[Début Avril 553] Les océans contraires [PV Noah][Terminé]

Les entités s’éveillaient et, piane-piane, soulevaient les secrets. Prisonniers d’une vase aux propriétés inconnues, les fantômes refaisaient enfin surface, lui indiquaient ses précieuses alliées. La sombre silhouette se présenta, ainsi, devant son hôte, attirant son attention sur ce qui incommodait les Lyumnades depuis des paires de semaines : les traces de celui qui enflammait ses doutes, disparu sans laisser la moindre trace, contait-on ; une version bien loin de la satisfaire, mais dont elle devait se contenter jusqu’à présent.

Elles n’avaient rien pu dénicher de concret.

Pourtant, une fine distinction se ressentait. Quelque chose, assurément, clochait, comme une multitude d’autres dernièrement. Rien n’allait plus et Atlantis prenait la direction d’un mur. Quant à Cassandra, un champ de coraux attendait sa venue.

D’une main, elle congédia son acolyte, le sommant de retourner à ses occupations. Il avait déjà fait plus que nécessaire. Somme toute, elle posa l’ouvrage sur le guéridon et sortit de la pièce. En chemin, l’écaille azurée qui sommeillait jusqu’alors rejoignit le Roselin.

Les attributions avant tout, d’autant plus lorsqu’il s’agissait d'affaires affectant les océans contraires.

Pour tout accueil, des gardes qu’elle salua avec politesse, bien que brève dans la parole et dans le geste. Les Généraux venaient rarement sans raison, ils en étaient conscients. Aussi, les orbes smaragdins flottèrent sur les glaces corallines qui bordaient les alentours du pilier Arctique, pensifs. Force était d’avouer que les années passaient plus vite qu’elle ne le voyait. Alors peut-être ferait-elle un arrêt à la stèle commémorative où les noms des anciens Kraken restaient gravés. Son regard s’inscrivit, cette fois, directement dans celui des protecteurs.

— J’aimerais m’entretenir avec le Général. S’il est disponible, pourriez-vous me guider jusqu’à lui ?

Sans autre, ils acquiescèrent, lançant une œillade sur leurs camarades. En cette demande résidait avant tout une tentative ; une tentative pour obtenir davantage d’informations concernant la situation. Le monstre était revenu, Cassandra était certaine de cela, mais il restait à constater les traits qu’il arborait désormais, car, si Deukalyion était de retour, l’entrevue se teinterait de glace et de brume.

Ô ma belle Atlantis, que deviens-tu ?

À lire:

Une nouvelle écaille avait trouvé son porteur. Cela attirait les regards, les envies, les questions, surtout en ces temps troublés. De là, à rencontrer tout le beau monde en quarante-huit heures, il y avait une différence quand même ! J’avais fini mon entretien avec Dardanos, j’en profitai pour découvrir mon pilier, les parcs et lieux de loisirs en reconstruction, découvrant les marchands en tout genre, savourant le soleil qui beignait cette région en plein redressement que déjà, on venait me demander à nouveau quelque part. Des soldats m’avertirent que le général en charge de l’Antarctique souhaitait me voir.
Je ne pus m’empêcher de soupirer et d’aller presque a reculons vers le nouveau lieu de rendez-vous.
Cela m’était profitable, car je n’avais pas encore eu vraiment l’occasion de rejoindre le pilier, ce que je me dois de protéger. Les gardes me conduisirent vers le lieu où se trouvait le général.

Je me dois de reformuler, car en arrivant, je découvris en armure une belle rouquine qui attendait patiemment. J’alla à sa rencontre et la salua.

« Bonjour, Noah du Kraken, enchanté de vous rencontrer. »

Je fis un signe aux gardes pour qu’ils la laissèrent passer et l’invitai à me suivre. Nous passâmes proche du pilier et continuons notre traversée.

« Je vous aurais bien fait escorter, mais pour une première entrevue, je trouve qu’il valait mieux que je vienne directement à votre rencontre. Je reconnais être un peu nouveau pour cette zone, même si je sais que je la protégerais comme il se doit. »

À dire vrai, c’est surtout par ce que j’avais complètement oublié le fait que des personnes répondaient à mes directives maintenant et que j’étais habitué par tout faire moi-même. Nous sortîmes enfin de la zone gardée pour arriver dans celle citadine, dévoilant les échafaudages et les maisons en somme banale. Je n’avais pas encore eu le temps de vraiment donner ma patte, mais on voyait ici et là que j’avais commencé à privilégier des zones assez naturelles dans ce quartier pour que les habitant puissent s’y retrouver. C’est d’ailleurs dans l’un de ces parcs que je poursuivis mon chemin pour m’arrêter au bord d’un petit lac, bordée d’arbres en tout genre. C’était le premier et le seul, pour le moment, dont on avait fini la rénovation. Je restai ainsi débout, près du lac dont l’eau venait mourir paresseusement sur la rive.

