[Fin mai 553] Une simple main tendue (Dardanos - Endymion)

Le premier pas.
Une main tendue.
Bref, après quelques jours de repos bien mérité et de prise de fonction officielle, j’avais pris la décision d’aller au devant de Dardanos et d’Arhan afin de débuter une entente cordiale, en faisant fi du passé.
Et pour débuter ce véritable chemin de croix, j’avais choisi de me rendre à la demeure de la nouvelle Sirène maléfique. Celui là même qui avait pris l’initiative de me remettre mon écaille, au plus fort des combats, tenant ainsi sa parole. Ce dont je lui étais gré.
Protocolaire par souci d’apaisement, j’avais fait annoncé ma venue par un coursier, et patientais désormais dans le hall dédié aux visiteurs.
Revêtu de mon uniforme de capitaine, et non de mon écaille, j’avais fait au mieux pour présenter un aspect respectable… Non réellement pour Dardanos, mais davantage pour ses gens et les passants dont j’avais croisé la route.
Aujourd’hui, c’était le consul des Brises qui venait à la rencontre de son homologue, et non le redoutable dragon des mers. Une habitude que j’allais devoir faire mienne, afin de rassurer un peuple en peine, et désireux de se nourrir de symboles forts.
Bras croisés, confortablement installé dans un fauteuil rembourré, je laissais mes pensées vagabonder le long de cette attente. Que savais-je de Dardanos ? Bien peu de choses au final. Du peu que j’avais eu le temps de glaner, il était un cousin de Noah du Kraken. Et avant même Nimue, il avait porté la scale qui venait de lui être rendu. Un homme d’expérience, donc, et pas seulement un politicien parmi tant d’autres.
Nous pouvons donc nous entendre, tels deux soldats vétérans. Et ce statut autorisait la rude franchise militaire, au lieu des courbettes des alcôves feutrées.
Qu’avait pensé Dardanos de ses prédécesseurs ? Nimue, puis Emrys ? Nul doute que les O’Bannon voyaient d’un mauvais oeil que la scale placée d’ordinaire sous la tutelle familiale soit retournée protégé le membre d'une autre lignée… Tout comme Etrius avait conçu mon lien avec le Dragon des mers comme une hérésie.
Peut-être un autre point de commun à placer dans la balance de l’entente cordiale.
Quelle prise de tête la politique...

Saisir un poisson avant qu’il ne se glisse hors de sa nasse.
Voilà la pensée qui me traversa l’esprit en pénétrant dans le bureau occupé par Dardanos.
Son écaille à proximité, le nouveau général semblait sur le départ. Vraisemblablement pour laisser la place à Noah, et se libérer de ses anciennes obligations.
Son salut fut cordial, et il m’invita à prendre place avant de remplir deux verres d’un breuvage familier à gout de pomme.
Allant droit au but, Dardanos me demanda la raison de ma venue, ce qui eut le don de me faire sourire de toutes mes dents. Connassant un peu le bonhomme, il avait dû s’attendre à une telle visite, à un moment ou un autre. Pour autant, la nouvelle Sirène Maléfique me laissait entamer notre valse, selon mon propre rythme.

Eh bien… Avant toute chose, je souhaitais vous remercier. Si vous ne m’aviez pas rendu mon écaille au bon moment, l’issue de la bataille aurait pu être toute autre.

Pour le coup, j’étais sincère. Et je m’emparais donc du verre qui m’était destiné afin de le brandir en hommage à mon vis à vis.

Les paroles s’envolent vite, mais les actes marquent la mémoire. Je n’oublierais pas votre geste. Ceci étant dit, vous ne serez pas bien étonné de la seconde raison de ma venue…

Tout en décontraction, je m’appuyais contre le dossier de mon siège avant de porter le verre à mes lèvres… Pour les tremper, dans un premier temps.

Arhan, vous et moi sommes désormais liés. On peut penser ce que l’on veut de cette situation, mais il nous faut faire avec… Me voici donc face à vous pour mieux accorder nos violons et partir sur de bonnes bases.

