre elle et le trône, entre elle et les colonnes du Temple. Plus que leur dispute, Ryme reconnaissait l'étrangeté de son être. Elle reconnaissait également le mystère et la faiblesse sanguine de son alter ego, plus influencée par ses propres émotions que n'importe quel autre procédé au Sanctuaire. Cette même pensée fit instantanément courir son sang.

Heureusement, sa lionne était aux abonnés-absents : il était encore trop tôt pour se lancer dans un rapport de force. Le Sanctuaire essuiera d'autres combats et d'autres tensions à l'avenir.

Voilà donc le rôle que, tout bas et dans un soupir certain, la Chevalier d'Or devait rapporter dans le Temple du Grand Pope...

"En effet.", affirma-t-elle sans aucune forme de détour. "A Camelot, j'ai eu l'occasion de me lier d'amitié avec la jeune princesse. En vérité, je n'ai pas tout de suite compris qui elle était, ni quel lien elle entretenait vis-à-vis du Royaume de Connaught. Ce n'est qu'au bal que j'ai su la vérité, on ne parlait pas beaucoup de nos allégeances au départ, et...ça nous allait. Je crois qu'elle s'attendait à ce que je lui en veuille mais en toute honnêteté...Bah, je m'en fous en fait. Ce n'est pas comme si elle m'avait trahi en quoi que ce soit."

De toute évidence, Findabair en aurait été incapable. Leur conversation s'était tissée autour de leur quotidien, d'une banalité aussi attendrissante qu'effarante, car la martialité avait laissé place à une certaine forme de naturel qui lui allait parfaitement. La jeune femme avait toujours eu un goût prononcé pour la simplicité. Une simplicité qui, pour autant, avait été étouffé sitôt que Mebd avait décidé de briser leur duo.

Alors, comment l'expliquer ?
Les doigts de la jeune femme tapotèrent son masque. Son autre main tenait son coude, dans l'espoir de trouver les bons mots pour son récit à venir.

"Et puis, la Reine Mebd est arrivée. Je crois qu'elle n'a pas beaucoup apprécié me voir en compagnie de sa fille, dans un premier temps. Il faut dire qu'on ne partage pas vraiment les mêmes idées de la Chevalerie." C'était le cas de le dire. Toutefois, Ryme n'aurait su dire si ses propos avaient apaisé la Sorcière, ou s'il avait attisé ses courroux d'une manière autrement plus sournoise qu'un simple accord. "Elle voulait néanmoins que je transmette un message. J'ignore sa portée, mais je crois qu'elle désire mener une entente, ou au moins une trêve avec le Sanctuaire...Sans omettre la possibilité que l'on dise "non", ce qui, entre nous, est tout à fait logique."

A ces mots, elle recomposa sa posture, prête à révéler d'autres événements plus curieux encore que les dernières révélations.

"Bref, le Roisin Dubh veut instaurer des rapports diplomatiques avec nous. Et, si j'ai bien compris son raisonnement, Mebd a été inspirée par mon amitié avec Findabair." Cette annonce lui déroba un sourire aux lèvres. Ce n'était pas une excuse, ni une bêtise de jeune garnement pour avoir fréquenter la progéniture de leur voisine ennemie, la mégère avec ses caniches. Mais en prononçant ses mots, Ryme eut la sensation que c'eut été tout comme, et ne put retenir un air un peu confus, palpable jusque sous son masque. "Elle a émis une condition si ambassade, il y a."

Ses paroles s'arrêtèrent en plein vol, et ne poursuivirent pas davantage la condition qui lui avait été proposé. Consciente du poids de cette proposition, la Sainte sondait les réactions de son Maître de ses propres yeux de Jade, curieux et attentifs à la fois.

Le vieux lion n’avait pas l’envie de porter la dispute plus loin. Il était las. Après les événements récents, il tournait comme un fauve en cage et aurait aimé avoir le luxe de pouvoir s’oublier comme il en avait l’habitude avant. De partir loin et d’avoir un impact plus direct sur le Rêve de la déesse. Oh, il en était la clef de voûte, pour le moment du moins, mais il était un homme de terrain et cette réalité lui manquait vraiment. D’avoir le luxe de se perdre dans sa colère et de la laisser sortir pour aiguiser ses crocs. Il avait gagné en maîtrise et savait maintenant, un peu mieux, contrôler cette partie bestiale de lui-même mais il pouvait la sentir remuer à chacun instant, comme une mauvaise douleur à l’estomac qui ne se fait jamais vraiment oublié. Alors il fit ce qu’il avait à faire et porta sur sa tête la couronne. Childéric écouta donc la jeune lionne.

Findabair… Voilà un nom qui revenait de nouveau. Il écouta avec attention le récit de Ryme, racontant comme elle s’était liée d’amitié avec une jeune femme qui s’est avéré être la fille de Mebd. Il y avait quelque chose de cocasse, une sorte d’humour amère du destin, que celle qu’il considérait lui, comme sa fille, se soit lié d’amitié avec la fille de celle qui, sûrement, devait être la pire ennemie du Sanctuaire et des siens. Les Moires ont vraiment un goût particulier pour la tapisserie. Camelot avait cet effet, bien des gens s’étaient rencontré sans leurs couleurs, sans leurs armures et ainsi, avaient pu oublier leur inimitié l’espace d’un instant ou du moins, ne pas les voir prendre le dessus. On ne peu haire un homme qu’on ne connaît pas, par contre, on peut détester l’armure qu’il porte. La preuve en est, que dans une autre vie, lui et la voix d’Arès auraient sûrement été de bons amis. Il pouvait donc comprendre Ryme.

Il lui adressa alors un signe de tête, lui signifiant qu’il voyait où elle venait en venir et même qu’il partageait son avis. Le problème, de cette Findabair et bien, c’était sa mère et peut être un peu Kilian. Mais ce problème avait trouvé des solutions plus… inattendu que jamais. Et après la fille, voilà que c’est la mère qui s’est présenté à Ryme… Donc, elle savait pour les deux femmes, et elle avait sûrement d’ici là, trouver un moyen de savoir pour ce que Kilian lui avait confié. Un soupir quitta les lèvres du vieux et l’espace d’un instant, il sentit l’énorme poids sur ses épaules. Mais il se reprit rapidement. Après tout, il avait là une carte à jouer et des plans à décidé. Et il se mit à réfléchir…

« - Aucune chance qu’elle cherche réellement la paix. Tout au plus, gagner du temps. Mais Mebd est la prêtresse d’Hadès, nos ennemis héréditaires. Si nous pouvons nous entendre avec les autres divinités, en fonction des époques, avec Hadès… impossible. Alors, il y forcément anguille sous roche. Et donc, quelles sont les conditions de cette ambassade ? »

Et c’est sûrement là que se tenait le piège. Chilidéric avait une petite idée de la teneur de ce dernier. Mebd avait rapidement pu se faire une idée du caractère franc de Ryme. La sorcière n’aurait pas de mal à comprendre qu’il était impossible de la concevoir comme diplomate et le vieux lion s’attendait bien à ce que la condition posé par la Sorcière soit que ça soit la jeune lionne qui soit cette ambassadrice… Qu’Athéna ait pitié d’eux, tant de Mebd que de lui. La sorcière n’avait pas idée dans quoi elle avait mis les pieds, ni à qui elle avait affaire et l’espace d’un instant, le vieux lion eut presque pitié d’elle, presque !

