[Mi-mai 553] The Dark Below (Noah/Dardanos)

Ils avaient été appelés tard dans la nuit, bien après que la lumière émise par la voute aqueuse d'Atlantis se soit tamisée pour offrir à la cité sous-marine un semblant de repos nocturne. Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis le rituel des Muiens, et leur tentative de faire tomber le Royaume de Poséidon. La tempête était passé, et l'ordre revenait. Mais il était désormais de le devoir à tous de se préparer à celles à venir.

Arrivés à l'entrée du Temple de Poséidon à l'heure indiquée par les missives qui leur avaient été remis, les deux Généraux furent accueillis par deux serviteurs. Un homme et une femme. Mais pas tout à fait. Leur peu était pâle et par endroit couverte d'écailles. Des branchies étaient visibles sur leur cou trop long, et aux oreilles comme aux doigts, ils portaient des caractéristiques de créatures aquatiques. Leurs yeux étaient entièrement noirs, tels une mer d'encre.
Des Ondins. Ils étaient rares, à Atlantis. Et quasiment disparus à la surface. Ceux-là, plus anciens que la plupart, servaient Poséidon depuis des siècles en son Temple. Après s'être profondément inclinés devant les deux Bjornaer, ils tendirent chacun un bras dans une direction, avant de s'y diriger à l'unisson, à un pas parfaitement synchronisé.

Noah et Dardanos furent conduits au travers des colonnades du Temple jusqu'à la salle du trône de l'empereur des mers. Mais celui-ci était vide. Après s'être inclinés respectueusement, les deux ondins grimpèrent les marches jusqu'au trône impérial, et le dépassèrent. Se retournant brièvement, ils invitèrent les deux Marinas à les imiter.
Passé le siège du pouvoir, la pièce s'ouvrait sur un large balcon donnant une vue imprenable sur le Pilier Central et son immensité. Là, Poséidon était assis dans la position du lotus, et lévitait à une trentaine de centimètres du sol, ses cheveux flottant comme sous la surface de l'eau. Son Onde emplissait l'air, comme un courant lourd et permanent qui les entourait et se lovait autour de chaque silhouette, de chaque Pilier. Le rythme calme de la marée allait et venait, comme une respiration profonde. Les deux atlantes pouvaient presque sentir le Main Blade Winner pulser au même rythme, mais plus faiblement. Plus irrégulièrement.
Les dégâts causés par Okhéanos devaient encore être purifiés.

- Laissez-nous.

La voix calme mais autoritaire de Poséidon s'éleva. Les deux Ondins s'exécutèrent, partant l'un à gauche de la pièce, et l'autre à droite. Ils disparurent entre les colonnes, et deux portes se fermant se firent entendre. Noah et Dardanos étaient désormais seuls avec la divinité tutélaire d'Atlantis.

Un instant de silence plana, durant lequel les deux Bjornaer purent présenter leurs hommages à leur suzerain. Celui-ci ne leur répondit pas tout de suite. Lentement, presque religieusement, ils défit sa position méditative. Son Onde se dissipa peu à peu, levant la chape de plomb invisible qu'elle avait fait peser sur le Temple tout entier. Lorsque ses pieds nus retouchèrent le sol, Poséidon s'étira, comme l'aurait pu faire un homme mortel. A moitié, sa tête se tourna vers le Kraken et la Sirène Maléfique, leur accordant enfin un regard.

- Approchez, descendants d'Orion. Et posez les questions qui brulent vos lèvres.

Il savait déjà ce qu'ils allaient lui demander, bien sur. Mais avant que les Dieux puissent répondre aux prières de leurs suivants, celles-ci devaient d'abord leur être adressées.

Le calme était à peu près revenu dans la cité, les stigmates de la petite guerre qu’il y a eue étaient encore présente, mais au moins, je n’avais plus à courir après un assassin dans les rues ou à me battre contre une file qui sait envoyer des tigres aqueux dans le ventre. À ces pensées, je passais une main un peu fébrile sur ma panse, là où le tigre et autres techniques s’étaient bien amusés. J’avais recouvert de mes blessures et il était temps que je m’entretienne d’un autre problème qui risque de menacer la cité.