Une attitude volontariste qui pouvait dénoter avec ma réputation sulfureuse. Quoique si Dardanos avait prit le soin de se renseigner à mon sujet, mon caractère teinté de franche camaraderie avait pu lui parvenir aux oreilles. Serpent rusé, Diable calculateur d’un coté, mais également bon vivant de l’autre. Voilà mes deux facettes. Or, de prime abord, j’avais jugé préférable de présenter la seconde à un homme à qui je me retrouvais lié à vie.

Comme vous vous en doutez, je vais quitter la cité d’ici peu, afin de porter la parole de Poséidon à la surface, tout en cherchant de nouvelles alliances face aux Muiens. Et j’ai besoin de savoir comment le port d’attache que je quitte aura évolué à mon retour…

Pour jouer les bonnes cartes, encore fallait-il les avoir en main. La vision de Dardanos, comme celle d’Arhan allait m’aiguiller pour définir ma propre partition. Et une relation de confiance s’imposait, malgré mes sentiments envers ces deux hommes.
Je décidais donc de rendre hommage à ma réputation et de ne pas prendre de pincettes.

La guerre aura laissé de nombreuses cicatrices… Et nul n’est tout à fait blanc. Je ne vais donc pas y aller par quatre chemins, Dardanos. Quels sont vos projets, vos ambitions pour remettre Atlantis sur pied ? Comment voyez-vous les choses ?

Une leur taquine embrasa alors mes pupilles.

Et si on se tutoyait ? Inutile de faire des manières dans un ménage à trois.

Quel homme étrange…
Pince-sans-rire, soufflant le chaud et le froid. Un trait de caractère qui n’était pas pour me déplaire.
Le feu d’Arhan, ma froide désinvolture et la neutralité pragmatique de Dardanos. Nous formions bel et bien un ensemble complémentaire. Poséidon ne s’était pas trompé.
Et là où des divisions pouvaient naître, il convenait de tendre des mains amicales afin de transformer nos différences en attributs complémentaires.
Face au funeste projet affiché par mon interlocuteur, je répondis par une moue amusée. Et son sourire se mêla rapidement au mien, plus subtil.

Seuls les fous dansent sur les ruines. Et puis… Quelle perspective ennuyeuse et déprimante que de vous voir régner sur une Atlantis déjà bien en manque de fraîcheur…

Le dirigeant d’un ancien régime, l’un de ses associés et son opposant principal. Une nouvelle fois, nous symbolisions une paix entre passé, présent et avenir. Et imaginer que ce frèle équilibre soit brisé par mes deux compères relevait d’une fable cocasse. Au moins, Dardanos ne manquait pas d’humour, et cela attisa son coté sympathique à mes yeux.
Mais une grimace passa brièvement sur mes traits à l’évocation du nom d’Emrys.
Encore un boulet disparu après avoir causé un maximum de dégâts…

Je te souhaite bien du courage. Mais c’est également une chance unique de pouvoir emmener Atlantis vers un nouvel age d’or, et d’apprendre de nos erreurs passées. J’espère juste que l’ombre de la guerre à la surface ne viendra pas mettre un coup d’arrêt à ces projets.

Acteur consommé, je déployais mes vingt-deux arcanes en une farandole dansante dans les airs. Et sur un claquement de doigts, quatre cartes fusèrent du ballet afin de venir se dévoiler à notre vue.

Le chariot, l’étoile, le soleil et la tour de Babel… Voilà ce qui se présente à ma vue, depuis la fin du conflit. Guerre, lumière brûlante, espoir et déclin. Les temps à venir risquent d’être bien agités, une fois encore. Nous marchons sur un fil… Mais j’ignore encore qui se prendra la tour sur la tête.

Arès, Athéna ou Apollon. L’un de ces empires risquait de connaitre une période bien obscure. Mais le plus inquiétant était que sa chute pouvait entrainer celle de l’ensemble du tirage.

Le seigneur Poséidon et moi avons abordé toutes les options possibles… Et je penche sur un rapprochement avec les Oracles, dans un premier temps. Deux forces affaiblies peuvent s’unir efficacement et de manière équilibrée, afin de présenter un front commun aux menaces extérieures. Ils ont besoin de nous, presque plus que l’inverse. Et mes relations avec le Sanctuaire pourraient jouer en leur faveur, et nous attirer leur reconnaissance sur le long terme.