[Fin avril 553] La campagne de Carmélide [Xana]

Un peu de solitude au milieu des arbres et des sentiers connus fit du bien à la jeune femme. Et dire qu'il y avait à peine quelques semaines de cela, elle était ressortie de ces mêmes bois en portant la Coupe pour la première fois, avait fait ses adieux à son clan de druides et embrassé une vie fort différente. L'idée de partir les retrouver était tentante, mais pouvait aussi couper à la racine son ambition de servir la terre autrement.

L'arrivée de Xanathos la coupa dans son dilemme intérieur et comme lui elle avança sans un regard -de toute manière inutile- dans sa direction.

"Pas vraiment. En fait j'ai réfléchi encore un moment après que tu sois dormir, et je pense qu'aller directement dans le territoire de la reine Mebd est trop difficile pour nous. Sans parler de nos compétences ou de notre confiance l'un en l'autre, je connais peu ce territoire, les soldats qui y résident, et encore moins l'occulte qui s'y rapporte. Et, pour être tout à fait honnête... j'ai aussi un peu peur. Comme je te l'ai dit, les Calédoniens et eux sont ennemis depuis bien longtemps."

Elle déglutit une seconde, imaginant les têtes de ses parents si Kaleb venait leur annoncer un jour qu'elle était retenue prisonnière en plein Connaught.

"Puisque nous n'avons aucune piste sérieuse, si ça ne te dérange pas, je voudrais m'arrêter en Calédonie -le territoire juste au sud du Connaught. Comme c'est mon pays natal, je devrais pouvoir demander des informations dans les villages sans même avoir à me justifier. Par contre, cette fois, il faudra bien veiller à ne parler ni d'Athéna, ni du Dieu chrétien, ni d'autres divinités que les Celtes."

En songeant qu'elle agissait au service d'une Grecque, Dana ressentait toujours une sorte de malaise. C'était comme se laisser assimiler par une puissance plus grande pour éviter de disparaître, sans toutefois adhérer à toutes ses valeurs et son style de vie. Un peu comme lorsque Rome avait conquis une petite partie de la Bretagne, puis s'était retirée pour négocier la paix tout en influençant l'île avec son vin, ses armes, son style de vie, sa politique...

"Ah, et aussi... Je ne sais pas si tu réalises, mais nous devrons traverser deux royaumes entiers pour y arriver. Autant le faire à un rythme normal, peut-être croiserons-nous des marchands ou quelques bardes, mais cela va nous prendre longtemps. Plusieurs semaines au minimum, plusieurs mois si les conditions de voyage se sont vraiment gâtées avec l'arrivée d'Artorius au pouvoir. Et euh... je ne sais pas monter à cheval, voilà."

Dana avait continué à réfléchir sur la situation et elle pensa que se rendre directement sur le territoire de la reine Mebd n'était pas une bonne idée, elle ne savait pas ce qui pourrait les attendre là bas que ça soit au niveau des forces en présence et de quel dieu ils pourraient servir. Il est vrai que tomber sur des marinas ou autres ne nous aiderait pas dans notre mission basée sur la discrétion. Sans mot dire, le Phoenix continuait à écouter la sainte qui lui demanda s'il était possible d'aller à la rencontre des siens en Calédonie. Elle pourrait ainsi questionner les habitants de ce lieu en toute tranquillité sans qu'on lui pose des questions sur leur motivation à retrouver la prêtresse. Il ne faudrait cependant pas parler de leur déesse ou du dieu unique en leur présence mise à part les dieux celtes dont Xanathos ne connaissait absolument rien. Continuant sa marche, regardant le chemin qui s'offrait à eux dans la forêt il lui répondit:

" Bonne idée, ils seront peut-être mieux à même de nous renseigner et nous guider à retrouver Eirwen. Dire que j'ai croisé cette femme il y a trois années de celà, je n'aurais jamais cru la rechercher un jour... "

Il avait presque oublié cette mission, il ne se rappelait quasiment de rien mise à part qu'il accompagnait deux chevaliers d'or, qu'il avait rencontré le dénommé Asher qui avait l'air d'un fourbe et dont la prêtresse n'avait pas une super entente avec lui... Il avait du quitter le village en catastrophe, transportant les deux gold saints évanouis. Quelque chose ne tournait pas rond avec ces deux Asgardiens là en tous cas et Xanathos se méfiait e Asher qui était pourtant aujourd'hui à la tête de ce royaume, il pensa qu'il devra sans doute prendre de drôles de décisions à l'avenir s'il devait la croiser, du moins aucun contact n'était permis, mais bon... Dana le sortit de ses pensées en prévenant le bronze que le voyage prendrait des semaines voir des mois pour arriver à destination, la réaction à chaud du bronze ne se fit pas attendre:

" DES MOIS ??? Holalaaa ... Je ne pense pas avoir pris suffisamment de vivres pour un tel voyage, j'espère que nous croiserons des commerçants ou au moins des tavernes sinon nous sommes mal et allons mourir de faim sans avoir retrouvé la prêtresse ... Je pourrais encore chasser mais je ne voudrais pas me perdre si on devrait se séparer ... Enfin cette mission va nous endurcir et ce sans combattre c'est déjà ça et moi je découvre le paysage. Il faut voir le positif dans le négatif. HA ... HA ... "

Dit il en riant jaune ... Voir le positif était peut-être le seul moyen pour le saint de continuer ce voyage qui serait somme toute interminable, il espérait croiser la prêtresse la maintenant tout de suite mais il pouvait toujours rêver.

" Aura t'on la joie de rencontrer des bandits en chemin ? Ca nous fera de la distraction au moins ... "

Il l'espérait dans un sens ...

Le Saint semblait réellement pressé de mettre la main sur cette Asgardienne. Se pouvait-il que quelque chose les liait tous les deux ? De l'amitié ? ... Plus ? Dana se sentait toujours un peu à l'écart quand ils en parlaient, mais elle ne fit pas de commentaire indiscret. Tant que le Phénix se concentrait sur le but de leur mission et évitait de prendre des risques inconsidérées, ses raisons importaient assez peu.

"Évidemment qu'il y a des tavernes, bêta. Comment crois-tu que font les druides ? Et les commerçants ? Les soldats ? Je sais que les Bretons sont vus comme des rustres par les Sudistes mais là c'est un peu fort ! Mais si nous pouvons économiser un peu en dormant à la belle étoiles les soirs de beau temps, ce serait bien aussi. Nous ne savons pas combien de temps va durer cette mission. Nous ne savons même pas si nous allons effectivement trouver quelque chose... Alors ne dilapidons pas nos fonds trop vite."

Tout en parlant, la rouquine continuait d'avancer d'un pas sûr et assez rapide. Ce n'était pas en se lamentant qu'ils arriveraient à bon port, mais en continuant la route, et le Phénix réaliserait alors qu'une telle entreprise serait loin de prendre des mois, avec de la bonne volonté.

"Promis, s'il y en a, je te laisse les bandits. Rappelles-toi juste que nous sommes sous couverture civile."

En espérant que cela le motiverait un peu.

*

Une semaine plus tard, ils avaient dépassé les frontières du royaume central d'Artorius pour entrer en Carmélide -Dana avait emprunté le même chemin qu'à l'accoutumée, trouvant aux mêmes endroits les mêmes bornes délimitant le passage de l'un à l'autre, que même aveugle elle avait pu indiquer à son compagnon de route. Comme annoncé, ils croisaient régulièrement du monde, de l'apprenti-chevalier en quête de gloire au colporteur étalant ses denrées exotiques. La druidesse laissait les gens louches aux bons soins de Xanathos et attendait sagement qu'il se fût défoulé avant de repartir, parfois en chanson, de bonnes vieilles mélodies celtes de son pays natal.

Elle bifurqua brusquement hors du sentier comme elle le faisait parfois, détournée par le bruissement de l'eau ou l'odeur de plantes comestibles.

"Remplissons nos gourdes ici. Le chemin va monter un peu plus loin et nous trouverons moins d'eau dans les vallons."

Le Saint avait l'air de tenir la cadence, même si elle l'entendait parfois maugréer au sujet du vin.

"Alors, comment trouves-tu la Bretagne ?"

A la grande satisfaction du Phoenix, le voyage serait moins pénible qu'il ne pourrait l'être, Dana appelait Xanathos un sudiste mais pour dire vrai, même s'il était né sur Death Queen Island, il ne connaissait rien à l'Europe ou peu pour être allé une seule fois en Germanie où l'endroit était dans la même que la ville qu'il venait de quitter, froide et boueuse. La plupart du temps le saint était resté en Italie ou encore en Grèce. Il voulait expliquer cela à Dana mais il se retint, à quoi bon, la priorité était la mission et le bronze n'avait pas envie de reprendre une énième dispute avec la coupe qui était sans doute déjà pleine. Dana lui conseilla de faire attention s'ils venaient à croiser des bandits en tous genres, à cause de leur couverture civile.