Dardanos avait été de mon côté et soutenu ma demande d’audience auprès du seigneur de la cité, ce cousin était mon plus précieux allié en ce moment, surtout au vu de ce qu’il allait être dit. Contre toute attente, ce n’est pas Endymion, mais Arhan qui accorda aussi sa voix pour cette entrevue. Je m’étais bien fourvoyé à son sujet, c’était une personne aimant profondément la cité, mais qui avait des méthodes un peu trop expéditives pour montrer son amour.

La nuit était venue et me voilà devant le temple du seigneur des mers, celui pour qui j’avais prêté allégeance en acceptant cette armure et les devoirs qui lui incombent. Mon cousin était là aussi, je lui fis un bref signe de tête avant d’être accueilli par une espèce que je pensais tenir du mythe. Le retour de notre souverain semblait signifier le retour d’autres changements bien venus. Je me mis à espérer que la cité allait repartir sur les rails du progrès et redevenir le phare dans la nuit qu’elle doit être.

Nos guides nous firent passer le siège de pouvoir pour nous conduire sur un petit balcon donnant une vue à se damner sur la cité, une vue digne de notre seigneur. Ce dernier était dans un état méditatif, puis congédia nos guides avant de me demander de poser mes questions.
Un bref sourire apparut en coin de mon visage, ainsi, il savait déjà, faisait-il juste honneur à mon rôle en m’autorisant les questions ? Quoi qu’il en soit, j’allais prendre avec plaisir l’invitation offerte.
Je posais un genou à terre, la main sur le cœur, en guise de salut, puis me redressai.

« Mon Seigneur, merci de nous accorder cette entrevue. Vous semblez déjà connaître la raison de notre présence, mais laissez-moi raconter quelques détails que je n’ai pas communiqué à Dardanos par le passé, l’urgence étant ailleurs à ce moment.

Lorsque j’étais dans la prison avec l’assassin qui courait dans la ville, j’ai senti un appel provenant des profondeurs, mon armure semblait agitée, je l’ai donc suivi et j’ai fini dans un endroit accessible seulement du détenteur du Kraken et de la Voix de Poséidon. À l’intérieur, j’ai trouvé une immense prison, scellé par des chaînes et une flèche d’or immense.

J’étais comme attiré par cette cage immense. Ce que j’ai surtout constaté, c’est la corruption des chaînes et de la flèche. Une substance se propageait dessus, comme de la rouille, mais c’était de la corruption présente pour détruire ce qui entravait ces choses prisonnières.
J’ai réussi à sortir de l’endroit en résistant à leurs appels. »

C’était un grossier résumé, mais suffisant pour que Dardanos soit à jour. Je poursuivis alors avec mes questions auxquelles j’avais été gracieusement invité.

« Mon seigneur, que sont ces choses enfermées ? Pourquoi j’ai le sentiment que le Kraken est lié à elles ? Si elles représentent un danger pour la cité, alors comment puis-je réparer leurs entraves avant qu’elles ne se libèrent ? Elles semblaient plusieurs, comme les bêtes des légendes.
Et surtout, pourquoi j’ai la désagréable impression d’avoir oublié un moment clef de mon escapade dans cette salle ? »

Les questions qui me brûlaient les lèvres venaient d’être lâchées. J’en avais d’autres en réserve, mais elles seront posées au fur et à mesure de la conversation. J’attendis alors que notre roi me réponde.

J’aurais aimé dormir. Passer la nuit dans le vide obscure des songes et pouvoir reconstitué les forces usées qui sont les miennes. Ces combats au Pacifique Sud ont été difficiles et j’en garde encore les stigmates. Moi comme le reste des Atlantes, plus que la cité elle-même. Pourtant, il y a des gens qu’on ne fait pas attendre. Le maître des marées est de ceux-là. Noah et moi avons bien des choses à voir avec lui, rapport au grand péril qui ronge les souterrains de la cité. J’ai pris le temps de soigner le plus gros de mes blessures, de manger un peu et surtout donc, de me reposer. Puis, vient le moment du grand rendez-vous et j’ai retrouvé mon cousin et maintenant compagnon d’armes. Nous sommes donc rapidement présentés à Poséidon, qui contemple toute la cité. Cette vue de notre maître posant les yeux sur nous, enfin de retour, me réchauffe le coeur. Je m’incline avec respect alors, attendant de recevoir de lui l’autorisation d’avancer et de parler.

