[Début Avril 553] Feu et eau (Gawa - Kilian)

L'aube, déjà ?
Une nuit à remettre en état un laboratoire, pâle copie du précédent. Pourtant, peu à peu, je commençais à entrevoir une image future intéressante.
La vaste pièce dédiée à mon art se retrouvait coupée en deux.
Une partie dédiée au soin, à l'entreposage de mes nombreuses plantations curatives et autres pots scellés. Onguents, fleurs séchées, tisanes, et autres ingrédients vibrants de vitalité.
Une seconde plus sombre, où s'étalaient amphores et fioles à l'accès interdits pour un non initié. Quelques mixtures manquaient encore, mais je disposais d'une base de travail intéressante pour mener à bien ma fonction des ombres.
Au centre de cette dichotomie complémentaire, reflet exact de mon âme, mortiers, chaudrons, matériel de pratique alchimique et un gigantesque pentagramme dédié aux incantations et autres transformations.
Bref, malgré les cernes qui ornaient mes yeux épuisés, j'étais satisfait du résultat.
Au moins, je pourrais pratiquer un minimum. C'était toujours ça de pris.
Une fois mon labeur nocturne achevé, je me rendis sur le parvis de ma demeure, afin de savourer le lever de l'astre solaire. La fatigue était bel et bien présente, mais j'avais besoin de m'offrir un moment de sérénité, de quiétude face à la nature et ses merveilles. Cela me permettait de relativiser le poids permanent de la malédiction d'Athéna sur mes épaules.
Assis sur les premières marches, un bras posé sur mon genou fléchi, je laissais mon regard se perdre dans l'horizon écarlate. En contrebas, les dix maisons m'offraient une présence vigilante. Combien de mes frères et sœurs d'armes étaient-ils présents ?
Malgré notre récent retour de Camelot, nul doute que le Grand Pope avait déjà dû envoyer en mission de nombreux chevaliers d'or. Actuellement, je savais que Nimue et Kaleb étaient au Sanctuaire. Mais Silas ? Ryme ? Bonne question.
Tout à mes réflexions, je sentis le sommeil me gagner peu à peu, et je finis par sombrer dans une douce léthargie, née de ma nuit de labeur.

Je flottais dans une étrange léthargie, à mi chemin entre le sommeil véritable et la conscience nébuleuse.
Trop d'émotions, d'excès et de travail pour mon corps affligé par la malédiction d'Athéna.
Pour autant, la sensation n'était pas désagréable.
Plusieurs images défilèrent dans mon esprit, tantôt apaisantes, souvent angoissantes.
Le visage d'Athéna, celui de Nimue, d'abord similaire à celui d'une morte puis retrouvant de belles couleurs, le rire de Childéric, la sensation de toucher la main d'Aoife.
Et le sourire étrange d'Hermès...
Ce rictus énigmatique me fit sursauter, alors que résonnait une voix inconnue face à moi.
Sur la défensive, encore entravé par le sommeil, je me relevais d'un bond, main sur le coeur, déjà nimbée de glace meurtrière.
Je dévisageais alors un jeune homme inconnu, mais vêtu d'une armure d'or familière.
Aussitôt, mon souffle s'apaisa, et je fis disparaître toute once de cosmos agressif.

Je... Euh... Pardon. Sois le bienvenu dans ma demeure...

Rapidement, j'observais le visage du nouveau venu, analysais son aura, notais une certaine timidité. Et un léger sourire amical se dessina sur mes traits encore fatigués.

Je vois que l'armure d'or du Bélier a trouvé un nouveau porteur. Je suis Kilian, chevalier d'or du Verseau. Navré de t'avoir offert un spectacle aussi déplorable... Je manque à tous mes devoirs. Voilà ce qu'il arrive lorsqu'on dépasse nos limites. Le corps nous les rappelle d'une façon ou d'une autre.

Il faut dire que je ne m'étais pas vraiment ménagé depuis le retour de Camelot. Mais qu'allait donc penser un jeune saint devant un tel spectacle ?

Tu voulais traverser, je suppose ? Pour rendre visite au Grand Pope ?