Son honnêteté lui porterait-elle préjudice ? Ryme était inquiète. Dans cette salle d'autorité, entre le blanc profond et intimidant du marbre, entre les yeux vitreux des gardes ainsi que ceux de son maître, rien ne lui permettait de dissimuler cette appréhension qui grandissait à force d'être oppressée par les détails, avec une extrême légèreté. Sans nier les probabilités insensées qui s'étaient jouées d'elle à Camelot, la jeune femme était une proie facile : son cerveau cogitait trop et elle peinait à faire la part des choses. Il était clair que la Reine des Roisin Dubh et la tête du Sanctuaire ne porteraient pas le même intérêt vis-à-vis de son improbable amitié avec Findabair. Lorsque ses orbes de jade rencontrèrent ceux de Childéric, ce ne fut que pour sonder à quoi son maître songeait. Il n'était pas dupe. Elle non plus. La proposition de Mebd était bien loin d'être un acte de générosité, de partage et de sympathie. Ses prochaines paroles scèlleraient pour de bon cette même idée.

"Eh bien...Les conditions. Une, avant tout. Concernant l'ambassade, elle a mis un point d'honneur à ce que l'accord se fasse à condition que l'ambassadrice soit...moi." Suite à quoi, Ryme eut la sensation de devoir se justifier. "Je lui ai dit qu'on ne partageait pas les mêmes valeurs, mais elle était convaincue de son choix."

Sûrement trop, pour quelqu'un qui avait pris le temps d'échanger quelques mots avec la Sainte. Pourtant, Ryme voulait faire court pour cette discussion : alors elle prit le temps de contempler le sol, de jouer très discrètement avec le bout de ses doigts...

"Elle veut baser cette ambassade sur l'amitié que sa fille et moi-même partageons. Elle ne dupera personne à ce sujet..."

Pas même elle. Le mensonge -ou était-ce une demi vérité ?- était trop gros pour l'ignorer sans laisser son esprit critique vagabonder pour émettre des hypothèses plus ficelées qu'à l'état de ressources. A l'état naturel.

"Quant à Findabair...Elle était trop terrifiée pour répondre."

Childéric ne connaissait probablement pas son visage, et n'aurait su mettre un coup de pinceau sur la timidité et la douceur étouffée de la jeune femme. Ryme ne tenta pas de le convaincre à ce sujet : elle entendait le point de vue de son maître et tentait de composer avec sa rationalité. Toutefois, la jeune femme poursuivit ses explications : Mebd n'avait pas été avare en consignes.

"Enfin, si jamais je venais à être l'ambassadrice, Grand-mère a bien précisé que cette information devait circuler dans toutes les factions, et qu'il était de son devoir de garder un peu de crédibilité en assurant ma sécurité."

Ryme ne put réprimer la terrible sensation qui s'emparait de sa gorge et qui rendait ses idées confuses. Elle n'était pas certaine d'avoir compris la justification donnée par la Reine, et voyait là davantage un moyen d'attenter à sa vie indirectement. Nul doute qu'une telle annonce éveillerait les malices des forces opposées. Dans un murmure, le plus important résonna dans la pièce, dans un silence implacable.

"Et dans tout ça, je ne suis pas certaine que notre chère Athéna accepterait ce genre d'entente."

Interdite, Ryme croisa des bras, dissimula son soupir sous un masque aussi froid que son esprit demeurait évasif. Athéna était certes une déesse controversée mais surtout, elle portait en elle des idéaux bien plus tranchés. Au moins autant que le tranchant d'une épée de justice...

Le vieux lion avait vu juste. La Sorcière avait demandé à Ryme de venir et d’être justement, cette ambassadrice. Il n’y avait pas loin à voir pour comprendre la machination derrière, du moins, la première couche. La jeune lionne n’avait certainement pas la diplomatie et le savoir vivre dans le sang, Childéric avait bataillé dur avec elle parfois. Mais on ne change jamais la nature profonde, aussi vrai qu’il était soldat, elle, elle était une enfant du peuple. Rarement le peuple avait l’occasion de s’inviter dans les grandes cours. La franchise des gens normaux n’allait jamais avec les mensonges et les couronnes. Il regrettait le temps où il faisait parti de ces gens normaux, justement, loin de ce poids qui lui pesait de plus en plus considérablement sur les épaules. Ryme elle-même l’avait souligné à la reine et un petit rire échappa alors au vieux lion. Le but était de savoir et de comprendre pourquoi. L’idée première qui venait au vieux lion, c'était de provoquer un incident diplomatique, mais il devait y avoir autre chose. Le plan de Mebd ne pouvait être aussi… simple.

« - En effet. Elle veut quelque chose de toi, de nous. Elle est connue pour ses talents de corruptrice, qu’elle a déjà utilisés contre Silas, le poussant à se retourner et tuer un de nos frères d’armes... »

La bataille de Jamir avait eu son lot de mort et de problèmes. Le plan de la sorcière pouvait être de ce genre-là, amener la jeune lionne pour planter les graines du vice dans son esprit. Pour susurrer des mensonges à son oreille et la pousser dans une autre direction. Mais Childéric avait confiance en sa disciple. Même si elle était troublée en ce moment, même si elle lui en voulait beaucoup. Une moue passa rapidement sur le visage du vieux lion. Si cette princesse était à l’image de ce que tous lui disaient, oui, il se doutait qu’elle n’était pas du genre à répondre à sa mère. Et il avait de la peine pour elle. Il en demanderait plus à Aoife quand elle sera dans de meilleures dispositions.

« - Oui. Elle prépare quelque chose, c’est certains. Mais je pense qu’en effet, elle ne tentera rien de directement, il en va de sa crédibilité politique. Peut-être même que c’est ça, le fond de son plan : se racheter une virginité politique. Sa réputation en a pris un sacré coup, dernièrement. »

Pour le reste, les choses étaient complexes… Mebd était la prêtresse d’Hadès. L’ennemie jurée de la déesse mais cette occasion était trop belle pour être laissée passée. Pas pour la diplomatie, non. Mais poser un pion dans l’entre dans la bête, c’était là l’occasion d’en apprendre beaucoup sur le fonctionnement du Rosin Dubd et surtout, de comment la sorcière aller tenter traverser la tempête dans laquelle elle se trouvait. Après tout, deux des membres de son organisation avaient disparu. Il ne pouvait en parler à Ryme pour le moment, encore des mensonges. Mais c’était pour la protéger elle et les secrets qui entouraient tout ça.

« - Non, il n’y aura pas d’accord diplomatique possible je pense entre Mebd et ce qu’elle représente et nous. Mais tu vas pouvoir nous ramener ce qui nous sera bien plus utile : des informations. Pourtant, c’est une mission dangereuse. Très dangereuse. Alors la question à se poser c’est : veux-tu y aller ? Si tu ne veux pas, il n’y aura pas d’ambassade. Sinon, tu pourras partir. Mais la seule condition c’est que tu ne partes pas seule. J’ai déjà en tête la personne parfaite pour t’accompagner si tu désires partir. »

Mais le sujet ici était sensible, après tout, la dernière personne qui était partie en mission avec elle n’était pas revenue.

"Eh bien...Heureusement ou malheureusement pour Mebd, je ne suis pas Silas..."