Je laisse le petit prendre la parole. Après tout, c’est maintenant lui aura pleinement la charge de cette mission, plutôt que je n’en porte les restes sur les traces de l’ancien Kraken et des mesures de notre famille. Après tout, ce fardeau est le nôtre depuis des siècles. Je l’écoute alors, parler de son histoire de flèche d’or et d’Abysse. Je reconnais quelques détails et y vois les traces des inquiétudes récentes de l’ancien Légat et du précédent Karken. S’ils étaient au courant, en détail, de ces événements avec autant de précision, je peux comprendre l’inquiétude qui fut la leur. Mais nous avons besoin de réponse. Et il a beaucoup de choses à dire. Je comprends aussi pourquoi il n’a pas parlé de tout ça vu la direction que prenait la situation. Il a bien fait. Ne pas laisser tomber ces histoires dans les oreilles de nos ennemis a été une sage décision.

« - La garde des Abysses est la charge de notre famille depuis longtemps. Malheureusement… beaucoup de secrets ont été perdus. Vous êtes le seul ici mon seigneur à pouvoir nous aiguiller sur comment nous pouvons vous servir au mieux. Nous avons besoin de vos lumières pour lever le voile sur ces ténèbres. »

Les secrets de la cité sont nombreux, plus encore après l’air des mensonges du Légat précédent. Mais certaines choses doivent être gardées à l’abri des yeux du public. Ces ténèbres sur lesquelles nous sommes installés, en font partie. Nous serons donc ceux qui protégerons la cité d’elle-même s’il le faut.

Voyant que les deux Bjornaer avaient décidé de rester dans un retrait respectueux plutôt que de rejoindre leur Seigneur sur le balcon, Poséidon s'en retourna vers eux. Il ramassa sur un autel une toge brodée qu'il enfila pour couvrir ses épaules, la laissant cependant ouverte au niveau du torse. Il fit tout ceci en écoutant les déclarations du jeune Général du Kraken. Finalement, alors que Noah posait ses questions, le Dieu s'approcha avant de se positionner d'eux, mains croisées dans son dos. Il considéra le Patriarche Bjornaer lorsqu'il appuya la demande de son cousin. Les considérant de son regard azuréen d'une profondeur insondable, Poséidon demeura silencieux quelques secondes avant de prendre finalement la parole.

- Ce que je vais vous dire aujourd'hui, seuls ma Voix et le porteur du Kraken doivent le savoir. Orpheus et le précédent Général de votre Pilier auraient dû être présents pour vous préparer à tout ceci... Mais puisque la tragédie nous les a arraché, je remplirai cet office. Veillez à ce que ces secrets le demeurent, car il en va de notre survie à tous.

Un avertissement et des regrets donc, en préambule. Quelles que fussent les avis des deux Bjornaer sur ceux qui les avaient précédé, leur absence ne leur serait que détrimentaires. Hériter des responsabilités d'autrui sans y être préparé était une terrible épreuve. Noah et Dardanos allait bientôt le découvrir...
Poséidon prit une profonde inspiration. Enfin, il allait donner des réponses. A commencer par la plus centrale de toutes... La nature des Abysses.

- Les Abysses ne sont qu'un nom. Nous l'utilisons pour désigner des formes de vie qui ne viennent pas de ce Monde. Ce sont des êtres défiant la loi de notre réalité, existant dans le vide entre les Fragments. Ils n'ont pas d'existence propre, aussi puisent-ils leur force dans nos pensées et nos perceptions pour se manifester dans notre monde. Penser à eux, c'est les renforcer. Les nommer, c'est leur leur donner une emprise sur notre âme. C'est pourquoi les Dieux ont fait en sorte de faire disparaître toute trace de leur existence. Je ne puis donc vous donner plus de précisions, car les Olympiens ont supprimé leurs propres souvenirs de ce conflit pour les garder affaiblis.