" N'aie crainte, à Rome, pendant que je devais gagner ma croute pour survivre dans les combats de rue, je n'utilisais pas mon cosmos, histoire qu'il y ait un peu de sport. Tu vois ? "

Combien de fois le saint avait il joué avec sa vie afin de rendre les combats plus intéressants, puis il ne voulait pas que les hommes du sanctuaire le retrouve après sa fuite face à Athéna lorsqu'il avait perdu son armure de bronze la première fois. Parfois le saint revenait en boitant ou en se tenant le bras remettant son épaule en place la plupart du temps et le lendemain rebelotte. Et, pour son plus grand plaisir, Xanathos put se défouler sur certaines personnes mal intentionnées qui leur barrait la route. Comme promis le saint n'utilisa pas son cosmos se contentant d'en finir le plus vite possible et ce sans bavure.

*

Après une semaine de marche, le saint s'était accoutumé du climat plus frais du nord même si ce n'était pas trop son truc, ils voyagèrent sans encombre, Xanathos s'occupant des bandits s'il y en avait. Dana connaissait parfaitement le chemin et ce même aveugle, ils ne se perdirent jamais. Elle sortit soudain du sentier et conseilla de remplir leur gourde d'eau. Elle en profita pour poser au bronze s'il aimait la Bretagne.

" C'est beau mais c'est froid, on s'y fait heureusement mais ma cabane à Rodorio commence à me manquer ça et le vin ... Mais le fait d'en manquer, éloigne mon envie de boire et c'est plutôt positif, je pourrais presque m'en passer maintenant... "

Arrivés à un ruisseau, le solitaire sortit sa gourde et en profita pour la remplir, il en prit dans les mains et se lava le visage, un bon bain lui manquait c'était certain. Il continua de parler.

" Pourrais-tu un peu me parler des traditions de cette région, des dieux celtes, des druides ? Histoire que je ne passe pas pour un crétin si on devrait m'interroger et cette culture si différente de la Grèce m'intéresse assez pour être franc avec toi. "

Xanathos se gratta la barbe, il sortit un petit couteau et le passa légèrement sur le visage pour la tailler, elle devenait un peu trop imposante et il n'aimait pas ça. Il écouta attentivement sa compagne de route et de mission.

À mesure que vous avancez vers le nord, vous croisez moins de gens. Rien d’anormal là-dedans, ces régions, plus sauvage, éloigné des grands centres urbains et commerciaux attirent moins les voyageurs. Après tout, c’est encore une terre de mythe et de magie. On ne vous cherche pas de problèmes, vous passez sans, grâce à Dana, pour deux locaux en voyage, époux ou membre d’une femme famille voyageant. De retour chez toi, les tiens sont contents et étonnés de te revoir. Ils ne s’attendaient pas à te revoir de si tôt, surtout ta mère, qui se pose quelques questions sur cet homme que tu amènes avec toi. Rapidement, tu auras les informations que tu cherches. Il n’y a que peu de présence des hommes du nord ici. Quelques bateaux qui passent le long des côtes de temps en temps, mais rien d’inquiétant. Ils ouvriront l’œil néanmoins, s’ils venaient à en apprendre plus, ils essayeront de te faire parvenir l’information.

"Froid ?"

Dana éclata de rire. Pour elle cette température était la norme, mais effectivement pour quelqu'un qui vivait en Grèce où elle étouffait un jour sur trois, le pays devait paraître bien frisquet. S'excusant de ce soudain accès d'hilarité, elle accéda volontiers à la demande de son frère d'armes et commença par lui expliquer les différences qui existaient entre les grandes régions celtes : celles occupées par les Gaulois, celles que regroupait l'ensemble de la Bretagne et la région un peu plus minoritaire de ce qui deviendrait plus tard l'Irlande.
Elle lui narra les croyances fortement liées à la terre et à la magie -sans même parler de cosmos-, lui mentionna les principaux dieux et déesses, s'amusa de son expression lorsqu'elle cita en particulier la grande déesse Dana et la tribu qui portait son nom, les animaux protecteurs considérés comme des totems, quelques traditions découlant des anciens qu'il ne fallait surtout pas contrarier, comme le respect des cairns.

Pendant plusieurs jours encore ils eurent matière à échanger tout en avançant dans les terres de plus en plus sauvages et -du point de vue de la druidesse- puissantes, reposantes. La Calédonie leur ouvrit les bras, puis bientôt le village d'origine de la rouquine. Elle présenta Xanathos comme un équipier, et les druides ne firent aucun commentaire, malgré ce qu'ils avaient vu de l'armure de la Coupe quelques semaines auparavant.

Volant quelques heures à leur mission pour retrouver ses racines, elle entreprit de rassurer son père sur son absence inattendue, de donner tous les détails possibles sans parler d'Athéna et de ses chevaliers à sa mère, et de raconter des histoires plus ou moins maquillées aux enfants ou aux chasseurs qui venaient lui demander des nouvelles. La tradition masque les intrigua tous sans exception. A plusieurs reprises la tentation de tout laisser tomber la titilla, revenir au foyer familial et redevenir un simple maillon d'une communauté très soudée. Toutefois elle avait reçu une mission et s'y tiendrait. Même si c'était parfois difficile.

Quand le moment fut venu d'aborder les raisons de leur présence ici un peu plus en détails, la jeune femme afficha un air déçu et résigné. Ils avaient fait beaucoup de chemin pour retrouver Eirwen, et toujours pas l'ombre d'un indice. A tout hasard, elle demanda si les bateaux portaient un étendard particulier et dans quelle direction ils allaient. Si les Nordiques avaient pu construire une embarcation, il leur était facile d'éviter les zones où n'importe qui pouvait les repérer.

A un moment où ils furent laissés seuls, Dana se tourna vers le Phénix, un peu dépitée.

"J'ai bien une dernière idée avant de baisser les bras, et après si nous n'avons toujours rien, il faudra se résigner à contacter le Sanctuaire ou maître Kaleb.

Il existe une vallée, pas très loin d'ici, où une grande bataille a eu lieu. Les guerriers celtes qui l'ont menée ont été décimés, sauf un, qui est revenu en témoin auprès des femmes de son peuple... Leurs ennemis, par respect pour leur courage et leur sacrifice, sont repartis sans dévaster les lieux plus que nécessaire. On y trouve aujourd'hui beaucoup de tombes, un cromlech, et les environs sont régulièrement battus par les vents et la pluie, comme si les éléments eux-mêmes protégeaient l'endroit."

Devait-elle parler de la Chasse sauvage, des fantômes qu'elle était parfois capable de voir ? Comme une mince connexion avec un sidh qui s'entrouvrait parfois. Les morts auraient peut-être plus de moyens de guetter que les vivants, et si en prime elle pouvait demander à quelques-uns d'aller en éclaireurs dans le Connaught, peut-être pourraient-ils avancer un peu. Mais la mise en garde de Childéric concernant son utilisation du Rêve lui revint en mémoire, et elle hésita clairement. Fallait-il rebrousser chemin dès maintenant ou tenter une dernière fois sous un angle différent ? Repartir explorer le reste des terres, au hasard ? Saurait-elle contenir le "bruit" de son pouvoir ?

Xanathos était content de faire rire la jeune sainte, la tension entre les deux personnes s'était faite moins forte au fil du voyage, il était important pour le saint de ne pas mettre la pression déjà bien trop grande sur les épaules de Dana et s'il pouvait ne fut ce qu'un instant l'en libérer légèrement, il ne pouvait qu'en être satisfait. Dana s'excusa auprès de son frère d'arme mais le saint ne lui en tint pas rigueur en lui faisant un signe amical. Elle expliqua volontiers au Phoenix les eusses et coutumes des celtes. Les différentes régions celtiques, de leurs dieux également et le rapport en la magie et la terre. Le solitaire se gratta la tête essayant d'emmagasiner le plus possible ce flot d'informations pour être ainsi paré si on lui posait des questions. Néanmoins il était fasciné à ce que pouvait offrir l'histoire de son pays et le Phoenix pourrait très bien se plaire ici finalement mais avec trois fourrures sur le dos alors ce qui ne manqua sans doute pas de faire rire à nouveau la sainte. Quelques jours passèrent et ils arrivèrent enfin au village de la coupe. Un village sommes toutes qui n'avait rien à envier à Rodorio et les gens étaient accueillants. Dana présenta le saint en tant qu'équipier sous l'œil des druides qui ne dirent mots. Dana rassura ses parents mais évita de leur parler d'Athéna et de ses chevaliers. Xanathos s'en rendit vite compte mais ne dis mots. Quelque chose avait du se passer ici mais le Phoenix n'en dit mots. Malheureusement le but de leur venue n'était pas rassasié, aucune info relevant le passage de la prêtresse malheureusement. Dana avait l'air dépitée et à cela son masque ne pouvait le cacher. Elle lui expliqua qu'elle avait cependant une idée. Elle parla d'une vallée ou des combats eurent lieu ou les guerriers celtes furent décimés mais qu'un seul avait survécu. Il y avait là bas pas mal de tombes, un endroit certes mystérieux. Dana lui avait dit avant que s'ils ne trouvaient rien à cette endroit, qu'ils devraient alors se résigner à poursuivre leur mission et d'avertir le saint de la Vierge. Xanathos mit une main sur son épaule et parla enfin, son mutisme depuis qu'ils étaient arrivés le rendait dingue.