« Ce n’est pas un lieu très protocolaire, j’en conviens, mais je préfère des lieux ouverts pour discuter que s’enfermer dans des pièces. Surtout qu’en ce moment, je n’ai pas encore eu pleinement le loisir de profiter de l’extérieur.
Que me vaut l’objet de votre visite ? »

Mes mains se joignirent dans mon dos, faisant cliqueter l’armure azur. Je n’avais pas une position militaire, on voyait complètement que je n’en avais pas la carrure. Je me demande ce qu’en penseraient les hautes instances d’une telle rencontre. Arctique et Antarctique, deux océans contraires et pourtant complémentaires. Cette pensée fit flotter un léger sourire sur mon visage.

Les choses ne se passaient pas toujours comme on le voulait ; un concept que les Lyumnades n’appréciaient guère, éternellement en quête d’une perfection illusoire, d’un pouvoir qui permettrait de tout prévoir. Atlantis était au cœur de ses devoirs, et sa vie au cœur de ses préoccupations, quoi qu’on en disait. Si ses méthodes, pour peu qu’on les découvre véritablement, ne faisaient pas l’unanimité, les premières allusions de Rodolpho restait en travers. D’autant qu’il se fourvoyait.

Qu’importait les mains sales, le rouge indélébile, tant que la cité se tenait droite sur ses fondations et que son peuple vivait en paix. Les états d’âme n’avaient pas leur place ici-bas.

Un sourcil s’arqua brièvement ; les gardes se regardaient, hébétés, s’agitaient pour trouver une solution qui conviendrait. Les premiers s’en allèrent, tandis que d’autres demeuraient immobiles, prétendant que l’objet de sa requête arriverait prochainement.

Tiens donc.

Cette remarque, parmi toutes les mentions, attira son attention : cette seule phrase confirmait certaines de ses hypothèses, répondait aux questions que la naïade se posait. Le monstre était de retour, semblait-il. Toutefois, l’une d’elles subsistait : qui donc la revêtait ? Peut-être était-ce Deukalyion, l’usurpateur et traître en devenir.

Les silhouettes se dirigeaient vers elle ; ce n’était pas un géant qui l’accueillit, mais une masse plus frêle ou, plutôt, fine. Tous deux ne partageaient que très peu de traits communs et Cassandra ne lui connaissait pas de compétences de métamorphose. Aussitôt, les bras se relâchèrent et renvoyèrent les salutations, dès lors qu’il eut terminé ses explications.

— Cassandra Sedna, Générale affiliée aux Lyumnades et à l’Antarctique.

Un hochement de tête, automatique, opinant aux raisons évoquées. En outre, les prunelles le fixaient sans l’once d’une honte, comme pour ancrer cette nouvelle personne dans sa mémoire, mais également pour le jauger avec le peu d’informations à sa disposition. Professionnelle et prudente, comme à son habitude. Néanmoins, l’Atlante n’oubliait pas la manière dont l’obtention du grade de Général s’était produite, pas plus que les circonstances. Sa chance, si tant est que l’on puisse le qualifier ainsi, résidait dans le fait qu’elle revêtait les Telchines, à l’époque. Coite, elle suivait les traces du jeune Kraken, jusqu’à parvenir aux abords d’un lac. Une image reposante qui l’a perdit un instant, avant qu’elle ne reporte son regard sur les alentours puis, enfin, sur le dénommé Noah.

— Compte tenu des évènements récents, un endroit tranquille conviendra très bien. J’ai ouï dire que le Kraken était de retour dans son antre. Nous sommes des océans contraires, alors je me demandais ce qu’il s’était produit et qui la revêtait désormais.

La mélodie cessa une paire de secondes ; des secondes durant lesquelles les doigts se frôlèrent ses propres lèvres, soucieuses de certains points et détails. Ce n'était pas Deukalyion, de toute évidence.

— Vous êtes-vous déjà familiarisé avec vos nouvelles responsabilités, votre écaille et les autres généraux ?

Ce n'était pas le cas avec les lieux. Avait-il seulement compris ce en quoi consistait son rôle, quelle était sa place ?

Montre-moi ce qui sommeille à l'intérieur ; je verrai qui tu es véritablement et si tu es digne de confiance.

Du froid, beaucoup de froid ou alors un ton beaucoup trop protocolaire. Quoi qu’il en soit ma consœur de l’Antarctique était loin d’être chaleureuse. Ses questions tout aussi pragmatiques. Cela me tira un petit sourire gêné. Elle parlait peu et allait droit au but, pas que cela me dérange, juste que j’aurais apprécié un brin de conversation supplémentaire. J’en profitai pour regarder le lac, ses eaux sans la moindre ride, comme de la glace. Quelques poissons sautèrent parfois avant de retomber dans une gerbe d’eau au plus profond de l’étendue d’eau.

« Oui, c’est vrai qu’un nouveau porteur du Kraken doit attirer l’attention, j’en conviens. En tout cas, c’est un plaisir de vous rencontrer. Je ne saurais pas vous dire si je serais aussi digne ou non que mes prédécesseurs, mais j’essaierais au moins de ne pas porter le déshonneur et la honte sur cette armure. Je suis là pour servir cette cité, pour servir Poséidon après tout. »

Elle n’arrêtait pas de m’observer, comme si elle cherchait a percer sous ma peau pour voir quel squelette se cache dessous. Malheureusement, elle ne trouvera rien d’intéressant. Elle continua sa lancée sur mon rôle et si j’étais suffisamment coutumier des lieux. À ce moment, je lâchai un long et profond soupir.