Là était à la fois leur meilleure protection et leur plus grande faiblesse. Plus loin encore que le secret : l'oubli. Comment des Dieux avaient-ils pu en arriver à de telles extrémités? C'était là une preuve de l'étendue de la menace que ces être représentaient.
Poséidon poursuivit.

- Dans les temps immémoriaux, un passage fut ouvert vers leur dimension, et ils déferlèrent sur ce monde, menaçant de le consumer. Ni mortels, ni Dieux, n'étaient à l'abri de leur voracité. Au prix de grands sacrifices, ils furent repoussés, et l'accès à leur monde scellé par mes pouvoirs et par ceux d'Apollon. La Flèche de lumière sur laquelle tu as posé les yeux est la quintessence de notre union, le Sceau des Abysses. Seul le Kraken et mon représentant peuvent l'inspecter pour veiller à ce qu'il reste intact. Cela a été le cas... Jusqu'à l'année dernière.

L'aura de Poséidon fluctua. La colère qu'il avait ressentit à son éveil, lorsqu'il avait réalisé le changement dans l'équilibre de ce monde, était encore présente. Fort heureusement, les Bjornaer n'en étaient pas la cible. Ce fut avec une certaine empathie qu'il concentra son attention sur Noah, car à présent venaient les réponses aux autres questions qu'il avait posé.

- Comme toi, Orpheus et Deukalyon ont constaté que le pouvoir du Sceau s'affaiblissait. Nous soupçonnions que cela était lié au fait qu'Athéna, Déesse de la Sagesse, ait scellé la lumière d'Apollon à la suite de leur dernière Guerre Sainte, à la surface. Des mesures avaient été prises pour essayer de le renforcer... Mais leur tâche demeure inachevée, et désormais c'est à vous de l'accomplir.

Noah, en tant que Général du Kraken, était le premier concerné. Dardanos devrait cependant le seconder, car en tant que Consul, une partie des responsabilité qui furent celles d'Orpheus reposeraient désormais sur lui. Leur mission à tous deux serait donc d'éviter à tout prix que le Sceau vienne à se briser.
Poséidon fit un pas en avant, pour se retrouver tout proche du Général du Kraken. Il s'abaissa pour poser ses deux mains sur les épaules de Noah, et le forcer à se relever pour le regarder droit dans les yeux. Ce qui allait être dis le concernait particulièrement... Et n'allait pas être facile à entendre. Poséidon voulait être certain que le jeune homme pourrait encaisser cette révélation.

- Ce que tu as ressenti, jeune Noah, tu l'as bien nommé. Il s'agit de l'Appel. Tous ceux qui portent cette écaille le ressentent. Cette attirance vers les profondeurs, vers le sceau, ces voix... Ce sont celles des êtres des Abysses. Plus ton lien avec le Kraken se renforcera, plus ta puissance augmentera, et plus cet Appel sera fort. Tu devras apprendre à y résister... Et te préparer à mettre fin à tes jours lorsque tu te sentiras sur le point de vaciller.

Ce pouvoir et cette responsabilité étaient semblable à une malédiction, de bien des manières. Sans y avoir été préparé, Noah découvrait que ces terribles sensations qui l'avaient traversé ne feraient que gagner en intensité avec le temps, et qu'il devait choisir la mort plutôt que de céder aux tentations des Abysses.
Bon nombre de Krakens l'avaient précédé. La plupart avaient résisté assez longtemps pour former un successeur apte à endosser de leur garde, et ainsi de se libérer de ce poids. D'autres n'avaient pas eu cette chance, et avaient mis fin à leurs jours avant de commettre l'irréparable. Quant à ceux qui avaient cédé... Nul ne se souvenait de leurs noms, désormais. Seul demeurait que leur sort avait été moins enviable encore que la mort.