" Nous ferons ainsi, tu n'as pas à t'en faire, nous aurons tout tenté pour retrouver Eirwen, s'il n'y a rien c'est qu'elle a du s'éclipser depuis pas mal de temps maintenant. Nous avons fait de notre mieux pour la retrouver et d'autres auraient eu le même résultat si pas pire ne connaissant peut-être pas la région aussi bien que toi. Allons à l'endroit dont tu as parlé mais il serait sage de prendre nos armures avec sans les porter dans ce village, il ne faudrait pas créer des ennuis supplémentaires. Nous les porterons seulement si le danger se présente. "

Sans en dire plus car ce n'étaient pas ses affaires, il attendit que la silver prenne le pas pour aller au champs de bataille dont elle venait de lui parler. C'était leur dernière chance de retrouver la prêtresse, il ne faudrait pas la louper.

" Allons y ! "

(Rappel : depuis le début de la mission Dana ne porte pas son masque.)

Ils auraient tout tenté.

Se raccrochant à ces quelques mots, Dana hocha la tête.

"J'ai quelques préparatifs à faire. Mais je n'emporterai pas mon armure cette fois, j'y vais en tant que druidesse."

Avoir un guerrier clairement identifié à ses côtés pourrait attirer l'attention des morts, mais y aller elle-même représentait une contradiction avec leurs intentions, ce qu'elle voulait éviter.

Après un moment à rendre visite à plusieurs demeures dans tout le village, elle rejoignit le Saint avec un équipement pas vraiment commun : un sac dans lequel tintaient des verres en bois en nombre, un tonnelet de bière locale auquel elle refuserait tout accès à Xanathos, un autre sac dans lequel on pouvait apercevoir par moments l'éclat coloré de breloques de perles et de métaux gravés, et une dernière besace de grains. Les accompagnait également un jeune chien nourri un peu par tout le monde dans le village et qui s'appliquait à en garder les environs sûrs avec ceux de sa portée.

Pendant le trajet, elle expliqua à son compagnon de route comment ils allaient se servir de tout cet attirail. Il s'agissait non seulement de mettre les esprits des guerriers dans de bonnes dispositions, mais aussi d'honorer leur lutte passée. Le chien, messager entre les mondes, les aiderait à entrer en contact avec si tout se passait bien.

Dana sut qu'ils étaient arrivés lorsqu'un vent froid, presque lugubre, siffla à leurs oreilles et glissa à travers leurs vêtements vers le cœur d'une vallée profonde. Elle chercha patiemment le cairn marquant le début du chemin qu'ils allaient suivre tandis qu'une bruine légère commençait à tomber.

"Tu devrais apercevoir beaucoup de constructions en forme de "maisons" de pierre... Deux ou trois murs et un toit. Ce sont les tombes dont je te parlais tout à l'heure. Et c'est là que nous nous rendons."

Ils descendirent alors à pas prudents, le chien prenant aussitôt la tête du petit groupe. Il avait l'air serein et sûr de lui, poussant Dana dans un état de sérénité qui n'existait pas, de ce qu'elle avait vu, en Grèce. Ici la mort côtoyait la vie, sans que l'une cherchât à empiéter sur l'autre. Ici était une porte cachée entre les mondes.
Elle donna le sac de grains et les breloques à Xanathos afin qu'il déposât un de chaque devant l'entrée de chaque tombe, pendant qu'elle s'occupait de remplir un verre de bière et de l'offrir de la même façon aux guerriers disparus. D'après la légende, certaines nuits les astres laissaient s'ouvrir un passage entre les mondes pour que les aes sidhes vinssent récupérer offrandes et victuailles. Ils les emportaient alors avec eux pour les redistribuer aux morts.

Lorsqu'ils en eurent terminé, la druidesse se plaça au centre du cimetière et s'agenouilla en posture de prière. Du bout de sa serpe, elle s'écorcha un doigt et laissa quelques gouttes nourrir la terre, le chien couché tranquillement contre sa cuisse. Elle appela alors, en langue celtique irlandaise qui n'avait plus aucun accent latin ou grec, les esprits des alentours à venir lui rendre visite. Puis regarda.

"Chasse sauvage, j'ai besoin de tes crocs et de tes griffes.
Guerriers anciens, j'ai besoin de vos lances, de vos épées, de vos haches,
De vos yeux, de vos oreilles, de vos pas silencieux dans le sidh.

Puisse la terre vous porter ces modestes présents !
Puisse la terre chanter les échos de vos faits d'armes !
Puisse Dana vous bercer de son abondance !"

Xanathos ne comprenait pas pourquoi la jeune sainte ne voulait pas prendre son armure surtout dans un endroit pareil, nul ne sait ce qu'il pourrait se passer là bas... N'attendant pas la permission de la jeune femme, il prit pendant sa courte absence non seulement sa box mais aussi celle de sa compagne de mission, l'entassant sur la sienne. Leurs armures seraient ainsi à proximité en cas de besoin et ce malgré les protestations de Dana. Kaleb avait demandé au Phoenix de la protéger et il était le chef de mission. Toutefois, il ne voulait pas déranger d'avantage la coupe dans ce qu'elle allait préparer. après quelques instants elle revint avec un sac ou le saint pouvait entendre des sons de verres à l'intérieur ainsi qu'un tonnelet de bière à ce qu'il paraissait, Xanathos haussa un sourcil quand celle ci lui fit comprendre de ne pas y toucher. Le bronze, de toutes manières, n'aimait pas la bière plus ce que ça et il lui fit de sa main qu'il n'en voulait pas... Un autre sac attira l'attention du solitaire, des breloques, des bijoux, des objets de valeur apparemment mais pourquoi faire et une besace de grain mais que mijotait elle ? Il vit alors un chien les accompagner, celui alla aux pieds du chevaliers qui se baissa pour le caresser, il secoua la queue étant content. Dana lui expliqua ce qu'elle avait l'intention de faire, invoquer des esprits des guerres du passé, elle avait donc besoin de ses objets comme des genre d'artéfact et le chien serait l'intérmédiaire entre le monde des morts et celui des vivants, tout un programme. Un vent froid et lugubre ne vint rien arranger de l'ambiance sombre de l'endroit où ils arrivaient, elle lui expliqua que les constructions en forme de maisons ou de murs avec toit étaient les tombes des morts qu'elle allait contacté.

" Si tu pouvais éviter d'invoquer des spectres de Hadès ça nous faciliterait la tâche ... "

Ils continuèrent d'avancer et une fois sur place, la coupe d'argent lui donna les objets qu'il devrait placer sans discuter.

" Allons bon, comme si j'étais déjà pas assez chargé comme ça ... "

Il déposa les deux box à proximité et alla placer les objets devant les tombes des guerriers morts pendant que Dana s'occupait de verser la bière dans des verres comme pour les donner à il ne savait plus qui, Xanathos n'ayant pas retenu le nom qu'elle lui avait dit pensant qu'elle éternuait. Celle ci se plaça au centre du cimetière, elle s'y agenouilla et se coupa le doigt avec un couteau étrange. Elle commença à parler un jargon que le saint ne comprenait pas, Xanathos ne bougea pas et resta à genoux à proximité des deux box placées l'une sur l'autre et regarda le spectacle qui allait bientôt s'offrir à lui.

" J'ai bien fait de les avoir emportées ... "

"Qui veux-tu, enfant-druide ?"

La voix caverneuse du fantôme avait résonné dans l'air -ou dans son esprit ?- tandis que treize silhouettes éthérées avaient quitté le confort tout relatif de leur tombe pour se positionner en demi-cercle autour de Dana. Certains s'étaient penchés sur les boissons, d'autres sur les bijoux, mais tous avaient répondu à l'appel de sang et de chasse. Le chien aboya, comme une salutation, puis se mit à flairer le sol. La bruine se changea en une pluie plus franche, déformant les flammes que la rouquine percevait plus encore qu'à l'accoutumée.

"Je veux Eirwen, ancienne Grande prêtresse d'Odin, venue du nord. Je veux trouver sa trace et connaître ses intentions. Ici, personne ne l'a vue ni entendue. Je voudrais vous envoyer sur la terre du Connaught, où je ne peux me rendre à cause des guerres entre clans."

Les esprits se consultèrent du regard, à la manière de ceux qui savent qu'il y a un danger à l'horizon. Sans peur -ils étaient morts après tout-, mais sans hâte. La druidesse attendit en silence, sans se soucier de l'eau alourdissant sa tenue ou de la boue se formant sous ses jambes. S'ils refusaient, alors elle n'avait plus de piste.

Au bout d'un moment, le même fantôme que les autres fois s'avança. Il semblait être le leader de l'équipée, celui qui, du peu que la Calédonienne pouvait en juger, ressemblait le plus à un chevalier, voire un roi déchu. Les autres se turent afin qu'il pût rendre son verdict.

Xanathos à l'affut de la moindre chose était toujours à proximité des deux box quand il entendit soudain une voix caverneuse à vous glacer le sang, le saint était prêt à revetir son armure mais il devait faire confiance à sa compagne d'arme. Des fantômes apparurent et allèrent autour de la sainte d'argent. Le chien aboya comme si c'était une situation normale et la pluie vint remplacer le brouillard comme pour en rajouter une couche dans cette situation des plus glauque...