Le mensonge était à leur porte, et ce mensonge portait le nom de Mebd. Tout comme elle, le Grand Pope ne savait que penser de cette proposition qui les laissaient pantois pendant quelques minutes. Qu'aspirait-elle à accomplir en exigeant la présence de Ryme sur le devant de la scène diplomatique de leur petit monde instable ? Que désirait-elle réveiller et distiller dans le cœur des acteurs politiques de l'Occident ?

Trop souvent, on oubliait qu'il n'y avait pas de poésie dans la politique. Alors pourquoi vouloir rajouter une rime au milieu de ce souk ambulant? Quant à leur réputation, cette mention étira un sourire particulièrement communicant de la part de la Sainte.

"De quoi ? Dernièrement, ou il y a déjà de cela deux ou trois ans voire plus d'une centaine d'années ? Je ne crois pas que les Enfers n'aient jamais eu le privilège de se targuer d'une belle réputation ahaha...." Un léger rire s'échappa de ses lèvres, avec toute la malice de la jeunesse. Ce trait de bonhomie, elle le partageait avec son âme soeur, Astra. Pourtant, la sagesse revint au galop, tout comme la réalité de sa place : était-il pertinent de faire preuve d'autant de légèreté au beau milieu du Temple du Pope? "C'est mal de se moquer. Pardon."

Désormais, il appartenait à Ryme d'accepter ou de refuser cette proposition. Elle en était l'invité. L'enjeu actuel de cette ambassade. Et si l'un attendait des informations, l'autre attendait une réponse. Le Roisin Dubh était encore un lieu si confus et un ordre inconnu. Excepter leurs crimes et leur goût pour la mise en scène, qui pouvait bien les qualifier autrement qu'en Masques Rouges, ou qu'en sombres druides ?

Un soupir s'échappa des lèvres de la Lionne. Il aurait été avisé de décliner. En particulier après la disparition de Tharros, dont le fardeau lui pesait encore sur le cœur, au moins autant qu'un prisonnier qui trace trop fortement sur son mur de multiples traits à la craie: un lot de journées et de confusion entremêlées à de simples bâtons symbolisant le délai de sa culpabilité.

D'un autre côté, c'était là une opportunité de faire peau neuve. De lécher ses plaies et de cicatriser. D'aller de l'avant, de trouver d'autres enjeux. Ryme n'appréciait pas l'idée de se faire accompagner. Son regard levé, d'un vert feuille profond, soutint celui du Pope avec une appréhension relative. Comme pour trouver du réconfort dans ses réflexions chaotiques, ses doigts jouèrent avec quelques unes de ses mèches couleur de feuille...

Qu'il était compliqué, de faire des choix.

"J'accepte. Je pense réellement que prendre des risques en vaille la peine, mais ça m'aurait pas gênée d'y aller seule.", finit-elle par soupirer, pour finalement reprendre avec plus de vie dans sa voix. "Mais qui ça ?"

Etait-ce un autre Bronze ? Devrait-elle faire attention à un énième lionceau trop téméraire ?

Un rire rugissement quitta les lèvres du vieux lion quand Ryme rentra dans le détail de la réputation des enfers. C’était à la fois on ne peut plus vrai et tellement éloigné de la vérité. Peut-être plus que toutes les autres factions, les implications des enfers dans les différents empires dormeurs avaient été mitigées. Teinté de gris et de sombre dessins, mais, à leur façon, ils avaient aussi réussi à faire grandir certains empire. La terrible menace de Perse qui pesait sur les épaules de l’empire en était la preuve. Le véritable danger viendrait de là, le reste n’était qu’une diversion, fioriture et temps gagner. Mais tout se jouait là-dessus, au temps gagné. Au chaos qui allait naître quand la pression allait être relâchée. Et la guerre sonnerait alors ses tambours.

« - Méfie toi quand même, Ryme. Mebd est reine du Connaught depuis des siècles. Bien qu’elle prenne parfois quelques décisions irréfléchies, elle n’en reste pas moins une habile calculatrice et elle a essuyé beaucoup de coup durs récemment. N’est jamais plus dangereux que celui qui n’a rien à perdre. »

Il laissa ensuite à sa disciple le temps de la réflexion, après tout, elle allait se jeter dans la gueule du loup et, si le lion ne le craint pas, il ne cherche pas sa propre perte pour autant. Cette décision devait venir d’elle et, c’est d’un sourire que Childéric accueillit sa réponse.

« - Je pense aussi que l’enjeu en vaut la chandelle. Je compte également sur toi pour rentrer rapidement si jamais tu venais à être en danger. Ta vie vaut bien plus que les quelques informations que tu pourrais ramener. Quant à la personne qui t’accompagnera, je pense qu’Argus de l’oiseau de paradis fera un très bon choix. Elle sera même capable peut être de calmer tes ardeurs. Et, si son entraînement porte ses fruits, elle devrait être capable de se projeter, comme je le fais, pour que nous pussions échanger en temps réel. »

Et puis, l’oiseau de paradis était un tout autre genre de personne que le précédent chevalier qui l’avait accompagné en mission. Childéric ne la voyait pas foncer tête baissé dans un danger au péril de sa vie et celle de ceux qui l’accompagnaient. Elle avait aussi prouvé qu’elle était capable d’accomplir ce genre de mission diplomatique délicate en accompagnant Mehry dans les déserts profond de Perse. Cette petite avait un réel potentiel, il fallait simplement qu’elle s’en rende compte et le vieux lion comptait sur la fougue de sa disciple pour peut-être aider la petite à prendre confiance en elle.

« - Je t’invite à discuter avec elle avant que vous ne partiez. Prends ton temps, d’ailleurs, la sorcière peut attendre. Est-ce qu’elle t’a donné un moyen de lui faire savoir que tu viens ou tu vas simplement y aller et… frapper à sa porte ? »

La scène cocasse germa dans l’esprit de Childéric. Ryme frappant à la porte de la sorcière, venant l’ouvrir et tombant sur la jeune femme avec ses affaires, un grand sourire sur les lèvres lui adressant un petit signe de la main pour la saluer, lui demandant quand est-ce qu’elle pourrait manger. Ce petit moment fit naître l’hilarité chez le Pope qui se fendit, encore, d’un tonitruant rire rugissement.

Malgré les brimades et son ton enjoué, malgré toutes ces petites choses vouées à la classer parmi les bons vivants, Ryme savait pertinemment que la guerre n'était pas un jeu. Par extension, la diplomatie n'était pas une pièce qui laissait ses acteurs jouer librement leur scène. Mentir. Revêtir des masques. Prêcher la fausse parole. Ces verbes-là ne lui étaient pas inconnus en tant qu'être humain, mais ils ne figuraient pas parmi ses mots favoris. Mebd saurait-elle la duper par ce biais? Peut-être. Mais rien n'était perdu d'avance ! Car s'il y avait bien une chose que Childéric lui avait enseigner, c'était qu'un Homme possédait et dissimulait au moins une faiblesse derrière son rôle d'héros. S'en rendait-il seulement compte ? La réponse de la jeune femme se fit cette fois-ci plus assurée.

"J'en suis bien consciente. Je ne serais pas en terrain conquis, c'est certain. Mais tu penses vraiment qu'une Reine n'a rien à perdre ?"