« Désolé, ce n’est pas contre vous. Seulement, je suis arrivé il y a une poignée de jours à peine, je ne me suis entretenu qu’avec Dardanos qui m’a rapidement expliqué mon rôle, en charge de la sécurité intérieure et d’autres choses. Il m’a surtout laissé un immense tas de paperasse à remplir et des archives à éplucher pour me plonger dans le quotidien d’Atlantis.
Pour mon écaille, je n’ai rien à signaler pour le moment, je me suis juste familiarisé à la porter, peut être pourriez-vous m'aider a en comprendre d'avantage. Je n'ai pas eu la chance de dispenser d'une bonne éducation à ce sujet. Quant aux autres généraux, pour être honnête, vous êtes la première que je rencontre. »

Rencontrer les autres généraux n’était pas une mauvaise idée, malheureusement, il me fallait du temps et je voulais d’abord prendre les informations sur Atlantis, voir de quoi il en retournait et ce fameux danger dont m’avait averti mon écaille. Peut-être Cassandra serait un bon point de départ ?

« Que pouvez-vous me dire sur vos fonctions ? J’aurais aimé également savoir si les rumeurs que j’ai entendues sur les assassinats sont vraies. Si cela se confirme, ça fait quand même froid dans le dos de se dire que pareil énergumène se promène dans notre belle cité. J’ai aussi cru comprendre que les rouages du Sénat se sont mis en marche, vous avez un avis là-dessus ?
J’ai tant à savoir, pourtant, j’ai l’impression d’être arrivé au pire moment pour tout connaître. »

Cette fois je planta mes yeux saphir dans ceux de mon interlocutrice.

Sitôt l’intégrité des prédécesseurs évoquée, une intense amertume imprégna ses lèvres : Deukalyion n’était pas un modèle de droiture, selon ses propres recherches, pas plus qu’il n’intimait à la confiance. Au-delà de ce que Orpheus prétendait à l’époque, les Lyumnades savaient depuis longtemps à quoi s’en tenir à son sujet ; l’histoire se répétait.

— N’oubliez jamais vos responsabilités, les raisons pour lesquelles vous portez le Kraken et avez été désigné comme protecteur de la cité.

Pour l’heure, elle ne pouvait que lui conseiller cela, car se contenter du minimum ne suffirait pas pour tirer Atlantis des ténèbres dans lesquelles cette dernière s’était embourbée. Qu’importait la méthode, tant qu’elle et sa population étaient préservées. Pourtant, il restait encore à déterminer si Noah se tiendrait dans la lumière ou s’il œuvrerait dans l’ombre à sa manière.

—Que vous a-t-il expliqué d’autre sur votre rôle, indépendamment de vos devoirs ordinaires ?

Un homme désarçonné par ce qui lui tombait sur le coin du nez, semblait-il. Hélas, il n’avait pas le loisir de se reposer sur ses lauriers ; mauvais endroit, mauvais moment. Ces tâches, ces conflits, il ne les avait pas souhaité mais, comme tous, il allait devoir s’en accommoder.

Rapidement, qui plus est.

Un fait, cependant, rassurant : l’écaille ne se manifestait pas de quel que manière anormale que ce soit, pas comme la sienne deux mois auparavant. Encore un point sur lequel Cassandra devait se pencher, seulement, le temps manquait cruellement.
Les évènements s’enchaînaient d’une manière peu naturelle, comme poussée en tapinois par une force sournoise : tout d’abord les apparitions en Antarctique et les rares nouvelles de ses agents de confiance, sur place. Puis l’arrivée d’Osmund, peu après le décès prématuré du Léviathan. Il y avait les recherches menées pour un légat qui, lui aussi, n’était plus, cette mission avortée sur les iles, ce prétendu assassinat et les actions du Sénat.

Diviser pour mieux régner, pour mieux s’infiltrer.
Pour mieux tuer.

Si elle doutait que le Sénat ait un véritablement lien avec tout cela, elle devait impérativement s’entretenir avec Arhan et Rodolpho. Il était nécessaire de s’assurer de certaines choses, d’établir un ordre et, surtout, de placer cette enquête en priorité.

— Évidemment, vous pouvez me poser toutes les questions que vous souhaitez. Cependant, il est possible que je puisse répondre à certaines de vos interrogations. Je suis chargée des interrogatoires, principalement, et de tout cela comporte. J’ai également pour tâche de surveiller certaines choses.

Mieux ne valait pas mentionner les sales affaires dans laquelle elle trempait pour assurer la pérennité de la contrée. Se salir les mains pour les autres, voilà, au final, ce en quoi consistait ses tâches : les renseignements, les tortures et, surtout, éliminer toute éventuelle menace, et ce de manière définitive.

— De quelles rumeurs parlons-nous actuellement ? Il me paraît déplacé de vous éclairer sur le mauvais sujet.

Celles de la population ou de l'ancien Légat... Dès lors, une pause marquée, et déjà reprenait-elle.

— Vous n’êtes effectivement pas arrivé au moment le plus propice, les rapports internes sont délicats depuis quelques temps et la tension qui en découle risque de faire de vous une proie de choix. Pour en revenir aux affaires du Sénat, disons que je veille sur les deux côtés de la balance ; les intentions des membres du Sénat avec lesquels j’ai pu m’entretenir jusqu’à présent ne me paraissent pas mauvaises. Au final, nous avons les mêmes objectifs : la protection d’Atlantis.