" Allons bon, tout va bien, c'est normal, ils sont tous fous ici ma parole et pourtant il y a de quoi perdre la tête "

Pensa le saint à la vue des silhouettes éthérées. Dana commença à parler et somma aux fantômes de retrouver la femme recherchée qui n'est rien d'autre Eirwen ancienne Grande prêtresse d'Odin leur expliquant pourquoi elle ne pouvait s'y rendre. Ils restèrent là à regarder la coupe qui se remplissait d'eau avec la pluie, la boue enfonçant ses pieds. L'un deux s'approcha d'elle et était prêt à rendre son verdict. Le Phoenix espérait qu'ils arriveraient enfin à quelque chose, ils n'avaient plus le choix sinon c'était sans doute un retour en Grèce les mains vides qui les attendait.

Le chien, comme pour les encourager dans leur quête, s'approcha du solitaire qui lui caressa la tête, il prit un morceau de viande séchée qu'il donna à l'animal comme pour le remercier de son aide... Le chien était content du cadeau et s'appuya près du Phoenix comme pour se protéger de la pluie, Xanathos le recouvrait de son manteau lui caressant la tête. Il pensait qu'il devrait peut être revenir avec lui, un compagnon pourrait un peu casser sa solitude, il en toucherait un mot au chef du village...

Une semaine de s’écouler. Une semaine dans l’attente d’une réponse après s’en être remis aux esprits de l’outre-tombe. Il fallait que passe le temps de l’investigation sur la terre du Connaught, dans le bastion de la Sorcière. Une ennemie jurée des Saints, fidèle à Hadès. En attendant, Dana et Xanathos allaient s’établir sur place et instaurer une routine banale. Est-ce qu’un loisir allait se révéler au détour de ces quelques jours ? Il fallait bien de ces moments de pause pour s’oublier un peu, mettre de côté ses devoirs, se recentrer sur soi. Une pause bien méritée après des semaines d’acharnement pour retrouver une prêtresse disparue voilà des années.

Pourtant, de ces moments de flottements, s’échappent les reflets de la réalité qui nous rattrapent. Des erreurs ? Non, simplement les conséquences de choix qui attendront désormais de voir quels plants seront cultivés sur des terres inconnues. Dans ce quotidien, deux silhouettes viendront se présenter aux deux Saints à la tombée de la nuit.

D’abord, un homme androgyne, la longue chevelure d’un blond grisâtre, le teint cadavérique vainement atténué par quelques maquillages. La stature maigrelette, il n’apparaît pas menaçant de prime abord. Du moins, il ne se dégage pas de lui une puissance physique particulière, au contraire. Pourtant, se dégage de lui une impression ineffable mettant mal à l’aise. Un danger latent, pervers, quand bien même sa première expression serait d’adresser aux Saints un sourire amical. Cependant, ce sourire est bien le seul sur son visage à traduire ses bonnes intentions, le reste de ses traits demeurant glacial. Quant à ses vêtements, une robe de druide de couleur violacée avec quelques broderies dorées.

Ensuite, une jeune femme à la chevelure écarlate et aux prunelles nimbés de ce même rubis. Le teint clair, elle porte sur ses lèvres du rouge de cinabre qui participe à sa sensualité, visiblement beaucoup plus à l’aise à afficher des traits humains que son lugubre compagnon. Quant à sa tenue, il serait aisé de l’imaginer dans une cour pour la qualité de ses habits qui laissent deviner son attrait pour la couleur rouge. Une noble ? Pourtant, traînait de cette singularité subtile qui peut aussi bien exciter la curiosité que susciter l’angoisse. Un sentiment ambigu, rompu par son initiative de se présenter plus avant auprès des deux suivants d’Athéna.

– Bonsoir à vous deux ! Permettez-moi de vous importuner un moment. Je me nomme Criosa et l’homme qui m’accompagne n’est autre que mon frère aîné, Fingen.

Ce dernier, de servir aux deux chevaliers une révérence digne des plus grandes cours d’Europe. Ce qui pouvait surprendre quand on s’arrêtait sur son apparence. Une allure de négligence renfermant un raffinement autant inattendu que prompt à attiser ce sentiment de malaise. Ce petit quelque chose pouvant crisper ses interlocuteurs, mais sur quoi il était impossible de mettre le mot. Jaugeant les deux Saints à tour de rôle, son regard finit par s’arrêter sur Dana. Avait-il remarqué quelque chose ? La réponse attendrait que Criosa en ait terminé avec les présentations.

– J’espère que nous nous entendrons bien. Nous feriez-vous la grâce de vous présenter ?

La Chasse s'était mise en route, dans le silence qui caractérisait des fantômes. La météo avait alors repris un peu de clarté et le soleil baignait l'herbe rosée en une multitude de reflets scintillants. Les verres avaient été vidés, les bijoux emportés, le sang bu par la terre et il fallait maintenant attendre les résultats de cette entreprise. Dana s'était relevée, tournée vers Xanathos puis avait annoncé que le trajet vers le Connaught correspondait à la traversée d'un autre pays comme Camelot et la Carmélide. Autant dire que même s'ils volaient sans s'arrêter, les envoyés de la druidesse en auraient pour plusieurs jours. Au moins, ils semblaient pouvoir se rendre là où les Saints ne pouvaient pas, ce qui dénotait un certain progrès dans leur tentative d'information. Et, si ce n'était pas Eirwen qu'ils trouvaient, peut-être que Dana pourrait se servir des observations qu'ils ramèneraient pour aider les clans Calédoniens dans leur guerre.

En attendant, ils rentrèrent au village pour se sécher et trouver une occupation. Pour la rouquine, ce fut simple : prenant des nouvelles d'un peu tout le monde, elle s'attardait à soigner les bêtes, travailler et honorer la terre, participer aux rites des druides de passage, comme elle l'avait si souvent fait. Prenant aussi de son temps pour son équipier qui connaissait à peine la région, elle emmenait de temps en temps le Phénix découvrir les alentours, profiter de l'omniprésence de la nature, espérant qu'il en ramènerait quelques bonnes habitudes au Sanctuaire.

Ce fut au cours de l'une de ces longues balades qu'une voix les interpela tous les deux -même si l'aveugle entendit tout de suite deux paires de pieds. Comme souvent, par politesse plus qu'autre chose, elle ouvrit les yeux et regarda à peu près dans leur direction, mais cette fois son visage s'arrêta entre deux et elle en profita pour éteindre toute trace de dissimulation dans les environs à ses sens.
En effet sa méfiance venait d'être ravivée non seulement parce que ces deux-là, visiblement bien loin de leur environnement habituel et riche, pouvaient être une conséquence de ses traqueurs d'outre-monde, et surtout parce qu'en parlant d'outre-monde, le fumet singulier d'un cadavre avait atteint ses narines. Cadavre qui s'était immobilisé dans sa direction.

"Bonsoir à vous également, Dame Criosa et Sieur Fingen. Je suis Dana, et Xanathos est mon garde du corps. En quoi pouvons-nous vous aider ? Auriez-vous perdu votre route ?"

Pour des nobles loin de chez eux -cela s'entendait au froissement de tissus rares et coûteux, au phrasé clair de la dame-, les vallons Calédoniens pouvaient se montrer peu engageants, voire hostile. Il s'agissait là d'une caractéristique qui avait longtemps repoussé les chrétiens, et toute forme d'envahisseur extérieur à la Grande-Bretagne. Si ces deux-là avaient fait la route malgré tout, seulement en binôme, jusqu'à ces lieux semi-sauvages, c'est qu'ils cherchaient quelque chose, ou quelqu'un.

Dana avait posé sa voix sur une note douce et bienveillante. Restait à voir si cela durerait.

Du temps passa, trop de temps, Xanathos avait oublié de compter les jours si bien qu'il se familiarisait avec les gens du village. Il aida à sa manière les habitants utilisant de sa force pour porter des choses lourdes, il ne buvait presque plus. Il avait adopté le chien qui ne le quittait plus dés à présent. Il ne lui avait pas donné de prénom, il se contenta de siffler après lui pour l'appeler ou qu'il le suive. Le Phoenix passa le plus clair de son temps dans les bois environnants se contentant de se promener ou de pêcher, le chien à ses côtés. Il avait fini par quitter son manteau, se contentant d'être habillé tout de noir. Des bandeaux entouraient ses deux avant bras. Se faisant à la température ambiante, il ne craignait plus tellement le froid. Tout cela était grâce à Dana qui lui enseignait les bienfaits de la nature environnante, lui apprenant pas mal de choses. Voulant rentrer au village, il vit la jeune femme lui faire signe pour faire une de leurs habituelles balades dont le saint avait appris à aimer. Après un bref moment à marcher et à s'échanger des nouvelles, deux silhouettes apparurent devant eux. Xanathos ralentissait le pas pour finir par s'arrêter. L'un d'eux était un homme, du moins le saint le pensait malgré des allures assez féminines. Il avait le teint blafard, des cheveux blonds ternes, il portait une robe violette brodé d'or, rien n'inspirait la confiance chez lui malgré un sourire apparent. L'autre personne à coté de lui était une jeune femme, elle avait les cheveux d'un rouge ardent, ses yeux et ses lèvres étaient du même acabit. Le saint pensait que beaucoup d'hommes pourraient très bien tomber sous sa séduction mais la méfiance du Phoenix l'empêchait de faire quoi que ce soit qu'il ne pourrait regretter par la suite. Elle portait une tenue d'assez haute noblesse de la même couleur dominante qui la caractérisait, du rouge. Criosa et Fingen, tels étaient leur prénoms respectifs. Ils firent une courbette digne des plus riches de ce monde. Xanathos allait ouvrir la bouche quand ce fit la coupe qui se présenta et désigna le solitaire comme son garde du corps. Faisant fi de la réflexion de la silver et sachant qu'elle savait pertinemment se défendre toute seule, il se contenta de hocher la tête devant les deux individus. Il ne mentionna pas son rang ni même le nom de son armure ne les connaissant pas, il fit juste un signe au chien qui grognait de partir au plus vite, chose qu'il fit sans discuter.