Si Childéric était prêt à sacrifier tout un Sanctuaire pour une bonne femme, alors qu'en était-il de cette Reine? Parfois, les instincts triomphaient drôlement sur les désirs de certaines personnes. Et quand Childéric lui annonça qu'elle ne serait pas seule sur cette mission, une étincelle anima de nouveau ses yeux, comme l'aurait fait un feu crépitant de vie face au silex qui l'eut tout juste allumé. Elle releva son menton, et patienta. "Quelqu'un" allait l'accompagner. Un petit oisillon encore peu sûr de lui, à peine sorti de son nid. Si les lèvres de la jeune femme ne s'entrouvrirent pas immédiatement, la réponse atteignit au moins le niveau d'un vieux lion pataud, pour qui la vie d'un lionceau n'avait de sens que pour sa lignée et s'annonçait déjà d'un ennui significatif pour sa prochaine sieste. Passée cette ingrate pensée, Ryme ne put s'empêcher d'appuyer sur le détail à l'origine de son trouble...

Son "entraînement presque terminé" et inconnu du bataillon.

"L'Oiseau du Paradis ?", lâcha-t-elle finalement en accentuant la dernière syllabe, comme pour relever l'absurde et le comique de sa situation.

Car attention. Ce n'était pas n'importe quel Saint qui l'accompagnerait. On ne parlait pas de Cerbère, ou du Corbeau. On parlait de l'Oiseau du Paradis. Le titre lui resta en tête et, bêtement, la jeune femme visualisa ses paupières cligner à plusieurs reprises, peu certaine de savoir ce qu'elle pouvait bien faire de cette information. Hélas, la description n'eut pas l'effet de faire tomber le sourire jaune de la Lionne. L'Oiseau du Paradis...N'était-ce pas là un état d'âme et de corps plus fragile encore que le Petit Lion ? Ses orbes de jade, pris de panique, cherchèrent une réponse dans le regard de Childéric. Voulait-elle l'achever en la mettant de paire avec elle pour une mission aussi périlleuse ? Quant à calmer ses ardeurs...

Un petit rire s'échappa de ses lèvres. Habituellement, Ryme n'accordait aucune importance au rang. En quoi cette petite créature échapperait-elle à la règle ?

"Bon bah, tant qu'elle meure pas dans mes pattes...Je suppose qu'elle doit avoir un caractère fort et de l'autorité naturelle pour pouvoir "calmer mes ardeurs"."

Un sourire malicieux et plein d'humour -quoiqu'avalé- résonna à travers son masque. Poursuivant l'esquisse d'une carte mentale, Ryme continua à fouiller dans ses mémoires. Maintenant que Childéric le lui avait annoncé, l'aller allait lui poser soucis. Il lui semblait bien que Mebd avait annoncé connaître ses terres, que cette dernière était résolument bien informée quant aux pauvres âmes qui avaient l'audace de s'aventurer en terres de Connaught. Toutefois, aucun moyen de traverser le territoire et de rejoindre le château n'avait été mis en avant durant leur face à face.

"Eh bien...J'irais toquer à la porte, j'imagine ? Elle ne m'a pas fait connaître l'existence d'une petite formule de politesse, ou d'un point de rendez-vous, ou encore d'un arc-en-ciel magique pour se rendre à bon port. Navré Grand Pope, ça risque d'être périlleux. Je suppose qu'elle dirige suffisamment son territoire pour s'en assurer ? "

Intérieurement, eut-il été davantage possible de grincer des dents ? Ryme s'imaginait déjà passer un sale quart d'heure dès le début de son périple. Pourtant, cette issue ne dépendrait pas que d'elle. L'Oiseau du Paradis aurait également son mot à dire à ce sujet...

"J'attendrais donc ton signal, une fois que tu l'auras informé. De toute façon, elle aura bien rapidement l'occasion de faire ma rencontre..." Et si Ryme savait qu'elle ne mordait pas, elle savait son caractère suffisamment trempé pour sortir la jeune Sainte de sa zone de confort. "Je suis surprise. D'avoir le temps pour cette mission, je veux dire. Y-aurait-il autre chose dont tu souhaiterais me faire part ?"

Là résidait sa question. Devrait-elle garder son temple, ou adressait-il une autre intention à son égard en cet instant présent ?

Childéric adressa un signe de tête entendu à Ryme. Il savait que la jeune femme, sous ses airs insouciant et provocateurs avait conscience de sa mission et du danger qui l’attendait. Elle allait devoir avancer littéralement dans la gueule du loup et jouer le jeu déjà très dangereux de la diplomatie dans un cadre qui rendait tout encore plus risqué. Si aucune lame ne trouvait le chemin de ses cotes, il existait encore bien des problèmes auxquels la jeune femme devrait faire face et des dangers qu’elle devrait éviter. Il était inquiet pour Ryme. Mais c’était son rôle de lui faire confiance, si elle se sentait capable d’affronter cette mission, alors ainsi soit-il. Il ne serait rassuré qu’en la voyant de retour cependant et il était parti pour finir par se faire des cheveux blancs avant l’heure. Toujours, on dit que le pouvoir conserve autant qu’il fait vieillir. Il comprenait mieux chaques jours ce que pouvait faire la couronne sur ceux qui avaient le malheur de devoir la revêtir.

« - Oh, si, elle a encore quelques petites choses à perdre. Mais elle est dos au mur, blessée. C’est là qu’elle sera la plus dangereuse. Cette demande a sûrement dû avoir lieux avant qu’elle ne perde certains de ses druides, mais le résultat reste le même. »

Il écouta ensuite la jeune lionne rebondir sur la personne qu’il avait choisit pour l’accompagner. Un sourire sur le visage. Il n’était pas certain de toute façon, qu’une forte tête soit la personne idéale pour calmer Ryme. Peu, après tout, avaient les moyens de leur politique avec la lionne. Lui, les avaient, mais ce n’était pas forcément la meilleure des choses à faire. Il savait qu’Argus de par son tempérament pourrait canaliser la fougue de la guerrière d’or et de l’autre, qu’elle pousserait la lionne à ses instincts de meute. Alors, quand elle eut terminé, il se fendit d’un rire de gorge puissant. Avant de reprendre :

« - L’opposé même. Mais tu verras, je suis sûr qu’elle va te plaire. Je pense qu’elle a les moyens d’aller plus loin qu’elle ne le croit, elle manque un peu de confiance en elle, mais elle a beaucoup de potentiel. Et puis elle a bien plus d’expérience que toi en diplomatie. Elle a déjà effectué une mission du genre en Perse. »

Il n’en dirait pas plus, les deux femmes devraient apprendre à se connaître après tout. Mais elle aurait rapidement à créer un lien pour pouvoir suffisamment compter l’une sur l’autre dans cette mission qui s’annonçait plus risque que les deux qu’elle avait pu mener de leurs côtés. Celle de Ryme avait conduit à la disparition du petit lion mais celle d’Argus c’était bien passé. Pour vu que personne ne disparaisse une fois de plus… Il écouta ensuite ce que la petite avait à lui dire sur les consignes que la Sorcière avait transmises.

« - Oui. Si tu rends dans son royaume, je pense qu’elle saura sans mal te trouver. Je vais faire savoir de mon côté que le Sanctuaire accepte donc officiellement cette demande d’ambassade. Et tu partiras quand tu seras prêtes. C'est ta mission, après tout.»

