[Fin avril 553] La campagne de Carmélide [Xana]

Selon toute vraisemblance, la Sainte était dévastée. Chose peu étonnante avec ce qui venait de se passer. La perte de son camarade. Le rejet de ce proche. Et la perspective d’un sinistre avenir. À présent, rien ne pouvait se passer de bon pour elle. Ce qui serait étonnant, ce serait de constater que Criosa ne réagit pas en dépit de l’absence de réponses à ses interrogations. Si elle avait été totalement en accord avec la réputation des siens, elle ne se serait pas faite prier pour la menacer encore davantage. Mais à la place, elle céda un temps au silence, laissant à la suivante d’Athéna l’espace pour composer avec son chagrin. La pluie seule viendrait troubler les bousculements de ses pensées torturées. Finalement, une main se posa sur sa tête.

– Notre intention n’est pas de te faire souffrir gratuitement. C’est un euphémisme de parler de maladresse pour ce qui est advenu de notre altercation, mais je peux te dire que je suis fatiguée de me battre et je prends peu de risque en disant qu’il en va de même pour mon frère. Tout ce qu’on veut, c’est comprendre.

Elle avait continué de regarder devant elle pendant ses paroles. Sa main venant relâcher Dana, elle tournait un peu son visage en sa direction avec un sourire plus naturel. Quelque chose qui ne serait vu d’une aveugle, mais qui pouvait au moins s’entendre dans le ton de la voix.

– Si tu réponds à nos questions, tu auras tout loisir de sécher ton linge. Puis après, tu pourras bien faire ce que tu veux. Ta vie n'a pas à s'arrêter là, petite.

Sur ces mots, de continuer à marcher, jusqu’au moment où elles rejoignirent enfin Fingen qui les attendait, accroupi au sol, en proie à une étrange fascination devant une fleur rare qui avait tenu bon en dépit des dégâts produits à cet endroit. Lorsque les deux femmes se présentèrent à lui, il allait entendre ce que sa sœur trouverait à lui dire.

– Un homme cachait son vrai corps. Je l’ai épargné en échange de la promesse de Dana de répondre à nos questions.
– Je vois, ça me semble être honnête, comme marché.

Fingen, de se relever pour s’approcher de Dana tout en gardant une certaine distance. Il n’était pas aussi tactile qu’elle l’était, après tout.

– Es-tu disposée à écouter nos questions, à présent ?

La scène était devenue bien pathétique en un temps record. Mais avec ce qui était advenu, il aurait pu difficilement en être autrement. Le signe qu’il était temps d’en terminer car aucun ici ne souhaitait que s’éternise une telle situation. Ce pourquoi Fingen commença par faire le point pendant que Dana cherchait le cadavre de Xanathos.

– Nous avons bien compris que vous étiez des Saints. Il ne nous est donc plus nécessaire de te demander de qui tu tiens tes ordres. À la vérité, si vous vous étiez présentés ainsi d’entrée de jeu, cela aurait joué pour vous. En effet, je sais que notre reine souhaite poser les débuts d’une diplomatie entre nos deux factions. Bientôt, nous accueillerons votre ambassadrice et nous n’avons pas d’intérêt à vous nuire pendant que ces projets se dessinent. Lorsque nous l’avons réalisé, il était trop tard, le combat avait déjà commencé et nous ne pouvions décemment pas prendre le risque de ménager nos coups. Même si un peu d’emportement a joué de notre côté aussi, il nous faut bien l’admettre.

Disait-il, se tournant vers sa sœur qui détourna les yeux un moment comme une enfant qui venait d’être prise la main dans le sac. Regrettait-elle vraiment ? La question méritait d’être posée. Elle avait puérilement répondu à la provocation. Mais on ne changeait pas un sale caractère comme ça. Et puis, ce n’était pas comme s’ils n’avaient pas agi dans leur bon droit. Fingen lui-même semblait peu remettre en question la justesse de leurs décisions. Dans un soupire, il reprit la parole.

– Nous nous moquons bien de cette histoire de fantômes. Nous ne pouvions simplement pas écarter la possibilité que c’était là une manœuvre militaire pour nous nuire à l’avenir. Les relations internationales ne sont guère très cordiales, après tout.

Prenant le temps d’une pause, le druide réfléchit aux questions qui seraient les plus pertinentes de poser. Mais il fut arrêté dans sa démarche à force d’observer Dana rechercher piteusement le cadavre de son compagnon. D’un signe de main, il invité Criosa à lui amener le corps, ce qu’elle fit. Un pas était fait vers cette Sainte.

– Pourquoi cherchez vous cette prêtresse ? Qu’est-ce qui vous a fait penser qu’elle pouvait se trouver sur notre territoire ? Qu’est-ce qu’il s’est passé pendant votre mission pour que vous en arriviez à cette conclusion ? Que ferez-vous si vous la trouvez ?

– Oh… La Vérité est plus complexe que tu le penses. Enfin… plutôt que d’une alliance, il est davantage question de poser des limites dans la Guerre qui nous oppose. Mais ce n’est pas à toi d’entendre cela, je le crains.

Il était toujours délicat de corriger les mauvaises intuitions ou les préjugés excessifs sans trop découvrir son jeu. Lui-même se devait de marcher sur des œufs. Que l’interrogateur ne devienne pas l’interrogé et se fasse prendre à son propre jeu. En l’état, ces informations seraient suffisantes, même s’il s’étonna que le reste des Saints n’aient pas été mis au courant des plans en cours. Visiblement, la communication passait mieux au Connaught que dans le Sanctuaire. Toujours était-il que le druide écouta avec attention les réponses que Dana trouva à lui donner. Des éléments intéressants qui éclairaient beaucoup la situation à l’origine de ce drame.

– Je comprends mieux…

Jetant une œillade sur la Sainte, Fingen réfléchit un instant de plus voir s’il devait poser d’autres questions, avant de simplement renoncer à faire durer plus longtemps cette discussion.

– Je te remercie pour tes réponses, Dana. Concernant ton compagnon, nous n’avons rien fait pour retenir son âme. S’il a en lui assez de volonté… va savoir, il pourrait bien renaître. Du reste… j’en ai assez entendu. Criosa ?
– Oui j’ai compris, on s’en va.

Sur ces mots, les deux druides engageaient les premiers pas pour quitter la zone et laisser à Dana le loisir de faire ce qu’elle désirait. Elle était libre de ses actes.

Citation :

Merci pour le sujet ! Fin.