" Que nous voulez-vous ? "

Se contenta de dire le chevalier de bronze, en effet il était bizarere que ce genre de personnes veulent leur parler, ils n'étaient pas d'ici ou tout du moins le Phoenix...

Alentour, Dana allait ressentir une atmosphère pesante. Comme si la menace ne se trouvait pas seulement devant elle avec ces deux étrangers, mais tout autour. Quelque chose de proche et distant à la fois. Un danger latent, à la limite de l’ineffable. À la limite, car la jeune femme pouvait au moins identifier que cela avait un lien avec le nommé Fingen. Était-ce l’une de ses capacités ? S’y concentrant, elle serait frappée d’une impression troublante. Non pas simplement de la part de cet homme, mais des deux inconnus devant elle. Comme si en face, se trouvaient plus d’une personne. Cette sensation… Portaient-ils en eux un morcellement d’âmes ? La certitude, c’était leur caractère inhumain, quand bien même leur apparence pouvait être trompeur à ce niveau là. En tout cas, pour celle qui s’était faite appeler Criosa.

Cette dernière prenait le temps de jauger les deux Saints après qu’ils aient posé leurs questions. Une lueur vint apparaître en fond de ses yeux en observant Xanathos, comme si elle venait de remarquer quelque chose. Et ce faisant, de rompre prudemment la distance. Évaluer s’il demeurerait stoïque, fuyant ou agressif. Pour révéler ses émotions enfouies, d’approcher sa main de son visage. La laisserait-il faire ?

– Oh… Nous aider… Je ne sais. Je n’ai pas discerné de cette courtoisie lorsque ces visiteurs d’outre-tombe sont venus sur nos terres avec des questions qui ne leur appartenaient pas.

Sans quitter Xanathos des yeux, forte de cette intensité désarmante, elle allait maintenant questionner son cher frère.

– Qu’en penses-tu Fingen ? Était-ce de la maladresse ? Ou était-ce au contraire bien calculé ? Et si ça l’était, avec quelles intentions ? Que sommes nous censés interpréter là ? Cette timidité de geste, dissimule-t-elle de la peur ou de l’hostilité ?

– Cela dépend de qui ils sont et de qui ils servent, Criosa. Et ce qui les fera basculer entre la peur et l’hostilité, cela dépendra de s’ils nous mordent ou de s'ils nous montrent le ventre. Dans le doute, ils se cachent derrière un semblant d’éducation. J’ai dû voir ça mille fois du temps de Conchobar.

Tout ce temps, le regard malsain de Fingen n’avait pas abandonné Dana. Et Criosa, de reprendre de concert avec son compagnon, le sourire en coin.

– Entre nous, je vous déconseille de mordre. Vous connaissez la comptine ? Une faute avouée est à moitié pardonnée. Alors ?

Ainsi les fantômes s'étaient montrés. Elle aurait pensé, connaissant la réputation du Connaught, qu'ils seraient restés discrets et auraient observé, écouté. Mais puisqu'ils avaient accepté les risques de cette escapade, la druidesse refusait de les blâmer sur leurs méthodes. Après, ils n'étaient pas ses subordonnés. Restait à savoir ce qu'ils étaient devenus. Reviendraient-ils ou faudrait-il former une nouvelle Chasse immortelle ?

"Alors quoi ?"

Ils discutaient entre eux comme des charognards, ignorant les interlocuteurs qu'ils étaient venus déranger, et ils espéraient qu'on allait tout leur révéler des desseins d'Athéna sur un plateau d'argent ? Et puis quoi encore.

"Vous êtes venus me consulter pour que je vous parle des fantômes ? Ils sont aussi libres que prisonniers. Aussi loin que je sache, ils n'éprouvent plus d'émotions, ils en sont privés. Alors peut-être que la courtoisie ou la maladresse leur sont devenues étrangères. Ils demandent et c'est tout. Je ne vous apprends rien, n'est-ce pas ?"

Après tout, vous en êtes vous aussi. Seulement vous avez fait un pas de plus vers l’aberration en acceptant de servir quelqu'un pour obtenir un corps de chair et une fausse nouvelle vie, contredisant ainsi le cycle naturel.

"Entre nous, je me fiche de vos menaces ou de vos conseils. Je n'ai pas l'intention d'obéir à des gens que je ne connais pas et qui pensent pouvoir me dicter ma conduite. Soit vous nous dites franchement ce que vous voulez, soit je vous invite à passer votre chemin."

Et de hausser les épaules. En cas de bagarre, Xanathos serait sans doute ravi de pouvoir enfin se défouler sur autre chose que des bandits de pacotille. Mais s'ils avaient mieux à proposer -plus constructif et plus intelligent-, c'était le moment où jamais. Ce serait bien la première fois que quelqu'un qui commençait par une dégoûtante tentative d'intimidation subtile changeait de registre et utilisait ses neurones, mais hé, combien avaient-ils passé de temps dans la tombe ? La putréfaction à ce niveau-là causait sans doute des dommages.

En revanche, le nom de Conchobar interpelait la druidesse. Ce nom lui disait quelque chose. N'était-ce pas un personnage légendaire ? Elle chercha un moment puis se rappela : le père de Cuchulainn ! Mais alors, le cadavre de Fingen était si vieux ?

Les deux personnes présentes n'étaient pas des plus amicales, une impression de malaise envahissait les alentours, que devait faire le saint du Phoenix ? Rien pour l'instant, il se contenta de ne pas bouger regardant les deux individus. La jeune femme en rouge se rapprocha dangereusement du solitaire qui restait stoïque, si le saint de bronze voyait en elle un physique attrayant, il la laissa faire et la laissa approcher la main de son visage affichant une barbe de trois jours. Criosa posa des questions aux deux saints concernant donc la venue de fantômes chez eux leur ayant posé des questions à leur venue sur leur terre. Hostilité de la part de fantômes qu'est ce qu'il savait à propos de ces choses là, rien mise à part à avoir été témoin de l'appel de Dana il y a une semaine de ça. Le blafard se contenta de répondre aussi parlant de leur éducation. La fille en rouge conseilla les deux chevaliers d'avouer au lieu de résister, Xanathos ne dit toujours rien et ce fut la coupe qui le fit à sa place. Elle leur fit une petite leçon concernant les fantômes et le fait qu'ils ne dégageaient rien niveau émotion se contentant d'avoir répondu à l'appel de la sainte et de faire ce qu'elle leur avait demandé, de rechercher la prêtresse disparue. Dana continua son récit en leur disant qu'elle n'avait pas à leur obéir pensant éduquer sa conduite chose qui ne surprenait pas le bronze, contrarier la coupe et elle déborderait au grand damne des deux êtres louches qui se trouvaient devant eux.

" Vous avez entendu la demoiselle ? "

Le solitaire se saisit la main de Criosa qui n'avait pas bougé de son visage, des flammes entouraient la sienne la faisant reculer.

" Je pense comme elle. A moins que vous n'ayez des informations intéressantes à nous soumettre, vous pouvez passer votre chemin, on ne vous en empêchera pas ... "

Les sourcils froncés et le sourire en coin, le Noireau se contenta de regarder les deux être des ténèbres. Il se pourrait bien que de telles créatures ne se contenteraient pas de leur parler, c'est bien, en cas de bagarre, son armure n'était pas loin. Il ne s'était contenté que de menu fretin depuis qu'il était parti de Grèce, ça pourrait être intéressant, néanmoins le chevalier de bronze resta méfiant, il ne connaissait pas ce genre d'adversaire s'ils en étaient et il n'avait pas oublié son combat contre l'esclave de Narsès qui l'avait bien amoché si son armure n'était pas venu à la rescousse. Entre temps, le Phoenix s'était légerement amélioré mais sera-ce assez efficace contre ceux là s'ils en venaient aux mains, rien est moins sûr...

Un plissement des yeux précéda le moment où Criosa vint arquer un sourcil aux paroles de Dana. Un changement semblable à celle d’une personne pensant s’adresser à un adulte, pour réaliser qu’elle abordait en fait un enfant. Un mélange entre le dépit et l’agacement. Une situation qui arracha un sourire à Fingen. D’évidence, il connaissait bien sa sœur et s’amusait de ce qui pouvait la travailler à cet instant. Devinait-il les piques cinglantes à l’intention de cette inconnue qui lui brûlait les lèvres ? En tous les cas, dans un premier temps, Criosa se ferait violence pour s’en tenir à un sourire de façade. Et seigneur ce que ça pouvait lui coûter de laisser son interlocutrice s’enliser au bout de ses délires…

En parallèle, elle sentit que l’autre homme lui attrapa la main. De surprise, elle paraissait se rappeler qu’en effet, il y avait une autre personne près d’elle. Et l’écho de ce qui avait déjà été dit ne lui inspira qu’un las soupire tandis qu’elle arrachait sa main à la prise de Xanathos. Au moins, en montrant les crocs, il clarifiait leur position. Mais fallait-il pour autant suivre l’évidence qui se dessinait ? S’interrogeant, Criosa se tourna vers son frère, faisant entièrement fi des deux Saints qui se trouvaient en arrière-plan de son esprit.