Un sourire de nouveau naître sur son visage quand elle reprit.

« - Le devoir du chevalier d’or n’est pas seulement de mener les conflits. Il agit aussi comme diplomate ou comme politicien. Ici, tu accomplis quelque chose d’important, même si ça n’en a pas l’air. Aucun chevalier n’est aller aussi loin dans le coeur du royaume de notre ennemi héréditaire. Alors apprends, Ryme. Apprends pour les guerres à venir. Car elles viendront de l’est à n’en point douter. Du nord également. Quand la mort et la guerre marcheront, nous devront être près et tu participes à ces préparations… Alors je ne pense pas qu’il y ait des choses plus importantes que cette opportunité à saisir. »

Il se tut alors…

« - Je suis désolé Ryme pour avoir dû te mentir... »

"Perdre ses druides ? C'est vrai que je ne suis peut-être pas la plus renseignée. J'ignore encore de quoi est véritablement composé son armée..."

Et puis, comment perdait-on un druide ? Qu'est-ce qu'un druide, selon Connaught? Etait-ce un chaman, comme Kaleb? Ou était-ce encore une alternative offerte par le Monde et ses complexités ? Si le silence s'imposa plus vite que la foudre de Zeus, l’on pouvait attribuer la faute à ses lèvres closes et son air pensif.

La vérité ?
Ryme se savait avancer à l'aveuglette.
Avec ou sans acolyte.

« Nous verrons bien. Je verrais ça de mes propres yeux, j’imagine…Mais soit, partons du principe qu’elle a réussi sa première mission. » Cette fois-ci, une forme de pudeur posséda la jeune femme. Incertaine ou peut-être bien perdue, sa légère suffisance s’effaça du tout au tout. Quand elle humidifia enfin ses lèvres, la Sainte développa les milles et unes idées qui menaçait son opinion et son raisonnement. « J’ignorais qu’on avait débuté une diplomatie en Perse. Peut-être a-t-elle plus de choses à partager que je ne le pense. »

Sans hésiter, d’un geste tendre car sans violence, Ryme releva sa main pour dégager ses mèches tombantes. La Sainte condamnait par avance sa propre appréhension, car elle savait que l’Oiseau du Paradis n’était pas le grand Obstacle de cette épopée ; c'était les conditions de Mebd qui étaient au cœur de leur future mésentente. Il suffirait probablement d’un coup de vent -ou de Destin !- pour faire chuter une ambassade aussi fragile.

« Que penses-tu de cette condition ? Du fait d’avoir à annoncer officiellement la demande d’ambassade ? »

L’instant suivant, ses mimiques cessèrent et pas à pas, bruit de botte sur bruit de botte, Ryme s’approcha, à enjambées aussi feutrées que celles d'un loup.

« J’ai toujours songé à mener la guerre à l’Est, et non vers les Enfers. En vérité, j’ignore ce que je vais trouver là-bas et j’imagine qu’il y a un piège. Il y en a toujours un, sinon…Orphée ne serait peut-être pas l’arnaque la plus légendaire aujourd’hui ? Et les Saints comme les Spectres ne seraient pas opposés depuis le commencement ? Mais je vais essayer de pas merder cette fois-ci. De rester plus calme. De frapper moins rapidement ? D’observer avant d’attaquer… »

Quant à savoir sa réelle utilité avec ou contre les forces souterraines, Ryme n’en avait aucune idée. Ne se prononçait pas non plus. Tout avait débuté par quelques paroles du quotidien, des échanges triviaux et d’une tendre banalité ayant eu le malheur d’engager des pions aux couleurs adverses. Mais jamais elle n’avait imaginé qu’entamer une conversation avec une demoiselle dans un parc lui aurait octroyé le rôle d’invité au Royaume des Enfers. Cette question posée, quelques doigts taquins vinrent jouer avec le bout de son masque et son menton. Childéric aussi, souhaitait briser la glace. Avec surprise, elle vit qu’il s’agissait des siens, distraits comme à son habitude…

« Le mal n’est pas encore fait. Personne n’est mort, je le sais. Je suis confuse, Childéric. Et probablement un peu blessée. » Si son nez pivota vers le sol, ce fut bien pour masquer un bref instant toute la déception qui lui prenait la gorge. Pourtant, cet état d'esprit ne l'empêcha nullement de faire face à son ancien Maître. « Je suis nulle pour exprimer mes ressentiments, mais…pour moi, c’était comme si tu étais prêt à nous envoyer à l’abattoir. Nous tous, et moi aussi et…Je ne me sens pas prête pour enterrer d’autres Saints en si peu de temps, ni à être trahie. Je me voyais déjà apprendre que Paros, Silas, voire même cette hautaine de Diane, avaient péri à cause de… "tout ça". »

Ou alors, à cause de "si peu". Les points de vue avaient le dernier mieux à ce sujet. Visualiser l’avenir ne menait à rien, mais la Sainte aimait se projeter loin devant le présent et se sentait bien externe de sa problématique.

« J’ai eu le sentiment que tu gardais le silence pour m’exclure, moi aussi. Je l’ai senti, mais je ne l’ai pas creusé devant toi. Alors j'ai préféré la réaction violente. Je ne suis peut-être pas une femme pleine de délicatesse, mais j’aurais préféré un peu plus de confiance de la part de mon propre maître. Oui, j’aurais préféré me faire une idée moins indirecte. »

Quant à connaître Nimuë...Elle n'en avait que les ouïes dires. Et il n'était pas aisé de débuter les présentations par un mensonge.

« - Et ça sera l’occasion d’en apprendre plus. Mais les deux personnes qu’elle a perdue à Camelot, dans l’esclandre qu’elle a fait pendant le sacre du roi dragon, c'étaient des druides. Ceux qui participent et mettent en place ces sombres rituels. »

Et à propos de tout ça, le vieux lion avait une informatrice de premier ordre. Bien qu’elle soit encore un peu… instable et blessé pour le moment. À terme, il espérait que le pari qu’il avait fait serait plus rentable qu’il ne l’était déjà. Pour le moment, le Sanctuaire n’avait que discrètement sapé les fondations de l’ordre sacré de la Sorcière. Mais voir jusqu’où irait les bénéfices qu’il pourrait engranger avec l’aide d’Aoife, si du moins, elle vivait jusqu’à ce moment. Après tout, il devait toujours l’amener voir le tueur de chien et cette rencontre pourrait fort mal se dérouler… Enfin, pour le moment, Ryme arriverait en Irlande dans un semblant de position de force, surtout si toute cette affaire resté secrète. Un rire ensuite d’exploser du fond de la gorge du vieux lion.

« - À vrai dire, il se trouve qu’en Perse, en plus des troupes du Sombre Monarque, se sont éveillé celle de Dionysos. Et c’est avec elle qu’Argus a pris contact. Elle en est revenue vivante et nous ne sommes pas en guerre avec eux, pour le moment. Ça ressemble à une réussite pour moi. »

Il passa ensuite sa main dans sa barbe et garda le silence un petit instant pour réfléchir à la question de sa disciple. A vrai dire, il s’agissait là d’un principe diplomatique assez basique.