Après avoir soutenu le regard de Noah pendant quelques secondes pour juger de la réaction du jeune Bjornaer à ces révélation, Poséidon relâcha son étreinte. Avec une certaine gravité dans la voix, il poursuivit pour expliquer pourquoi une telle charge pesait sur le gardien de l'Arctique.

- Le Général du Kraken est le seul à pouvoir surveiller les Abysses sans que son esprit soit détruit. Il en devint donc le gardien. La raison à cela est simple... Le Kraken fut autrefois corrompu par les Abysses. Il devint l'un de nos ennemis, et il nous fallut, à moi et à mon épouse, déployer de grands moyens pour le ramener. Cependant le lien avec ses anciens compagnons subsiste. Il peut les surveiller, s'assurer qu'ils ne reviennent jamais... Mais il ne sera jamais complètement libéré de leur influence.

Tel était le destin de ceux qui recevaient la bénédiction du Kraken.
Il n'était nulle Scale sans poids pour son porteur, mais certaines étaient toujours plus lourdes que d'autres...

Ainsi la menace qui pèse sur la cité est plus grande que je pensais. Non seulement, j’avais ressenti l’Appel, mais j’avais failli y succomber sans l’intervention de mon armure qui m’avait arrêté mon bras. De plus, il était préférable que je me donne la mort que d’y succomber, donc le danger était si immense que c’était mieux de perdre un porteur que de voir ces choses relâcher dans la nature. Plus dangereux que l’invocation des muiens alors ? Je fus pris d’une sensation de vertige quand mon seigneur me releva pour me regarder. Le doute n’était pas permis, le Kraken m’avait choisi, à moi d’assumer le rôle complètement. Je confirmai à travers mon regard que j’étais prêt.

Poséidon m’informa aussi que ces formes de vies avaient réussi à corrompre le Kraken par le passé, cela faisait-il partie des choses que j’ai oubliées ? Si tout fonctionne sur le fait de les connaître, un sort m’a enlevé une partie de ma mémoire pour éviter de penser à ce que j’ai entendu ? Tout cela était si compliqué. Malheureusement, des questions restaient en suspens. Je regardais mon cousin guettant ses réactions, car même si la majorité reposait sur mes épaules, il lui incombait d’autres tâches qui n’était pas si enviables.

« Je sais que Dardanos et moi pourrons coopérer de manière efficace, nous l’avons déjà fait par le passé, comme une ébauche, le futur jouera en notre faveur dans ce duo. J’ai pleinement confiance en mon Patriarche, c’est bien le seul de ma famille de sang d’ailleurs. »

Je regardais à nouveau Poséidon, les informations essayant encore tant bien que mal de se réorganiser dans ma tête.

« Si vous les avez oubliés comme vous dites, pourquoi alors vous en conservez une histoire précise ? J’imagine qu’Apollon est dans le même cas ? Ces souvenirs, sont-ils effacés ou simplement scellés ?
Et si toute trace d’eux a été rayé de l’histoire, alors comment pourrions-nous faire pour renforcer le sceau et éviter qu’ils déferlent sur notre monde si on a aucune connaissance d’eux et par ce fait, la manière de les garder sous contrôle ?

La plus grosse sécurité de ce procédé est l’Oubli des Olympiens. J’imagine que dans votre sagesse vous avez quand même posé d’autres sécurité pour nous aider à consolider le sceau, quelles sont ces méthodes ? »

Mes paroles sortaient en un débit incontrôlable à cause des réponses de Poséidon qui ne faisait que poser davantage de questions. Mon poing frappa alors mon armure en guise de salut et de détermination.

« Mon Seigneur, s’il le faut, je suis prêt à parcourir les quatre Enfers et m’aventurer dans le Tartare. Je refuse de voir les habitants de cette cité plonger à nouveau dans le désespoir et la peur. Je sais maintenant qu’en acceptant cette armure, j’ai accepté de donner ma vie en cas extrême pour protéger le sceau et le rôle du Kraken. J’en accepte pleinement le prix si cela peut maintenir ces choses emprisonnées.