Alors, pour qu’un conflit éclate de la sorte, il y avait forcément anguille sous roche. En y réfléchissant plus posément, cette guerre interne profiterait à d’autres acteurs et deux silhouettes se dessinaient.

Cette jeune femme n’était pas glaciale par volonté d’être distante. Elle restait simplement professionnelle dans un contexte qui l’exigeait, de plus, ses fonctions n’avaient pas l’air d’être toute rose, ce qui pouvait aussi expliquer son comportement. Pouvais-je quand même évoqué ce dont Dardanos expliquait comme un grand secret de la cité ? On pouvait essayer à demi-mot et voir si elle comprenait.

« Dardanos m’a informé de la protection de la sécurité intérieur, mais aussi de surveiller les profondeurs abyssales des océans, sans me donner davantage de détails à ce sujet. J’imagine que je dois veiller a ce que des monstres ne menacent pas la sécurité de notre belle cité. »

De toute manière comment puis-je parler de cette tâche sachant qu’il n’a pas souhaité m’en dire beaucoup. Quelque part, je ne lui mens pas, elle devrait capter mon message si elle connaît l’existence de ces fameuses Abyss.

« Pour les rumeurs, je parle de ce fameux assassin à la lance qui a commencé ses méfaits dans le quartier de l’Indien et qui maintenant sévit un peu partout. Certains meurtres ont eu lieu dans mon quartier. Il arrive beaucoup trop à point nommé à mon goût. Pile lors de l’élection d’un nouveau Primus Senator, pile quand une opposition peut apparaître. »

Beaucoup trop d’actions en ce moment s’enchaînait à un rythme beaucoup trop parfait. Des ombres s’agitaient, des ombres prenaient place, des ombres tiraient des ficelles depuis leurs tanières, et cela, Noah n’arrivait vraiment pas à l’accepter. Sa belle cité, malgré ses défauts courait à sa perte en continuant ainsi. Surtout si tout le monde souhaitait la même chose, la protection de la cité.

« Ces acteurs sont trop confiants dans leurs choix. Je ne sais moi-même pas de quel côté me placer, ainsi, j’observe, je pèse, je juge. J’ai toujours appris à analyser mon environnement avant de me lancer dedans. Malgré ça, cet environnement et pire que naviguer en pleine brume. Comme vous le dite si bien, je fais une proie facile et surtout de choix. C’est pour ça que j’ai besoin du maximum d’informations au sujet de la situation avec Arhan, le conseil, Cinéad et tout ce qui gravite autour.
Un marionnettiste doit également se cacher quelque part et le débusquer sera fort compliqué. »

Mon opposée d’Océan n’avait pas du tout l’air d’une idiote, elle devait avoir compris que la situation était une aubaine pour certains. Dans le conflit, ce sont ceux des ombres à craindre, ceux qui murmurent des idées, soupir des avertissements.

« Vous qui êtes là depuis plus longtemps que moi, qui me conseillez-vous de croire ? J’aimerais votre avis sur le sujet. »

En fonction de sa réponse, nous verrons si elle cherche aussi à manipuler de potentiels agneaux ou si elle reste objective.

Dardanos ; ce nom n’indiquait rien de bon augure et le manque d’informations communiquées ne l’étonnait guère plus. Dans sa mémoire, les traces d’une voix grave, déconnectée du monde et peu crédible, à laquelle s’ajoutait ses réactions étranges, notamment l’absence de détails concernant les tâches de son cadet. Nonobstant les doutes, Cassandra rassembla les éléments, les conservant pour une réflexion plus poussée, plus tardive également. En cela, elle n’argumenta pas. Un autre sujet l’intriguait.

Les profondeurs abyssales.

Un sourcil s’arqua pour accueillir ces révélations. Sans avoir le fin mot de l’histoire, la gardienne ne pouvait que comprendre l’essence des propos tenus, elle-même chargée d’assurer la surveillance des portes menant vers l’inconnu ; un inconnu sombre, supposait-elle. Il n’y avait rien de surprenant à ce que d’autres familles, d’autres écailles soient affiliées à d’autres secrets. Le comportement de Deukalyion revint à la surface, tandis qu’elle s’inquiétait toujours de la situation en Antarctique, après les apparitions fantomatiques et les ombres qui grouillaient aux alentours de l’entrée. Son expression s’assombrit alors.

— Si vous n’avez pas encore été surveiller ces profondeurs abyssales depuis votre arrivée, je ne saurais que vous recommander d’y remédier rapidement. Ces derniers mois, il y a eu des mouvements étranges de mon côté, sur Atlantis également de manière générale. J’ignore encore si les différentes affaires sont liées, mais c’est une hypothèse à envisager. Dans ce cas, je crains que ce qui s’abattra sur la cité ne soit pas qu’une simple vague.

Une pause brève ; une pause marquée par la volonté de lui laisser le temps de digérer les soupçons, d’observer ses réactions.

— Et si vous sentez quelque chose d’étrange, d’anormal avec le Kraken, prévenez-moi.