« - Si tout le monde le sait, ça garantit deux choses. Que tu seras plus ou moins bien traité. Si elle veut garder sa crédibilité. Les ambassadeurs jouissent toujours d’une forme d’immunité. Si elle invite des gens, sous couvert de diplomatie, pour les attaquer, et bien, elle perdra toute crédibilité diplomatique et la confiance ses alliés sûrement. Après tout, eux aussi, elle doit les avoirs invités ? Et pour le reste et bien, elle fait savoir à tous qu’elle et nous, nous parlons. Ce qui peut avoir un marge assez large d’intérêt pour elle, mais pas forcément pour nous. »

Il adressa ensuite un petit sourire à Ryme.

« - J’ai pleinement confiance en toi. Nous ne pourrons nous entendre avec les serviteurs du Sombre Monarque. Tout ce qu’ils désirent c’est que le monde ne soit qu’à l’image des enfers. Pour le reste… et bien Orphée est toujours parmi nous. Il s’est présenté au Sanctuaire il y a quelques semaines tu sais... »

Et il laissa mourir ses mots, repensant au long entretient qu’il avait eu avec le chevalier d’argent mythologique. Il prit une profonde inspiration quand elle commença à répondre à ses excuses. Il se préparait à une nouvelle tempête. Mais elle ne vient pas vraiment. Il adressa un signe de tête à sa petite quand elle lui expliqua être incapable d’expliquer ce qu’elle ressentait. Elle n’était pas la seule dans ce cas. Il est toujours plus facile de parler avec ses crocs qu’avec des mots. Il relâcha enfin sa respiration, baissant un peu la tête.

« - Mentir… c’est le sacerdoce du Pope. Je suis le gardien de bien des secrets et d’autant plus de mensonge. C’est mon rôle de les porter pour vous. Et crois moi, je déteste ça, viscéralement. Mais quelqu’un doit le faire, pour les autres. Quelqu’un doit se salir les mains pour que celles des autres restent relativement propres. Je suis la voix d’Athéna et les dieux ne parlent pas la même langue que nous. »

Et ce n’était pas un rôle qui lui plaisait, mais c’était son devoir. C’était ce qu’il devait faire pour les siens et il le ferait jusqu’au bout, jusqu’à sa mort ou la fin du monde.

Mebd ne se trouvait donc pas en position de force. S'il est une information à retenir, Ryme se doutait bien que la perte de deux druides avait eu un impact sur l'état d'esprit de la Reine de Connaught. Néanmoins, l'Irlande se montrait au moins aussi grouillante d'activités que la Perse, et chacun d'entre eux savaient que Dionysos et Hadès n'étaient pas de ces dieux à prendre à la légère. Aussi, l'esquisse encourageante de son animal-cosmos reprit sa place, à ses pieds.

"Dionysos se serait réveillé? C'est bizarre...", songea-t-elle en baissant les yeux au sol, sans pour autant trouver les bons mots. La Sainte ne connaissait pas les antécédents du dieu du Vin avec le Sanctuaire. Mise à part quelques mythes, il lui manquait encore quelques connaissances en la matière. "Quant à Mebd, c'est aussi l'impression que j'ai. Mais quelle marge ? C'est cette énigme-là qui ne me parle pas..."

Et Ryme s'attendait au pire. Aux petits coups bas, aux fourberies et autres tromperies dont seuls les Enfers ont la réponse. Dans un silence, rien n'advint. Il sait, au-delà des contradictions, que s'aventurer dans le Royaume souterrain entraînait son lot de conséquences. Orphée était revenu, mais à quel prix ? Les Chevaliers eux-mêmes n'étaient pas tendres dans les récits le concernant. En croisant le regard de son ancien Maître, elle songea que cette initiative était aussi valable aux serviteurs d'Athéna. Childéric n'était pas très expansif, et ses paroles le confirmaient déjà également. Il parlait beaucoup mais tournait autour du pot sans jamais comprendre la source du problème. La Lionne d'Or ne comprit pas véritablement le sens de ses propos, aussi fronça-t-elle des sourcils. Un soupir s'échappa de ses lèvres quand elle présenta ce qui lui pesait sur le cœur.

"Ce n'est pas le mensonge du Pope que je te reproche. C'est le mensonge d'un homme qui pense agir dans le cadre de son titre qui me gêne. Ton devoir, ton absence de choix...tout ça c'est un prétexte. Mais un prétexte validé par Athéna et j'ai presque l'impression que tu te complais là-dedans d'une façon drôlement malsaine. Tu serais pas assis actuellement et tu ne serais pas Pope, je t'aurais tapé. Fort. Très fort. Sans offense mais tu le mérites. "

A ses côtés, le museau de sa lionne se releva vers Childéric. Ce que l'on imaginait comme étant un nez mouillé retint probablement toute son attention. La créature lui adressa des yeux ronds, blancs et curieux, tandis qu'un soupir brise finalement ses premières hypothèses, non sans se masser l'arrière de son crâne pour calmer la chaleur étouffante de son aveu.

"Je fais une bien belle péronnelle grincheuse, tiens. Ce n'est pas dans mon habitude de faire la morale aux gens et de prendre des grands airs, mais...Voilà. Je me suis entraînée pour gagner cette armure. J'aurais apprécié ne pas le faire dans l'ignorance, et de ne pas en subir les contrecoups occasionnellement. Maintenant, j'aimerais bien profiter de mon nouveau titre. Au moins autant qu'en allant chez la Vierge, par exemple. Et hum...Je ferais de mon mieux pour cette fichue ambassade, mais je me sens bien peu entraînée dans ce domaine."

Voilà. Tout était dit. Et quand les choses n'allaient pas, Ryme avait envie de bousculer son environnement. Cela la défoulait, suffisamment pour passer à autre chose. Après tout, Nimuë était encore une autre idée abstraite qu'il lui faudrait définir...Ah, qu'il était étrange, d'échanger le passé avec le présent pour définir une personne!

Le vieux lion commença par adresser un signe de tête à sa disciple.

« - Oui. Mais ils ont une tâche utile. Je ne sais pas depuis combien de temps ils sont de retour. Ont-ils jamais vraiment cessé d’être là ? Toujours est-il qu’ils luttent contre les spectres, les tiennent en place. En dépit de notre influence sur les royaumes orientaux et en Perse. Mais c’est un prix correct pour ce qu’ils font. »

Pour le reste… c’était plus compliqué. Ryme le savait, il venait d’en parler. Elle n’avait pratiquement aucune marge de manœuvre et été quasiment certaine de provoquer un incident diplomatique d’une façon ou d’une autre. Et quand bien elle aurait été parfaite, la Sorcière n’aurait aucun mal à en créer et continuer son travail de mensonge et de désinformation. Pour le reste, il écouta Ryme vider ce qu’elle avait sur le coeur. Il lui avait demandé. Oui, le choix qu’il avait fait avait été égoïste. Mais il n’avait pas été celui d’un Pope. Pas celui d’un chef. À l’époque, il n’était qu’un guerrier parmi d’autres qui amenaient là une ressource, un objet volé à sa divinité. Une laisse aussi, un moyen de le tenir. De faire de lui, justement, le remplaçant à venir d’Akrites. Toujours avoir un Pope dans sa manche, c’est l’une des façons de faire d’Athéna.