Alors dites-moi, s’il n’est pas possible de les renvoyer dans leur monde d’origine, que dois-je faire ? Auriez-vous une piste à suivre ? »

Puis vint mes dernières paroles qui signaient mon acceptation de ce rôle.

« Auriez-vous en tête une personne suffisamment forte d’esprit pour devenir aussi mon apprenti ou dois-je le chercher moi-même ? Si cela peut éviter une nouvelle faille de sécurité comme il y a eu avec Deukalyion. »

Évidemment que je n’étais pas heureux de mourir si le cas se présentait, mais en acceptant cette mission, j’acceptais aussi les conditions pour la remplir. Si les choses dégénéraient dans le futur, quelqu’un devrait être là pour prendre la succession et Dardanos ne pourrait pas cumuler les casquettes.

C’était donc ça le secret que portait mon sang depuis si longtemps. Je n’en avais entravé qu’une fraction de ce qu’il en était, dans les vieux dossiers de Deukalyon et les quelques souvenirs que j’ai des anciens. De même que ce que j’ai pu trouver dans nos archives personnelles. Mais j’étais loin de me douter de l’entièreté de la menace. Heureusement que le seigneur des mers c’est éveillé car cette culture du secret a manqué de nous coûter très cher. Trop cher. Mais vu l’importance de la tâche, je comprends parfaitement la nécessité et j’ai bien fait de tenir à distance tous les curieux. Tout un monde monstre et de mystère sous la cité… Voilà l’horreur que notre sang doit défendre contre laquelle nous devons protéger la cité. Une lutte sans fin et j’espère honnêtement que Noah aura les épaules.

Pas que je ne lui face pas confiance, mais que la tâche est colossale. Un humain pourra-t-il vraiment porter ça tout seul ? La présence de la lumière d’Apollon n’a rien de rassurant non plus dans cette histoire. Le dieu solaire n’est pas connu pour sa constance mais qui de mieux que lui pour chasser les ombres ? L’autre option aurait été le titan Hélios mais je doute qu’il soit en bons termes avec notre maître. Le devoir sacré du Kraken est donc l’entretien de ce sceau. Je comprends mieux encore une fois certaines choses et certains vieux textes familiaux sur lesquels j’ai pu mettre la main sans en connaître ni comprendre le sens. Et le Kraken avait tissé son lien avec ces monstres. Après tout, lui-même était le monstre incarnant les créatures des abysses.

Noah répond alors, et je commence par lui adresser un signe de tête, simple mais efficace. Je saurais lui apporter le soutien qui lui sera nécessaire et les coups de pieds au cul au cas où il viendrait à regarder ce sombre soleil de trop près et lui empêcher d’ainsi se brûler les ailes. Je ne pourrais porter ce problème à sa place mais je peux lui éviter d’avoir à le porter seul. Pour le reste, sa détermination de fer était un bon signe. Je sais qu’il a eu maille à partir avec son adversaire lors de la défense de son pilier, il allait falloir travailler tout ça. Et je pense que me dérouiller un peu ne ferais pas de mal. Pour le reste… il n’y avait pas beaucoup de candidats acceptables pour le moment dans la cité. Tristement… Je donnerais bien mon avis à ce moment-là, mais c’est au seigneur des mers que la question est posé et il serait déplacé de ma part de lui couper l’herbe sous le pied. Mais je sais néanmoins qui il faut éviter. J’ai néanmoins moi-même quelques questions à poser.

« - Endymion, Ahran et moi nous partageons la charge du Légat. Dans quelle mesure doivent-ils être informé de ces informations. La nature principale doit être un secret, mais si mes activés débordent sur les leurs, je pense notamment à Endymion à qui vous avez confié notre politique extérieur. »

Je comprends pourquoi ces éléments doivent rester dans l’ombre. L’idée de voir la cité construite sur ce qui risque de la détruire causerait plus de panique qu’autre chose, surtout en ce moment. Nous avons besoin de calme et d’unité.