Ces meurtres n’annonçaient rien de meilleur et le doute subsistait quant à son appartenance. Le rythme était trop parfait et l’ensemble sonnait faux, d’autant qu’il était probable que ces méfaits aient un rapport avec l’un des objets de ses enquêtes. Orpheus ne l’avait pas envoyée pour le plaisir de le faire, mais, jusqu’à présent, les recherches étaient infructueuses ; il fallait du temps pour débusquer les insectes. La prochaine zone était donc toute trouvée et, comme à l’accoutumée, elle agirait dans le plus grand des secrets.

— C’est l’une des hypothèses envisagées, en effet. Je pense que beaucoup d’affaires, indépendantes en apparence, seraient liées d’une manière ou d’une autre. Les rats sont doués pour se cacher des chats. Toutefois, vous adoptez les mesures adaptées : se précipiter pourrait engendrer des conséquences désastreuses, qu’importe le côté.

Qui croire ? La réponse était toute trouvée et avait le mérite d’être claire.

— Personne. Personne à part vous-même. Faites-vous votre propre avis et restez discret.

Professionnel, également. Pas comme ce cher Nessius, par exemple.

Au moins une chose était claire. Au vu de ses réactions et ses paroles, elle avait l’air aussi de couver un des secrets de cette belle cité. Elle n’avait pas l’air le moins du monde surprise et me conseillais même de me rendre sur les lieux. La question était encore de comment m’y rendre. Peut-être mon armure pourra me renseigner. Il faudra que j’essaie de me mettre en contact avec elle quand j’aurais du temps pour moi. Si quelqu’un pouvait bien me renseigner sur ce qu’on me cachait, c’était bien elle.

« Vous me dites de vous prévenir si le Kraken pose problème. Pourquoi cette question ? Vous avez connu également des soucis avec la vôtre ?
J’espère également que vous me ferez part de soucis si l’Antarctique se révèle aussi avec quelques dangers comme les profondeurs que je dois surveiller.»

Une bonne relation entre deux océans contraires pouvait naître de cette entrevue. La question qui restait à savoir, c’est si elle serait d’accord pour un partage d’informations.

« Je prends bonne note de votre conseil et ne ferais confiance qu’à mon armure et à moi-même alors. Est-ce que cela doit dire que je dois également me méfier du prochain légat ou du Primus Senator actuel ? »

Bon d’accord, c’était peut-être une question piège pour voir si quelque chose allait la trahir sur ce qu’elle pensait. En tout cas, sa réponse était très pragmatique et bonne à entendre. Si elle me conseillait de me fier qu’à moi-même, c’est qu’elle doit savoir de quoi il en retourne. Cassandra pourrait être une personne de confiance après tout. Confiance relative cela va de soi, mais elle n’a pas essayé de me traîner d’un côté ou de l’autre.
Le lac ne montrait toujours aucune ride, les oiseaux gazouillaient tranquillement dans les branches. C’était plutôt tranquille malgré le froid ambiant.

« C’est peut-être prématuré de vous demander cela, mais…avez-vous réussi à réunir quelques informations déjà sur le potentiel assassin ou sur la personne qui tire les ficelles de cette brillante pièce de théâtre ? »

C’était le moment de voir si elle voulait qu’on commence à échanger des informations ou non. Par contre, elle était un peu tendu au début de nos échanges et elle commençait à s’apaiser, mais elle avait eu quelques tiques en mentionnant mes prédécesseurs.

« J’ai aussi cru remarquer qu’à notre rencontre, vous vous attendiez a quelqu’un d’autre et lors de la mention de mes prédécesseurs, vous avez également eu quelques réserves. Il y aurait-il eu un incident que je devrais connaître pour éviter d’entacher notre relation future ou finir comme eux ? »

Si elle savait des choses que je devais éviter aussi bien avec mon armure, qu’en terme d’événements, cela serait des informations bonnes à garder en mémoire.

Un monstre curieux se dévoilait. Un amateur qui, de prime abord, prenait les choses à cœur ; le statut de spectateur ne lui convenait guère, penchant pour l’investigateur. Hélas, Cassandra n’avouait jamais plus que le nécessaire, ce qu’elle autorisait les autres à connaître. À l’abri des regards indiscrets, elle orientait la pièce. Ni plus ni moins que cela.

— Les océans s’agitent, ils verdissent, dernièrement, alors mieux vaut être prudent.

Elle l’avertirait, en effet. Cependant, le nouveau protecteur devrait faire ses preuves avant cela, démontrer un silence digne des déserts prisonniers des glaces éternelles et, plus que tout autre chose, témoigner d’un dévouement sans faille envers la cité. En somme, il devrait répondre aux critères des Lyumnades.

Ne faire confiance qu’à son armure et à soi-même. Tout n’était pas aussi simple, malheureusement ; Noah l’apprendrait tôt ou tard, que ces deux éléments-ci ne s’avéraient guère plus indéfectibles que le reste. Dans ce monde, ils étaient également manipulables et l’un prenait parfois le pas sur l’autre.

— Ne prenez pas ce que l’on vous dit pour acquis, pour unique vérité, mais ne la rejetez pas pour autant. Plus simplement : écouter, assimiler, comprendre et analyser.