Le vieux lion n’aurait peut-être pas accepté la couronne autrement mais… là, il n’avait plus vraiment le choix. Il était trop enfoncé profondément pour reculer. C’était ça surtout, ce choix, ce joug qu’il s’était lui même passé autour du cou. Un sacrifice qu’il avait, qu’ils avaient fait. Car au final, le vieux lion n’était pas seul. Mais tout ça, c’était pour une cause plus grande encore que le Rêve… Mais de tout ça, il ne pouvait dire mot. Alors il se contenta de baisser un peu la tête et de dire, sans vraiment y croire :

« - Tu peux toujours essayer. »

Il plongea alors son regard dans les yeux de la lionne et s’y perdit un instant. Dans cette bête si similaire à celle qu’il pouvait sentir grogner, comme quand un autre fauve empiète sur le territoire d’un roi. Il l’avait bien formé. Puis de se retourner vers Ryme :

« - Tu es la guerrière la plus puissante de cette génération. Si je n’étais pas là, tu serais sûrement la plus forte, ou l’une des plus fortes. Tu garderas ton titre longtemps, ne t’inquiètes pas pour ça. »

Il y avait Nimue aussi. Qui était loin, très loin d’être faible et pouvait tenir la dragée haute à tous les chevaliers, sauf Ryme et lui. Mais, à trois, qui pourraient les stopper ? Pas grand-chose, non, vraiment pas grand-chose…

« - Argus t’aidera un peu. Mais tu apprendras. Tu sais, je t’ai demandé si tu te sentais capable d’y aller, tu as choisi, c’est suffisant pour moi. Tu seras capable de t’en sortir et tu apprendras. Après tout, être roi, ce n’est pas simplement être fort. N’oublie pas ça, quand tu seras là-bas. »

Il marqua un silence.

« - Je suis fier de toi, Ryme. »

"Tu veux dire que les forces de Perse contrebalancent celles du Connaught ?"

Ryme n'y avait jamais pensé. Les rivalités n'étaient pas toujours apparentes et, bien loin des intrigues orientales, elle ne s'était jamais penchée sur cette question. Si Argus venait à l'accompagner, alors peut-être aura-t-elle l'occasion de pallier à cette ignorance. Sa main renforça son emprise sur sa lionne qui, aussitôt, grogna avant de se concentrer de nouveau sur Childéric.

Elle pourra essayer, oui.
De le frapper.

L'initiative en devenait même alléchante maintenant que le Grand Pope soutenait son regard. Lionne comme femme ressentaient exactement la même chose en cet instant présent: Ryme percevait ce qui se dressait dans son cœur ; un mélange de discipline et une terrible envie de bousculer son ancien maître. Mais tout cela pouvait attendre. Elle regrettait que leur lien soit mis en péril pour une histoire de cœur et de devoir.

Ou de devoir et de coeur.

Childéric avait sa propre façon de résonner et il n'était pas évident d'en suivre la logique. Elle ne savait comment prendre ces compliments. Ils avaient le goût des responsabilités...

"J'ai surtout le sentiment que ma langue va fourcher et froisser plus d'une fois l'égo d'un spectre. Je ne répondrais de rien quant au choix de Mebd..."

Un soupir s'échappa de ses lèvres, suivi d'un léger et volatile soupçon de sourire. Elle ne savait pas ce qui incitait Childéric à éprouver un sentiment de fierté. A cet égard, la lionne à ses côtés lécha ses babines comme un vieux chat à peine contrarié, laquelle soupira aussi longuement que ne le fit la Sainte. Mentalement.

"Mais c'est quoi, être fier de moi actuellement, mh ? Je ne sais même pas ce qui nous a attaqué et vaincu là-bas."

Ryme n'avait pas cessé d'observer son maître. Mentait-il ? Ou disait-il la vérité cette fois-ci ? D'une autre côté, il aurait été difficile de se détourner du Grand Pope et de son trône. Tandis qu'elle croisait des bras dans un geste de protection, la Sainte ne comprit pas véritablement son aveu.

Pour elle, elle avait encore beaucoup de choses à faire. A rattraper également. Ces derniers temps, elle n'avait pas été très sociable avec les autres Saints...

A cet égard, sa prochaine question était d'ailleurs toute trouvée.

"Comment va Paros? As-tu eu l'occasion de le voir, depuis Camelot? "

Simple préoccupation à l'égard de son jeune Cavalier qui, à la recherche d'une Oracle, avait certainement dû papillonner dans les rues de Camelot...

Childéric soupira. Cette situation était le coeur de la tempête à venir et le problème auquel il aurait aimé consacré tout son temps mais... la liste de choses à gérer pour celui qui était à la tête du Sanctuaire était interminable.

« - Les forces de la vigne s’oppose à celles des enfers oui. Mais c’est tout ce que nous savons. La réalité du rapport de force. S’ils gagnent ou ils perdent, ce qu’ils ont en tête, l’une des forces comme l’autre. Nous n’en savons rien. Le Connaught est une autre place force des spectres. Mebd est mon homologue pour Hadès, elle est la voix des enfers. Mais elle doit composer avec la volonté des dieux jumeaux. Ce sont eux qui sont à l’origine de bien des choses, de l’alliance obscure et quasi-invisible avec les guerriers d’Arès ou du chaos de Jamir, dont je t’ai déjà parlé. Alors tout ce que tu apprendras là-bas, nous sera utile. »

Car l’Est était bien une région d’inconnues, de sables et de mystères. L’oeil de Constantinople n’allait pas jusqu’à ces profondeurs et le géant au pied d’argile qu’était l’empire s’était déjà beaucoup trop étendu pour espérer pouvoir marcher vers ces terres. Il faudrait faire quelques sacrifices pour pouvoir consolider les positions primordiales et se préparer à la guerre à venir. Et dans ce genre de situation, souvent, celui qui en sait le plus dispose du meilleur avantage. Et c’est un puissant rire rugissement qui sortit ensuite de la gorge de Childéric.

« - Tant que ce n’est que leur ego que tu froisses ! Mais oui, tu vas sûrement la vexer et quand bien même tu ne commenterais aucune faute, elle en inventera une. »

Un sourire paternel de passer sur les lèvres du vieux lion. Il savait que sa petite ruminait cet échec. C’est souvent le cas des échecs, ce sont ceux qui nous restent bien plus que les succès. Surtout lorsqu’il s’agit d’une première mission.

« - Et bien… tu fais toujours des cauchemars non depuis lors ? Peut-être faut-il que tu cherches de ce côté-là. Peut-être faudra-t-il que nous y retournions, toi et moi, pour t’aider à y voir plus clair ? »

Une petite grimace de passer sur le visage de Childéric. Le cas du chevalier de Pégase était particulier, il ne savait pas si le serpent lui avait annoncé la nouvelle et il faudrait qu’il prenne du temps pour s’en assurer et surtout, voir comment il encaissait le choc.

« - Je ne sais pas. Il garde le temple du taureau mais… Airoth a choisi de rendre son armure et de partir à la recherche de la partie manquante de cette dernière. Mais, alors que je pensais qu’il avait mis au courant ses proches, il n’en a rien fait. Et Paros a dû être mis au courant maintenant. Alors, je ne sais pas trop comment il va. Je ne l’ai pas revu depuis Camelot et votre rencontre pour le moins… particulière. »

Et c’était peu dire. Le vieux lion avait mentionné la présence des dieux jumeaux plus tôt dans la conversation et clairement, ces deux-là préparaient quelque chose. Mais quoi… et surtout, pourquoi la mort c'était elle présentée à Ryme et Paros, parmi tous les invités et les chevaliers présent. Le chevalier de Pégase est toujours porteur de quelque chose de spécial, mais le vieux lion doutait que cette flamme d’espérance qui brûlait dans le coeur du jeune garçon soit ce qui intéressait le maître de la mort.