– On est bien d’accord que cette courge me prend pour une demeurée ?

Fingen de hausser les épaules. Allait se succéder un échange qui ne s’embarrassa pas du tout de la présence des deux Saints. Pour autant, cela ne signifiait pas qu’ils n’y prêtaient plus d’attention. Au contraire, l’enveloppe menaçante qui les entourait n’avait jamais été aussi lourde.

– Je ne sais pas, peut-être as-tu simplement utilisé des mots trop compliqués. Rien ne dit qu’elle ait fait exprès de répondre totalement à côté de la plaque.
– Tu penses ? Je n’étais pas assez clair en lui demandant pourquoi diable elle avait envoyé son équipe de fantômes sur nos terres plutôt que de se déplacer en personne pour enquêter sur l’autre prêtresse ?
– Oh… tu sais, elle ignorait peut-être notre réputation en matière de nécromancie. Je ne m’attendais pas non plus à ce que ce soit possible pour le peu d’effort que nous avons investi pour le cacher… Enfin, il semble en tout cas qu’elle soit étrangère à l’intelligence de la politique.
– Je ne te le fais pas dire… Qu’a-t-on à perdre au juste à les expédier six pieds sous terre ?
– Ils ont mené une opération potentiellement hostile sur notre territoire. Leurs réponses ont confirmé leurs intentions hostiles. De plus, ils ne se réclament de personne et ne valent à ce titre guère mieux que de petits brigands de chemin. Nous serions entièrement légitimes à les châtier dès maintenant sans autre forme de procès. Le seul point négatif est que nous pourrions rendre service à leur employeur en les éliminant. Leur stupidité peut faire davantage de dégâts que le plus élaboré de nos plans.

Criosa de balayer la proposition d’un geste de la main.

– Merci mais je n'ai aucune envie de faire dans le social avec ces singes. Réglons cette affaire maintenant et n’en parlons plus. Nous avons assez perdu de temps comme ça…

Puis, de se tourner vers les deux Saints qui n’ignoraient pas comment la situation allait tourner. Au jeu de la diplomatie, un pas de travers pouvait suffire pour enterrer toute entente possible. Son index, de se lever vers Dana.

– Toi, pour m’avoir prise pour une conne, tu seras la première à m'offrir ton sang !

Citation :

Défi lancé. Vous pouvez rouler vos initiatives.

"Leurs réponses ont confirmé leurs intentions hostiles." Voilà qui était nouveau. Depuis quand refuser les ordres de parfaits inconnus constituait une intention hostile ? Des prétextes pour attaquer, car ils en mouraient d'envie. Ils étaient même probablement venus exprès pour cela, et leur prétendue politesse leur aurait simplement donné quelques réponses en plus. Exactement comme l'avait dit Fingen, en somme, en les accusant à son tour. Déjà la prétendue noble abandonnait ses bonnes manières de pédantes pour adopter le langage fleuri des brutes de bas étage, si haut fusse leur rang.

Dana esquissa un pas de recul tout en réfléchissant à toute vitesse. Les conditions de la mission avaient été claires : pas de risque inutile, y compris quand ils auraient repéré Eirwen. Dans le cas présent, le risque était haut et la prêtresse absente. Du peu qu'avait vendu Criosa, il apparaissait que la Nordique ne se trouvait pas en Connaught, et qu'elle y était même très recherchée. Mais les relations entre le Sanctuaire et le nord de la Bretagne étant ce qu'elles étaient, ainsi que la couverture qu'ils devaient conserver, les deux Saints ne pouvaient pas juste vendre la mèche. Surtout que cela les mettrait encore plus en froid avec le Grand-Prêtre qu'ils devaient temporiser...

Puisque Xanathos semblait à peu près ignoré des deux autres, il risquait peu de choses, et le sang druidique les intéresserait sûrement bien davantage. Il y avait donc une voie qui se dessinait devant elle, et il fallait agir vite pour pouvoir l'emprunter.

Laissant les morts palabrer entre eux sans les déranger le moins du monde, la jeune femme se rapprocha du Phénix et lui posa une main sur l'épaule. Discrètement, elle tapota plusieurs en direction de la droite, espérant qu'il comprendrait le message et agirait intelligemment. Impossible de communiquer de façon plus avancée, alors elle s'en remettait à son bon sens. Puis, Criosa se retournant vers eux, elle prit sa décision.

"Je n'offrirai mon sang à personne !"

Elle frappa une fois dans ses mains, générant grâce à son cosmos un flash aveuglant en même temps qu'un grondement de tonnerre assourdissant. Avec de la chance, cela tromperait leurs sens suffisamment longtemps pour lui laisser de la marge de manœuvre. Elle sortit ensuite une généreuse poignée de poudre d'une bourse à sa ceinture, la composition d'invisibilité qu'elle avait préparée à l'assemblée des druides pour son rite de passage, qu'elle répandit abondamment autour de sa personne. Elle avait quinze secondes à utiliser sagement. Sans attendre de savoir si Xanathos la suivait ou non, elle fila à travers bois. Sa connaissance du terrain l'aiderait à prendre de l'avance, avant de rejoindre une route fréquentée où la Mascarade serait de mise.

Citation :: Je refuse le défi °°

Quelque chose n'allait pas, apparemment les deux êtres maléfiques portèrent toutes leurs attentions sur Dana ce qui inquiéta le saint. Criosa prit apparemment la mouche après que la coupe se vida de ce qu'elle avait à dire et ce n'allait pas être simple, les deux individus discutèrent sans ne plus faire attention aux deux chevaliers. ils n'étaient contents de ce qu'avait fait les saints en envoyant des fantômes enquêter sur la prêtresse, ces deux pseudos nobles critiquèrent le manque de connaissance en politique des deux compagnons, Xanathos bien qu'ignoré se contenta de sourire en coin et même d'apprécier qu'on le prenne pour un brigand, ce qui en gros avait été le cas dans son dur passé, s'ils le prenaient ainsi, le saint n'aurait aucune hésitation à s'en débarrasser. Ce qui attira néanmoins l'attention du solitaire, c'était cette histoire de leut employeur, qui serait ravi de la disparition des deux serviteurs de la déesse de la guerre. De qui pouvait bien parler ces deux êtres maudits ? Mise à part les deux chevaliers d'or, il n'y avait personne ou alors ? Le prêtre d'Odin ? Il ne comprenait rien à ce qu'il se passait mais Dana, elle se contenta de se rapprocher de manière bizarre pendant que Criosa avait le dos tourné et lui tapota l'épaule lui indiquant quelle relation il fallait prendre pour la fuite. Xanathos resta de marbre et ne fit part de rien à Dana maos c'était tout sauf une bonne idée néanmoins, elle était la cible des ces deux là et le Phoenix avait déjà pris sa décision. En tous cas la dame en rouge n'avait pas accepté le ton donné par la silver sainte et les hostilités n'allaient pas tarder à commencer. Dana parla et agit elle tapa des mains et de par son cosmos, un flash aveugla tout le monde alentour, un coup de tonnerre cassa les oreilles du Phoenix. Il ne fit mine de rien quand il entendit la coupe filer à travers bois, le bronze ne bougea pas. Sa vue revint lentement et il put voir les deux autres se frotter les leurs grommelant des mots. L'oiseau de feu attendit qu'ils les regarde.

" Désolé mais vous n'irez pas plus loin. "

Le saint de bronze leva son bras comme pour appeler quelque chose et ce fut son gantelet qui s'y posa, le reste de son armure le couvrit aussitôt. Son armure brillait d'un éclat orangé, son cosmos jaillit tel un brasier, celui du Phoenix.

" Par qui je commence ? Le zombi ou la pivoine ? Mais au moins l'un de vous deux ne passera pas. "

Il savait qu'au moins l'un d'eux allait l'attaquer ou du moins l'un d'eux se ferait attaquer par le saint, qui de par son voyage avait évolué en manière de surprendre quelqu'un sans qu'il ne s'y attende. Il devrait se concentrer sur l'un et ainsi éviter que le duo ne cherche après Dana, là il se contentait de faire gagner quelques minutes à la sainte de la coupe.

" Qui plus est j'aurais quelques questions à vous poser "

En effet cette histoire d'employeur inquiétait le saint, il se demandait si quelqu'un tirait les ficelles derrière ces deux là ou même les saints, il avait une petite idée derrière la tête mais il ne voulait pas s'avancer dans des conclusions sans en avoir une preuve formelle. Le bronze saint se mit en garde et était prêt à se battre contre autre chose que de la piétaille.

Citation :: Défi accepté.

Fingen et Criosa vinrent se protéger le visage devant l’aveuglement de Dana. Une action momentanée qui précéda la garde des deux servants du Roisin Dubh, s’attendant sans doute à voir ces étrangers tirer profit de cette initiative pour engager les hostilités. Mais au lieu de ça, quelques clignements de yeux tombèrent en voyant Dana disparue et Xanathos resté sur place. Une scène qui inspirait aux druides une forme de circonspection.

– Gamin, je pense que tu as oublié de décamper au signal de ton amie.