Parce qu’il ne fallait pas se laisser influencer par les belles paroles, par les promesses ou par les menaces éventuelles. Oui, ne pas se faire dévorer par les autres, par soi-même ou par les monstres.
Les prunelles s’échouèrent sur les rives du lac blanc. Après une courte latence, la Générale avança de quelques pas, suffisamment pour être à la portée de l’étendue. Elle s’accroupit alors, tendant le bras vers le miroir limpide ; il n’était pas gelé, contrairement à ce qu’il fut autrefois, mais vraisemblablement n’était-ce guère étonnant.

— Certains bras sont plus longs qu’il n’y paraît, Général.

Ceux des personnes qui, dans l’ombre, les manipulaient comme de vulgaires marionnettes, par exemple. Pensait-il qu’une unique existence possédait une telle capacité ? Des rapprochements, des appartenances et des indices indiquaient que non, que tout se liait étroitement. Atlantis n’était pas à l’abri, pas plus que l’armée, les voix de Poséidon, l’amirauté ou le Sénat.
Les paupières se plissèrent alors, et Cassandra se redressa. Désormais, elle le fixait de cette lueur neutre, détachée qu’on lui connaissait depuis bon nombre d’années. Malgré tout, le pincement d’une commissure fissurait en partie cette image. Les prédécesseurs, d’un côté comme de l’autre, n’étaient plus apte de raconter grand-chose.

— Protéger Atlantis.

Protéger de tous les risques, internes comme externes. Seulement, les Lyumnades ignoraient encore tout de son adaptabilité, de ses qualités, de ses engagements. De sa loyauté, également. Perdre le contrôle était chose aisée, par ici, alors se posait la question ultime : se ferait-il dévorer ?

—Vous trouverez certainement une stèle aux abords de votre territoire, les noms de vos prédécesseurs y figurent. Je m’attendais d’ailleurs à m’entretenir avec celui-ci, mais le Kraken semble en avoir décidé autrement ; le dernier sera donc, sans doute, ajouté prochainement. Cela étant, peut-être avez-vous des questions à leur sujet ?

Des questions auxquelles elle pourrait répondre, de préférence. Finalement, elle reprit :

— Cette stèle, conservez-la.

Pas forcément en prendre soin, mais qu’importait les modifications qu’il souhaiterait apporter, çà et là, cette pierre devrait dans tous les cas rester à sa place. Une requête, évidemment, non négociable.

Cassandra était vraiment comme de l’eau se faufilant entre des rochers, elle arrivait à prendre des formes pour esquiver tous les obstacles qui étaient sous la forme de questions. Cela me fit légèrement rire de la voir ainsi esquiver toutes mes questions en ne me donnant que les réponses sou les bribes de mots qu’elle souhaitait. Elle m’enjoignit à rester patient pour comprendre les situations qui m’entouraient, mais je compris également que je devrais faire attention avec mon armure, ne pas m’en méfier, juste être prudent.
Heureusement, elle me laissait quand même une certaine ouverture pour quelques questions et je dois bien admettre que ça m’arrangeait plutôt bien ! Je cherchais des informations sur mon prédécesseur et je ne savais pas vraiment par où commencer.

« À dire vrai, oui, j’ai quelques questions. Mais sur une personne en particulier. J’ai réussi à trouver des informations sur les anciens porteurs, mais rien au sujet de Deukalyion. À part qu’on l’a sorti de prison. J’aimerais savoir des choses sur lui, des choses non présentes dans les dossiers des archives.
Je suis intrigué que son nom ne figure pas sur la stèle ou qu’il a disparu sans laisser d’informations, comme ça, du jour au lendemain. Auriez-vous des choses à ce sujet pour m’aider ? »

Cette stèle, je l’avais vu au sein de mon pilier. Une belle pièce en mémoire de ceux qui ont protégé ce pilier au péril de leurs vies. Un sentiment étrange m’habitait, beaucoup de guerriers veulent mourir au combat pour l’honneur et toutes ces choses, pourtant, je n’étais pas pressé de rejoindre les noms gravés sur cette pierre. Ce serait super de figurer parmi des grands noms, c’est clair, mais le plus tard sera le mieux. Je protégerais Atlantis et ma zone comme il se doit, mais je n’ai pas vraiment envie de mourir au premier combat.
Pour certains, la phrase de Cassandra aurait sonné comme un ordre, mais pour moi, c’était davantage comme un souhait, une demande de ne pas la voir disparaître. Avec un sourire, je la regardai de mes yeux azur.

« Ne vous inquiétez pas, cette stèle ne disparaîtra pas. L’histoire est importante, ceux qui nous succèdent doivent connaître les noms de ceux qui ont voué leurs vies à protéger ce lieu et le garder en sécurité. Elle restera où elle se trouve, traversant les siècles et les âges, comme un livre dont l’histoire continuera à s’écrire. »

Je fis quelques pas vers le lac froid, d’une profondeur inconnue. Il était beau, calme, pourtant en son sein pouvait receler mille dangers, comme cette cité actuellement. Le vernis sur la crasse.