La proposition que fit Childéric la coupa dans son élan de fausse bonne humeur.

Y retourner. Là-bas, dans le village. Là où elle avait perdu Tharros. Si les cauchemars avaient de sens, alors ils n'étaient que le reflet de ses petites cernes visibles sous son masque, et du soleil que Kaleb avait décrit comme étant "ombrageux" sinon "obscurci". Elle parlait d'égo froissé sans tenir compte du sien et de ce qui la tracassait actuellement. Une moue sur le visage, la jeune femme ne put s'empêcher de garder ses bras croisés, comme si elle pouvait y trouver une forme de protection.

"Peut-être, je ne sais pas." Pour quoi faire ? "La ville a commencé à se rebâtir, non ? Je suis certaine qu'il me manque des informations, mais j'ignore si les preuves laissées sont encore aussi fraîches qu'il y a des semaines de cela. "

Mais Ryme réfléchit au sens de sa mission, et les pièces manquantes et si béantes qui lui font défaut. Alors son ton transformait son hésitation -ou indignation- en quelques paroles pleines de curiosité, quoiqu'un peu trop sages pour refléter réellement la jeune Lionne d'Or.

"Ce pourrait être intéressant, néanmoins..."

A ses pieds, la lionne commença à reprendre de l'aplomb. La créature se releva et alla harasser la main et les jambes d'un des gardes qui surveillaient l'entrée du Temple. Ryme n'en fit rien, et retint un sourire tandis qu'elle écoutait Childéric parler du Sanctuaire et des Douzes. De ses Douze enfants qui allaient et venaient peut-être trop souvent, sans qu'on puisse véritablement en connaître l'Homme derrière l'Armure ou le masque. Le Sanctuaire manquait de stabilité ; une interférence de voix sans timbre qui ont trop tendance à se chercher des rôles et des causes pour subsister le plus longtemps possibles. Pourtant, Ryme aimait croire que son jeune ami -ou plutôt, celui qui lui restait parmi son duo de Bronzes- vivrait longtemps.

"Oh...Ah ! Je comprends mieux pourquoi il est silencieux. Peut-être que je devrais passer le voir. Ou l'acculer, va savoir. Pégase est un canasson qui vadrouille un peu trop dans les pâturages alentours sans me dire bonjour à mon goût..."

Claquant des mains, Ryme regroupa toute son énergie dans ses épaules encore bien lourdes, blessées par ses premiers mois passés en tant que Chevalier. Elle se sentait prête à faire autre chose. Poursuivre ses aventures, au moins...

Le vieux lion avait eu le mérite de mettre les pieds dans le plat. Et il laissa doucement le temps à la petite lionne de faire son propre chemin. D’avancer doucement, à son propre rythme et surtout, d’accepter cette vérité. De faire face à ses peurs, son échec et ses propres doutes. Une chose difficile pour quelqu’un de normal, une vérité encore plus impossible à affronter pour un lion. Après tout, un roi peut-il vraiment se permettre de revenir en arrière ou de considéré l’échec ou l’erreur. Mais il devait le faire. La première mission de Ryme s’était soldée par l’amertume d’une défaite. Tharos avait disparu. Un échec certes, mais qui ouvrait bien des portes. Il y avait des choses à voir dans tout ça et le Pope avait ses propres hypothèses. Il aurait donc l’occasion de les vérifier.

« - Bien. Alors je vais prendre quelques dispositions et nous pourrons partir dans les jours à venir. Avant que toi-même, tu ne te diriges vers les royaumes d’Irlande. Tu partiras l’esprit plus tranquille comme ça, inutile d’arriver et faire à Mebd ta plus belle grimace d’entrée de jeu. Autant réservé ça pour les grandes occasions. »

Il sourit, observant la lionne s’approchait d’un des Prétoriens peu rassuré. À force de travailler ici, ils en avaient vu, des choses. Mais peut-on vraiment être préparé à un fauve cosmique venant quémander un peu d’attention, à la manière d’un chat désireux de se faire gratter derrière l’oreille. Il l’écouta ensuite parler de Paros et se demanda une nouvelle fois jusqu’où pouvait bien aller la relation entre ces deux là. Après tout, il avait beau avoir remis les pieds en Italie, Astra restait malgré tout quelqu’un d’important pour la petite.

« - Tant que tu ne te fais pas mordre et que tu ne le mattes pas trop violemment. Je pense que ta visite pourrait l’aider. »

Pégase avait passé beaucoup de temps à trouver un maître et le deuxième gardien avait fini par l’accepter. Peu prometteur, il avait fini par décrocher une armure et Childéric se souvenait de la venue du Paros dans le temple du taureau pour annoncer à Airoth qu’il avait obtenu une armure. Une relation puissante semblait avoir uni les deux hommes.

« - Et n’oublie pas de lui parler de l’état des marches du Sanctuaire. Il comprendra. »

Le plan était acté. Mebd allait devoir patienter quelques jours encore. En vérité, cette pensée distilla une moue pensive sur les joues invisibles de Ryme. L'intimidation dont la Reine avait fait preuve durant le bal semblait avoir une emprise néfaste sur sa fille et hélas pour le Connaught, le monde en était déjà témoin : le temps n'avait jamais été clément parmi les mortels. Au fond d'elle même, la Lionne se demandait si sa jeune amie était de celles à tenir le coup sur le long terme...

Mais peut-être se souciait-elle trop pour cette princesse qu'elle n'avait rencontré qu'un bref instant au bal ? Ryme reprit son souffle et détailla le sourire complice de son ancien Maître, non sans faire corroborer ses prétentions à ses intentions. La Grèce en n°1, puis l'Irlande en seconde étape !

C'est à ce moment précis que Ryme constata que ses tâches se cumulaient de nouveau, sans un murmure qui en disait longuement sur son état d'esprit.

"Je ferais de mon mieux quoiqu'il arrive. Je suis juste curieuse de voir où tout ça va nous mener."

De toute évidence, on savait dans la région que la Reine était l'un de ces poissons étranges. Qu'elle était un mythe dont on entendait parler de bouche à oreilles sans mot flatteur...Sans plus de raison, Ryme s'attarda alors sur 13 PSG ancien cavalier qui, visiblement, avait fait mouche dans l'œil du Pope.

"Aaaah je ne sais pas de quoi tu parles, mais j'imagine que j'ai intérêt à le lui rappeler."

L'état des marches. Un détail qui ressemblait fort à une mise en garde. Une mise en garde qui réveillait déjà un soupçon de curiosité, d'amitié et d'amour vache dans le petit cœur de la Disciple, laquelle dissimula un sourire de chat malin sous son masque blanc. C'était là une réaction qu'elle devrait probablement mémoriser! Toutes ces pensées se succédèrent, les unes après les autres, sans pour autant qu'elle n'omette un haussement d'épaules expressif, comme pour signer la fin...

"Laisse moi une ou deux petites journées et je serais prête. Sur ce, si sa Majesté le veut bien, je me retire. "

Finalement, Ryme tourna des talons, convaincue que ces péripéties la sortiraient peut-être de sa torpeur...