Le flot de questions qui fut déversé par le Kraken en réponse à toutes ces révélations fut aussi violent que la crue d'un fleuve. Poséidon, qui s'attendait à cette réaction, resta de marbre malgré le chaos qui régnait dans les paroles du jeune homme. Même pour l'ébranleur de sol, il était difficile de lui en vouloir... A moment donné, il leva simplement la main pour forcer le jeune homme à s'arrêter. Le Seigneur des Océans voulait lui répondre au fur et à mesure, avant que ses premières questions ne tombent dans l'oubli.

- Zeus, Hadès et moi-même avons conservé certains de ces souvenirs pour veiller à ce que cette menace, et ce qui causa son apparition, ne survienne plus jamais. Il fut permis également à Apollon de garder quelques fragments sous forme physique. Aujourd'hui, il ne les possède pas, mais il a dû les sceller dans un objet ou une personne, dans l'éventualité où il en aurait un jour le besoin.

Le fait que leur seigneur évoque ces éléments n'était pas anodin, mais il y reviendrait par la suite. Noah voulait en savoir plus sur cette étrange amnésie qui affectait les divinités de leur Panthéon. Autant donc commencer par lui parler de la source de celle-ci.

- Le Sceau est ce qui réprime notre passé. La lumière d'Apollon ne fait pas qu'affaiblir les Abysses. C'est l'influence qu'il exerce sur le Temps qui veille à ce que nos mémoires demeurent incomplètes. Si le Sceau se brise, nos souvenirs reviendront... Mais ce n'est pas là une issue souhaitable.

Bien sur, tout aurait été plus simple en récupérant la mémoire des guerres passées. Mais cela ne pourrait se faire qu'en payant un prix bien trop terrible pour n'être qu'envisagé. Il leur fallait trouver d'autres solution. Le visage de Poséidon devint cependant contrit... Il lui était désagréable de ne pouvoir lui-même savoir comment guider au mieux ses hommes. Lui, comme eux, avançaient à tâtons dans l'obscurité. Tout ce qu'il pouvait, comme le demandait le Kraken, c'était leur fournir des pistes.

- Pour éviter cela, il faut reproduire le rituel qui amena la création du Sceau... Ou trouver la raison de son affaiblissement. Les âges qui se sont écoulés ne sont peut-être pas la seule raison à cela! Je n'en sais malheureusement pas plus. Je sais comment le Sceau a été créé, où se trouve la porte qu'il scelle et les protections qui y ont été placés, comment retarder la corruption des Abysses, mais guère plus... Peut-être Zeus, Hadès et Apollon ont-ils conservé d'autres souvenirs que ceux que je possède, et qui complèteraient les pièces de ce puzzle.

Noah continua alors, renouvelant son engagement à leur cause et à celle d'Atlantis. Si Poséidon sembla apaisé par sa dévotion, un léger sourire ironique apparut cependant sur son visage. Le jeune homme allait trop vite en besogne. Le Roi de la cité se pencha légèrement vers le Général de l'Arctique pour le corriger avec douceur.

- Non, tu te méprends sur un point, Noah. Le Sceau est gardé dans les profondeurs d'Atlantis, mais la prison qu'il scelle se trouve ailleurs. S'il se brise, nos ennemis ne déferleront pas des souterrains d'Atlantis, mais depuis... L'Antarctique.

Une hésitation marqua les paroles de Poséidon. Ce détail qu'il allait aborder était un secret que même les Bjoernaer n'avaient jamais eu connaissance. Ils étaient les gardiens du verrou. Mais la porte verrouillée, elle... Avait toujours été à la charge de la famille qui leur était opposée géographiquement.

- Le Sheol est l'ouverture par laquelle les Abysses se sont déversée sur le monde. Nous avons repoussé la plupart de ces créatures par cette porte dans leur propre dimension avant de la sceller à jamais. Ces monstres guettent depuis l'occasion de retourner dans notre monde. La question de les renvoyer d'où ils viennent ne se pose donc pas : c'est déjà le cas.