Signala tout de même Fingen, par bonté d’âme. C’était sans compter l’avertissement du jeune homme. Ainsi, il ferait barrage pour laisser le champ libre à son amie ? C’était… fort courageux de sa part. Était-ce là une décision héroïque ou suicidaire ? En tous les cas, lorsqu’il fit apparaître son armure, les serviteurs du Connaught eurent une lueur dans le regard. Venaient-ils d’identifier quelque chose ? D’un échange de regard, ils convinrent silencieusement de ne pas le relever. Et quand Xanathos reprit la parole, Criosa d’étirer un sourire amusé.

– L’un de nous deux ? Tu t’attends à un duel épique ? Tu as trop lu les belles histoires de tes aïeuls grecs mon garçon… Ce qui t’attend, c’est une mise à mort expéditive, rien de plus.

Une déclaration aussi sèche que froide. D’évidence, elle n’avait pas l’intention de courser Dana. Ignorant la dernière remarque initiant la volonté du chevalier de les interroger, Fingen et Criosa vinrent une fois de plus se concerter.

– Tu ne souhaitais pas déguster le sang de la petite fuyarde ?
– Tu te moques de moi ? J’en aurais retiré le goût d’une pouilleuse pendant plusieurs semaines… Pour une fois, ce n’était qu’une figure de style… Et puis, je ne sais pas, les courses poursuites ont quelque chose de fatigant. La chasse aux fouines, je laisse ça aux rejetons de paysans. Ça ne te dit pas toi ?
– Sans façon. Je suis à l’image de mes précieux enfants. Rien ne me stresse plus que de me déraciner trop brusquement de la terre. Je pense que je vais rester ici. Après tout, ce héros nous épargne l’effort.

Se tournant vers le héros en herbe.

– Tu as entendu ? Nous sommes tous deux à toi ! Alors, par qui commenceras tu ?

À cette invitation, un sourire carnassier de se dessiner. De nature à ne rien augurer de bon.

Citation :

Tu peux ouvrir les hostilités, tu as l'initiative.

Aussi loin qu'elle y pensait, Dana n'avait jamais couru aussi vite de toute sa vie. Sans se retourner -elle n'aurait rien vu de toutes manières-, elle laissait ses sens s'embraser à toute vitesse. Parfaitement consciente de la direction dans laquelle elle se dirigeait, elle passait en revue les cachettes connues, évaluaient leur niveau de sûreté. Ses mollets la brûlaient mais lui rappelaient aussi les interminables montées du Sanctuaire. Ses poumons manquaient d'air, mais elle savait réguler son souffle de manière à tenir plus longtemps.

Parvenue à la croisée des chemins elle s'arrêta tout net, les oreilles et le nez aux aguets comme un lièvre poursuivi par des chasseurs.

***Aucun des deux ne m'a suivie. Ils sont restés sur place. Et Xanathos aussi... Et s'ils sont moitié moins renseignés que je le pense, ils reconnaîtront très vite l'armure du Phénix. Ils n'ont pas confirmation que je suis une Sainte, mais savent que je suis une Éveillée. Et visiblement le sang de druide ne les intéresse pas autant que je pensais. Bien, plan D !***

Repartant à vive allure, la rouquine bifurqua. Logiquement, soit ils ignoraient la présence du village, soit ils la connaissaient déjà et la négligeaient. Par sécurité, elle coupa toute émission cosmique à partir de là, perdant momentanément le bronze de "vue", réciproquement. Sur son chemin, elle activa tous les charmes dissimulés dans le décor, afin de détourner tout non-initié et d'avertir tous les druides qu'une menace était proche.

Ils étaient partis assez loin pendant leur balade, mais c'était sans compter sur la connaissance des lieux de Dana. Tous les raccourcis possibles furent empruntés, sans ralentir le pas, et voici qui arrivait enfin chez elle. A cette heure, sa mère devait être à l'extérieur et son père en train de ranger les peaux fraîchement dépecées des chasseurs. Elle courut directement vers lui, de cette façon qui lui avait valu le surnom de Tornade rouge de Calédonie. Il la vit, lâcha son ouvrage pour l'accueillir.

"Ramène-moi à la maison !"

Il ne fut pas bien difficile de simuler des tremblements avec la fébrilité qui l'animait ainsi que la fatigue de la course. Et l'expression de son père était bien authentique lorsque, choqué et surpris, il la réceptionna dans ses bras alors qu'elle tombait devant lui. Pourtant il capta son murmure, joua le jeu, l'appela un peu, porta une main à son front. Les voisins proposèrent aussitôt de l'aide, mais il les rassura en constatant qu'elle semblait simplement évanouie, indemne. Il la souleva alors, se hâta vers l'intérieur.

"Tu deviens un peu trop lourde pour me jouer des tours pareils..."

Il avait attendu de passer la porte pour marmonner, attirant un sourire nerveux sur le visage de son précieux trésor. Dana le laissa l'allonger sur son lit et prit sa main.

"Je suis désolée, mais il le fallait. Il se passe quelque chose de grave, mais je n'ai pas le droit de tout te dire...
-Et ton ami ?
-Justement. Tu me fais confiance, Papa ?
-Maintenant que tu viens de faire croire à tout le monde que tu avais un malaise, je ne vais pas me défiler. Et puis, même sans, tu es ma petite fille chérie.
-Je suis allée... Non, moins je t'en dirai et plus tu seras en sécurité. Suite à quelque chose que j'ai fait, deux personnes sont venues nous voir. Depuis le Connaught. Avec de mauvaises intentions. Ce sont des guerriers, et Xanathos leur a barré le passage pour me laisser m'enfuir. Seulement, je ne peux pas juste l'abandonner. Il faut que je l'aide. Il faut que je livre ce combat, pour notre clan, pour la Calédonie, peut-être plus encore, mais je ne peux pas demander l'aide des chasseurs ou des guerriers du village.
-Toi, tu veux te battre ? Mais tu n'es pas...
-Je ne peux pas tout te dire Papa, mais j'en suis capable. Seulement, d'une façon... propre à moi-même.
-C'est la même mission que celle qui t'a fait quitter ta mère à Camelot, pour que je la voie revenir seule en me demandant ce qui avait bien pu t'arriver ?"

Un voile de culpabilité se dessina sur le visage de la Sainte à entendre la peur et la colère dans la voix de son parent. Il avait mal pris la chose, et c'était tout à fait légitime. Néanmoins, il n'avait pas cherché à la retrouver, il n'avait rien fait de stupide et respecté sa volonté. Il se pencha pour la serrer dans ses bras et caresser son visage.

"Je suis désolée. C'est la même chose oui. Et pour éviter qu'il vous arrive malheur, il vaudra peut-être mieux à l'avenir que je ne revienne plus...
-Dana enfin ! Quel genre de mission peut te couper de nous de la sorte !
-Je voudrais qu'il en soit autrement... Je voudrais pouvoir rentrer chaque jour et vous voir autant que je veux, vous raconter ce que je fais et pourquoi je le fais, mais le secret est essentiel. Encore plus que pour les druides. C'est pour ça que Maman ne saura pas non plus cette fois. Mais je te promets que j'essaie de faire quelque chose de bien. De protéger des gens, des endroits. Et que je ne coupe pas mes racines aussi facilement.
-Qu'est-ce que tu attends de moi exactement ?
-Que tu veilles sur moi comme tu l'as toujours fait. J'aurais l'air... Euh... En fait je ne sais pas exactement de quoi j'aurais l'air, mais mon esprit ne sera pas... "là". Que personne ne m'approche, je suis souffrante, j'ai besoin de repos. Et pendant ce temps je vais aider Xanathos. Tu peux faire ça ?
-Tu mets à mal les nerfs de tes pauvres parents... Tu as grandi bien trop vite. Je te poserai un linge sur le front comme si tu avais de la fièvre. Mais si on me demande pour ton ami ?
-... Il a dérangé un cairn et une bête sauvage l'a pris en chasse. Je l'ai recomposé mais il faut attendre qu'elle se calme avant de partir à sa recherche."

Cela pourrait justifier des blessures inhabituelles. Il soupira mais acquiesça. Tous ceux qui n'étaient pas druides dans le village savaient qu'on leur cachait un certain nombre de secrets, dans la plus grande tradition celte. Pas par méchanceté ou par ambition, mais à cause des pouvoirs particuliers qu'ils pouvaient tirer de la terre, des forêts, des bêtes, à cause des responsabilités qui leur incombaient et pour empêcher que ces secrets tombent dans de mauvaises mains. Parfois il y avait des ratés, car ils étaient aussi des Hommes. Alors le chasseur se contenta de faire confiance à sa fille, qu'il avait élevée comme une femme généreuse et bienveillante. Et elle était honnête en disant qu'elle ne pouvait pas tout dire, plutôt que de lui mentir tout de go.

Une fois certaine que son père n'avait plus de questions, Dana se concentra et se rappela l'entraînement avec Argus et Childéric. Il était temps de mettre en pratique celui avec Kaleb également.

***Contours, consistance, perception, histoire...***

Citation :: Je reviens d'ici

Une brusque inspiration bouscula l'étrange sommeil dans lequel sa fille avait plongé en quelques secondes. A partir de ce dernier, elle n'avait plus réagi, comme aux portes de la mort, alors même qu'elle l'avait rassuré sur sa capacité à se débrouiller. Aux aguets, il sursauta, ramassa mécaniquement le petit linge qu'il avait posé son front pour faire illusion.