« Des profondeurs que je dois surveiller, des marionnettistes dans l’ombre, un assassin en liberté, une fragilité au sein de la cité. Tellement de choses qu’il faut prendre en considération, si peu de temps pour respirer. Ma Chère Consœur, j’espère que nos relations futures pourront être de bons augures, qu’avec le temps, je trouverais grâce à vos yeux et à vos critères. »

L’heure n’était pas à se tirer dans les pattes, mais à se rallier et s’entraider. Malheureusement, qui voudrait répondre à cet appel quand on est habitué à la solitude et à observer en silence dans son coin ?

Cassandra demeurait un mystère à part entière ; une actrice et spectatrice des pièces qui se déroulaient sous ses yeux comme les plus lointaines. Toutes les représentations s’installaient dans son théâtre. Ainsi donnait-elle les informations qu’elle estimait utiles, tandis que les autres restaient en silence à ses bons soins. Il était du devoir des Lyumnades de se méfier de tous, après tout.

Une œillade smaragdine vacilla sur le lac, avant de glisser jusqu’au Général adverse lorsque ses interrogations retentirent. Au final, ils en revenaient toujours à Deukalyion. Se renseigner sur lui : une idée pour le moins farfelue. Pourtant, si Cassandra l’avait placée sous une étroite surveillance, elle mettait un point d’honneur à ne pas s’impliquer avec ce fou plus que nécessaire.

— Son nom ne figure pas sur la stèle parce que nous ne le considérons pas encore comme décédé. Seuls ceux qui ne sont plus s’y trouvent, qu’importe leurs actions envers Atlantis. Traîtres inclus.

Un brin d’amertume, peut-être, naquit de cette explication. Parmi les trois porteurs, deux s’avéraient être des traîtres de la pire espèce. Quant au dernier, il était sans doute trop doux pour ce bas monde. De son jugement, il n’avait probablement pas les épaules assez solides pour en supporter les conditions.

— Il me semble que le précédent Légat est à l’origine de sa libération, tant est si bien qu’il en est devenu son bras droit. Un tempérament vif, violent, en proie à certains démons.

Avec cela, les remembrances d’une silhouette blonde, déformée, refirent surface. Une cause, ou alors une conséquence de son comportement. Elle en était intimement convaincue et ses impressions à son égard n’avaient jamais changé, pas même après la venue de l’émissaire Osmund ni de cette sournoise entrevue.

— Il était dominé par quelque chose de sombre. Pour l’heure, il est porté disparu et, pour avoir été moi-même sur la piste, je ne peux rien vous affirmer de plus.

En définitive, Cassandra se fichait de la stèle en elle-même : elle ne souhaitait que conserver une trace pour des raisons qui ne concernaient qu’elle. La mémoire flanchait et l’histoire pouvait être réécrite. Non, vraiment, elle ne s’en inquiétait pas le moins du monde.
Sans ajouter quoi que ce soit, la demoiselle détourna de nouveau son attention vers l’étendue. Le corps du Général couvrait sa vue, mais elle ne l’observait pas véritablement. Ces grands discours ne lui faisaient ni chaud ni froid, et pas une miette d’émotion ne traversait son visage. Pour cela, encore fallait-il prouver que l’on était digne des attentes.

— Les devoirs d’un Général ne sont pas une promesse futile. Les discours mielleux ne sont d’ailleurs pas utiles, pas ici, tout du moins, et il ne tient qu’à vous que cette relation future fleurisse, Général.

Elle pourrait tout aussi bien pourrir, selon la direction que ce dernier prendra. Selon s’il acceptait de jouer, ou non, avec ses conditions. Cela, Cassandra lui laisserait le temps de l’apprendre, peut-être même à ses dépens. Il regrettera, ou non, cette entrevue.

— Cet aparté terminé, peut-être avez-vous d’autres questions ?

Sur Deukalyion, sur les autres, ou qu’importe.

Citation :

Puisque c'est un sujet pour te mettre un peu à jour sur le camp, je te laisse le lead sur les questions °°

On peut dire que cette Cassandra était des plus froides, même moi, je grelottais à côté d’elle et du tranchant de sa langue. Ma gentillesse naturelle avait laissé une mauvaise impression, alors je soupirai, passant une main dans mes cheveux, frottant un peu.

« Pardon, je crois qu’il y a méprise. Mes paroles ne sont pas mielleuses le moins du monde et honnêtement je ne veux aller nulle part. On me projette seulement dans un tourbillon d’informations et je dois faire semblant de tout comprendre, tout assimiler, que j’arrive à peser le pour et le contre.
Malheureusement, ce n’est pas aussi simple, même si j’aimerais.
Je vous remercie également pour les informations sur mon prédécesseur, cela me donne un plus large contexte pour des affaires qui m’attendent et comment comprendre mon écaille. »

Tout cela était presque ridicule. Je pensais qu’être ici aiderait mon invitée à se détendre, au contraire, elle restait dure et froide. Après un profond soupir, je me mis à marcher et invitai Cassandra à me suivre.
Nous sortons du parc et on commençait à se diriger vers le cœur de la ville. Des maisons étaient toujours en travaux, des enfants jouaient, mais c’était avec les moyens du bord, de statues toujours effondrées.