Les détails étaient perdus à l'histoire et aux Dieux, mais Poséidon avait conscience de ces grandes lignes. Il ne savait pas ce qui avait permis de repousser cet ennemi si terribles que même le Divin avait tremblé de peur. Il ne savait pas ce qui avait exactement causé leur apparition et la création du Sheol. Cela, il leur faudrait le découvrir eux-mêmes.

- Je ne peux vous apporter toutes les réponses. Il faudra vous tourner ailleurs pour trouver des solutions. Apollon doit en posséder, et il nous faudra de toute façon son aide. Mes frères Hadès et Zeus pourraient également être de bon conseil... Mais ils sont en sommeil, et hors de notre portée.

Leurs options étaient limitées. Mais à situation désespérée... Des solutions désespérées pouvaient être envisagée.

- Il y a une autre piste... Les êtres des Abysses avaient formé des cultes lorsqu'ils tentaient de détruire notre monde. Certains ont peut-être subsisté. Les trouver pourrait nous donner de nouvelles informations. Mais comme vous le savez, plus nous en apprenons, plus nous risquons de les renforcer. Et si ces suivants des Abysses apprennent que le Sceau est affaiblis...

L'air sombre qu'affichait leur Seigneur put aisément indiquer aux deux Bjornaer que cette option ne l'enchantait guère. Partir à la recherche de cultes élusifs alors que la guerre contre Mu était déjà sur eux serait tout sauf simple. Et les savoirs qu'ils en retireraient pourraient provoquer leur chute. Le plus simple restait d'espérer que l'aide d'Apollon et de ses Oracles suffirait à restaurer la puissance du Sceau. Mais l'espoir pouvait être guider autant à la victoire qu'à la chute...
Poséidon resta concentré sur Noah alors que venaient de questions sur comment trouver un successeur. Le Roi des Mers sourit à nouveau au jeune homme.

- Ta volonté honore ta famille, Atlantis, et moi-même, jeune Noah! Tu es cependant la seule personne à connaitre toute l'horreur et les douleurs qui incombent au Gardien des Abysses. Toi seul pourra juger de qui possède les qualités pour te succéder. Prends le temps de bien considérer cette question. Tu ne possèdes cette Scale que depuis peu, et l'Appel mettra plusieurs années avant de ronger ta détermination. Cela viendra en temps voulu.

Il n'y avait nulle raison de trop hâter ce genre de chose. Poséidon avait confiance que Noah rencontrerait un élève digne de lui à l'avenir. Ils avaient tous pour l'heure d'autres priorités, et des soucis bien plus pressants dont il fallait s'occuper.
Dardanos, resté silencieux pendant tout ce temps, prit finalement la parole. La question qu'il posa fut des plus logiques et pragmatiques. Puisque le sceau du secret pesait sur toute cette affaire, comment travailler avec les autres Consuls qui en ignoraient tout? Poséidon hocha la tête pour acquiescer à cette interrogation assez délicate.

- Je me chargerai d'informer les deux Consuls de ce qu'ils doivent savoir. Endymion et Arhan seront amenés à se déplacer souvent, et à rencontrer de nombreuses personnes, alliés comme ennemis. Ils sont puissants, mais aucun n'est à l'abri d'une manipulation politique ou mentale qui les contraindrait à partager ce qu'ils savent au sujet des Abysses. Je ne leur dirai donc que le strict minimum. Si la situation s'aggrave... Je laisse à votre appréciation la possibilité de leur dévoiler plus de cette affaire. Notre Voix a déjà informé d'autres de cette menace, par force de nécessité. Il en va de même pour vous!

La menace des Abysses était trop importante pour que Poséidon impose le secret absolu. Il appartiendrait aux deux Marinas ici présent de mesurer ce qu'il serait approprié de révéler aux deux Consuls, en fonction de ce qu'il adviendrait.
Le Seigneur des Océans retomba à nouveau dans le silence. Il attendit de voir si Noah et Dardanos avaient d'autres questions qui appelaient des réponses, avant de continuer plus en avant.