"Dana ! Tout va bien ?"

Il serra son enfant contre lui, l'inquiétude se dissipant alors qu'elle reprenait doucement des couleurs. Mais il remarqua également son visage crispé, un signe qu'il avait très facilement appris à décrypter avec toutes les cachotteries de druidesses que sa mère et elle lui imposaient.

"Quelque chose s'est mal passé ? Qu'as-tu fait ?
-Il faut t'enfuir Papa... Vous devez tous vous éloigner, et moi je dois partir d'ici... Ne jamais revenir... Ne jamais vous remettre en danger de cette façon..."

Sa poigne se raffermit. Il n'aimait pas ces mots, cette façon de procéder toujours.

"Ne dis pas de bêtise, quoi que tu fasses, tu pourras toujours revenir. Tu seras toujours la bienvenue.
-Non... Xanathos a été tué. La forêt brûle. Et je... C'est moi qui suis responsable. Je n'aurais pas dû amener un étranger ici, je n'aurais pas dû pratiquer ce rituel... Je...
-Tu ne peux pas être responsable de tout cela ! Et encore moins en si peu de temps !
-Pourtant si. Papa, il faut que tu partes, maintenant. Elle va revenir... Elle va m'emmener... Le seul moyen pour vous sauver tous est que je fasse ce qu'elle dit, et que je t'en dise le moins possible. Je t'en supplie écoute-moi, il faut que je...
-Non ! Je n'ai pas choisi de vivre de cette façon pour que la chair de ma chair se sacrifie au nom de je ne sais quel prétexte comme si sa vie ne valait rien ! Je veux te protéger, te garder auprès de moi, c'est mon rôle de père ! Ne me demande pas de te laisser partir et mourir !"

Elle se blottit dans le creux de ses bras, le front niché dans son cou, sachant pertinemment que cela le désarmait à chaque fois. C'était un geste qu'ils avaient adopté depuis qu'elle avait perdu la vue, un signe de confiance et d'intimité, un lien étroit entre un père et sa fille, le premier protégeant la seconde de tout ce qui pouvait la blesser. Mais cette fois pourtant, elle continuait de répéter ces mots durs et insoutenables. Elle lui fit relever doucement la tête d'une pression sur le menton, puis lui présenta sa main comme si elle voulait lui montrer quelque chose. Et tout à coup, l'espace d'un battement de cils, il vit un arc électrique la parcourir, sans causer le moindre dommage.

"Dana... !
-Elle... et son frère... nous ont vaincus Xanathos et moi. Alors que nous avons des dons particuliers... Tu ne me protègeras pas si tu t'interposes. Alors je t'en supplie Papa, va-t-en. Oublie-moi. Parce que chaque fois que je reviendrai, je vous mettrai en danger. Et c'est la dernière chose au monde que je veux."

L'oublier ? Mais comment pourrait-il l'oublier ? C'était absolument impensable et impossible. Elle devait avoir d'excellentes raisons, mais cela n'adoucissait pas pour autant la douleur du sacrifice qu'elle lui demandait.
Il mouilla son front d'un baiser, conscient de l'urgence dans sa voix, du léger tremblement de sa main contre sa poitrine. "Elle" arrivait, et qui qu'elle pouvait être, visiblement, il ne fallait pas la contrarier.

Dana se leva, vacillante sur ses appuis, pour de vrai cette fois. Son père se leva à sa suite, mais avant d'avoir pu esquisser un autre geste, il vit la porte voler en éclats, et la silhouette d'une femme surgir dans leur demeure, vêtue de rouge, maquillée de rouge, et ensanglantée. Il écarquilla les yeux devant une telle apparition puis se tourna vers sa progéniture qui n'avait pas véritablement réagi, s'attendant sans doute à ce spectacle dont la vue lui était interdite.

"C’est ce que je pense ?"

Sans se retourner, la rouquine fit quelques pas, s'avança près de sa hotte, où était toujours dissimulé le paquet qu'elle transportait précieusement depuis son arrivée.

"Tout dépend à quoi vous pensez... mais j'ai promis de répondre à vos questions, alors laissez ces gens tranquilles s'il vous plaît. Ce sont des Dormeurs. Ils ne savent rien... Ils ne vous seront d'aucune utilité."

La jeune femme esquissa une révérence rendue maladroite par sa faiblesse, comme si tous les coups qu'elle avait pris plus tôt se répercutaient sur sa forme physique alors qu'elle ne portait aucune trace de bleu, d'écorchure ou d'autres blessures.

"Alors tu as menti sur qui tu étais depuis le début ? A tout le monde ?"

La Sainte sursauta, ne s'attendant pas à entendre une telle colère dans la voix de son parent.

"Pars donc avec ton amie ! Pars et ne reviens jamais ! Tu nous as assez attiré d'ennuis ! Je ne sais pas ce que vous voulez, Madame, mais prenez-la donc ! Et le plus tôt sera le mieux ! Ici on ne dérange personne, elle si !"

Une expression choquée figea Dana, alors même que l'homme s'avançait d'un pas rapide vers elle, lui saisissait le bras avec force et l'amenait vers l'inconnue. Exactement comme on livrerait un enfant qu'on abandonnait aux mains d'un marchant de passage ayant besoin d'un apprenti. Définitivement.

À la tête de Criosa, elle semblait se demander à quelle Mascarade elle était en train d’assister. D’abord, la gamine qui s’empressait de l’implorer d’épargner ceux qui l’avaient dissimulée ici. Puis le premier intéressé qui se retrouvait subitement à la vilipender jusqu’à la pousser sur la druidesse. Qu’est-ce que c’était censé vouloir dire ? La circonspection n’avait jamais été aussi marquée aux yeux de celle dont le combat avait laissé de profondes plaies. La tentation était grande de simplement écouter ses pulsions et procéder à un massacre sur place. Cependant, quelque chose l’arrêtait dans sa lancée. Était-ce les mots de son frère ?

Toujours était-il que Criosa n’allait pas se priver de la proximité de l’homme pour poser sa main sur son bras.

– Votre coopération est toute appréciée, brave homme… Si d’aventure cette fille suivait la promesse qu’elle vient de formuler, alors je n’aurai pas de nécessité de tous vous écorcher vifs.

Puis, la jeune femme, de relâcher l’homme et se tourner vers la Sainte parée d’un sourire qui contrastait beaucoup avec la sinistre menace venant d’être prononcée furtivement. Selon toute évidence, sa patience était proche de sa limite.

– Toi, tu me suis.

Sur le chemin, Criosa trouva ceci dit matière à se détendre un peu. Était-ce l’air frais de la matinée à venir ? Quelques minutes étaient passées depuis que les deux ennemies marchaient tranquillement dans la forêt.

– C’était la bonne ambiance là-bas ma foi… C’était qui cet homme, ton père ? Ton amant ? Quel genre de promesse tu as bien pu lui faire pour être lâchée si brusquement comme du linge sale ? Pour un peu, j'aurais de la peine pour toi ma pauvre fille.

Son regard venait jauger leur petite captive du moment. Quelle genre d’émotion pouvait bien la traverser à ce moment ? Sondant cela quelques instants, la druidesse reporta son regard devant elle, reprenant une bonne bouffée d’air.

– Quoiqu’il en soit, après ça, je pense aller me faire servir quelques bons petits plats et séduire quelques damoiseaux dans la cour la plus proche ! Je l’ai bien mérité après la sale journée que je viens de passer !

Il comprenait maintenant. Même sans saisir toute l'étendue de son pouvoir, il comprenait pourquoi cette femme était dangereuse. Blessée, couverte de sang, elle restait menaçante et le ton de sa voix ne laissait aucun doute sur sa capacité à exécuter ses menaces. Il avait pâli devant ces dernières, l'image fugace de tous les membres du village lentement dépecés lui nouant la gorge. Dans quel monde évoluait Dana désormais ? Quel genre de dangers affrontait-elle face à des gens de cette sorte ?

La mâchoire serrée, il regarda les deux druidesses s'en aller, sa fille portant sa hotte comme le prophète des chrétiens celui de sa croix. Il ramassa un morceau de la porte détruite comme s'il s'agissait d'un pan de son existence, songeant qu'il ne la verrait plus.

De son côté, Dana gardait le silence et se concentrait sur sa marche compliquée par la pluie. Elle glissa quelques fois mais ne se plaignit pas, et pas un cri ne traversa ses lèvres. Encore sous le choc, elle repassait la scène dans sa tête. Il n'avait pas du tout serré sa poigne. Il avait suivi son désir de la laisser partir. L'avait facilité en quelque sorte à sa manière. Malgré tout, ses mots et l'intonation de sa voix avaient fait mal. Suffisamment pour réduire son moral à peu de choses. Elle dut se forcer avec toute sa volonté pour ne pas faire demi-tour et retourner le voir, le serrer dans ses bras une dernière fois. Mais Criosa ne le permettrait pas.

"Il vous faudra du linge sec..."

Le son de sa propre voix, déchirée par l'émotion, fit pitié à la Coupe. Si seulement elle pouvait disparaître et se retrouver quelque part ailleurs. Dans un endroit tranquille, sans feu, sans larmes et sans lumière.

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