« Voyez-vous, on me donne la paperasse du coin, mais je ne connais même pas l’histoire de ce lieu, ce qu’il a traversé, ce qu’il a enduré. Je suis à peine arrivé que je suis pris de partout, demandé de partout. Vous n’êtes pas la première à vouloir me rencontrer et vous ne serez pas la dernière malheureusement. Ne prenez pas mal mes propos, j’apprécie votre démarche. J’en viens juste à me demander si j’aurais un moment le temps de m’occuper de ces personnes, de les protéger comme il se doit, leur fournir un toit convenable et surtout un quartier complètement habitable.
Je prends à peine mes fonctions qu’on me tient déjà écarté de mes devoirs, j’ai l’impression.
J’arrive à peine que déjà, on me parle de deux camps qui s’affrontent en politique, que je ne dois me fier qu’à moi-même et enfin que les ombres d’Atlantis hébergent des ennemis. »

Notre promenade nous fit traverser différents types de quartiers, certains complètement restaurés, d’autres complètement à l’abandon.

« Si mes paroles et ma gentille naïveté vous ont mis sur vos gardes, pardonnez-moi. Je ne demande pas que notre relation soit positive immédiatement et honnêtement, j’ai d’autres choses à m’occuper pour le moment. Je souhaite juste qu’on puisse marcher en tant que bons alliés et non être obligé de coopérer.
Ce quartier représente à bien des égards notre cité, j’ai juste envie de redonner sa gloire d’antan à cet endroit. Je veux simplement que les personnes puissent vivre en sécurité sans un tueur fou qui court de partout.
Tout ce que je souhaite, c’est que les personnes ici, puissent dormir paisiblement et vivre une vie décente, puisse s’ouvrir aux autres, ne pas les craindre ou avoir des préjugés à leurs égards.
Je sais aussi que c’est bien utopique et quasiment impossible, mais bon, si on ne vise pas des buts immenses et inatteignables, alors pourquoi on repousserait nos limites ?
Je vous avais dit quoi à propos de ma gentille naïveté ? »

Enfin, nous arrivions au bout de la ville, j’inclinais ma tête auprès de Cassandra.

« Je vous remercie de votre visite. Ce fut un agréable moment et presque une bouffée d’air frais sous toutes ces questions. Si jamais à l’avenir, j’en ai d’autres, je n’hésiterais pas à venir vous voir et je pourrais peut-être visiter votre quartier qui sait ?
Peut-être un jour, on parlera de ce jour comme le début d’une entente entre le Kraken et les Lyumnades, entre l’Arctique et l’Antarctique.
Si jamais vous avez besoin de mon aide, vous savez où me trouver.
À bientôt Cassandra des Lyumnades. »

Puis je fis demi-tour pour retourner à cette fichue paperasse.

Les justifications n’étaient pas requises. Précisément, Cassandra avait en horreur ce genre de raccrochages absurdes et maladroits. Marivauder n’était pas plus utile. Toutefois, elle ne commenta nullement sa tentative : une erreur somme toute naturelle pour un alevin. Ainsi bénéficiait-il d’un sursis, bien qu’elle conseillait fortement de ne pas en abuser.

Se dirigeant vers le cœur du secteur Arctique, la demoiselle laissait son regard virevousser discrètement sur les pierres et les habitations à construire. Comme ils l’avaient mentionné quelques minutes auparavant – ou peut-être était-ce uniquement dans ses pensées, le monstre n’arrivait pas au meilleur moment, compte tenu des guerres internes dans lesquelles certains tenteraient assurément de le happer. Il lui faudrait pourtant faire avec ces conditions particulières.

— C’est quelque chose qu’il vous faudra apprendre, si vous souhaitez mener à bien vos objectifs et vos tâches. La situation actuelle n’est pas favorable, certes, mais il ne tient qu’à vous qu’elle s’améliore. Tout du moins en ce qui vous concerne directement. Dans ce tourbillon se trouvent l’important, l’essentiel et l’accessoire, et, hélas, il n’y a que vous pour hiérarchiser tout cela en fonction de votre rôle. Cela vous permettra également de faire le point et d’éclaircir ce qui doit l’être.

Notamment ceux qui le tenaient à l’écart de ses devoirs. S’il s’en rendait compte, alors cela lui ouvrirait des possibilités, même si d’autres venaient à se refermer. Cela lui donnait des indices et des lignes à tenir.

— Si vous pensez avant tout au bien de la cité et de ses habitants, que vous agissez en ce sens, je ne vois aucune raison qui rendrait nos rapports conflictuels. Il ne tient qu’à nous de faire le nécessaire pour que les civils ne connaissent que la paix et les repas chauds. À titre personnel, je ne pense pas que votre souhait soit une utopie. Il s’agit de la raison même de notre combat, de notre lien avec notre écaille.

Elle s’arrêta un instant, alors que la promenade touchait à sa fin, entreprit une dernière salutation avant que le Kraken ne retourne, las, à ses affaires.

— Autrefois, l’Arctique et l’Antarctique se complétaient. Cette époque est révolue, mais rien n’empêche un nouveau départ. Je ne manquerai pas de vous contacter, alors faites-en de même si vous en ressentez le besoin.

Puis, elle aussi, l’éclipsa pour retourner au bercail.

Citation :

Sujet terminé, désolée pour le retard dans la clôture. On peut partir pour un deuxième round quand tu veux !